En attendant le tunnel routier qui défiera l’hiver
Le Grand-St-Bernard aura des accès dignes de son importance
Bien avant notre ère chrétienne, le col du Mont Joux voyait déjà passer les légions romaines et Tacite comme Tite-Live le citent dans leurs écrits. En l'an 800 Charlemagne le franchissait et plus tard des papes, des religieux, Etienne II, Léon II, Saint François de Sales ont affronté ces solitudes glacées. Un jour, au début du XIe siècle, Saint Bernard de Menthon, délaissant les rives du lac d'Annecy, y fonda un hospice et y réunit une congrégation. Dès lors, le col devient un de ces lieux inspirés que chanta Barrès. Sa réputation ne cesse de s'accroître et les grands chiens, aux origines mystérieuses, élevés par les chanoines pour secourir le voyageur en détresse, ne manquent pas de frapper l'imagination populaire.
Document © Luc Saugy
Depuis, l'histoire du passage se trouve liée intimement à celle de l'Hospice. Sa renommée est telle que chaque année de véritables foules accourent de tous les coins du monde pour le visiter. Les touristes peu à peu le prennent pour but ; ils y sont attirés par ce souffle d'épopée que constitua ce franchissement par Bonaparte et son armée, à une époque où nulle route n'existait, et ils veulent voir aussi l'habitat de ces chanoines qui se sont volontairement retranchés du monde et passent, en méditant et en priant, de longs mois en un complet isolement.
Photo © Max Kettel, L'Illustré no 27, 1er juillet 1937
Ces foules se font d'année en année plus nombreuses. Pour ne citer qu'un exemple, le Dr Erne, de l'Office valaisan du Tourisme, nous a dit y avoir dénombré un 12 septembre, soit alors que la saison touche à sa fin, 1700 personnes au col ! Et l'on ne s'étonnera pas que la route actuelle soit devenue insuffisante pour faire face à un trafic toujours plus intense. Il devient urgent d'y remédier faute de voir le mouvement touristique se détourner de la région et de prendre les mesures qui s'imposent. C'est dans ce but que le 3 juin, dans une des salles de l'Hospice et en présence du prieur, le Chanoine Quaglia, s'est constitué un comité d'action Pro Saint-Bernard.
De gauche à droite : M. Faustin Guillet, Directeur de l'Office du Tourisme du Val d'Aoste; M. Pagnatelli della Leonessa, Consul d'Italie à Lausanne; le Chanoine Quaglia et M. Denis Puippe, de Martigny, un des promoteurs du mouvement.
© ECHO ILLUSTRÉ (Saripress)
Il veillera à l'ouverture précoce de la route qui résulte d'une convention de 1944 entre les communes de Martigny, d'Orsières, le département des Travaux publics et l'Union valaisanne du Tourisme. Mais surtout il interviendra pour accélérer les travaux d'élargissement afin que la route suisse devienne digne de l'italienne qui, dans un avenir très prochain, sera goudronnée sur tout son parcours. Enfin, il aura à cœur de compléter les installations existantes devenues insuffisantes pour accueillir le flux croissant des touristes.
Dans sa partie inférieure, la route du Grand-St-Bernard comporte des tronçons neufs et l'on y rencontre plusieurs chantiers occupés à la réfection de la chaussée et à son agrandissement. Mais le rythme de ce travail demeure encore bien lent.
© ECHO ILLUSTRÉ (Saripress)
D'un autre côté, il patronnera un projet tout récent - il date d'un mois environ - d'un tunnel routier dont le point de départ se trouvera un peu plus haut que la Cantine de Proz et l'aboutissement aux abords de St-Rémy. Ce projet, dû à l'ingénieur Coudray, se présente sous une forme bien plus économique que le précédent dont on a abondamment parlé il y a quelque quatre ans et qui, trop coûteux, est tombé dans l'oubli. On envisage, en effet, que les voitures soient, moteur arrêté, tractées sur toute la longueur du tunnel, 6 kilomètres environ. Ceci permet d'en réduire la section et de supprimer totalement les onéreux dispositifs d'évacuation des gaz brûlés des moteurs. Et il semble qu'il soit possible, moyennant une somme relativement modérée par rapport aux autres tunnels routiers envisagés - 20 à 25 millions - de venir à bout de celui du Grand-St-Bernard.
C'est la Société de Développement de Martigny qui a pris l'initiative du mouvement. Mais elle n'a pas voulu être seule en cause et a estimé qu'il fallait réunir les véritables intéressés les plus directs, c'est-à-dire les habitants mêmes de la vallée tant du côté suisse qu'italien. Et le représentant de l'Office du Tourisme d'Aoste, M. Faustin Guillet, en acceptant de faire partie du comité, affirma que les Valdotains appuieraient de toutes leurs forces tout ce qui serait de nature à les sortir d'un isolement qui dure plus des deux tiers de l'année. D'ailleurs le Val d'Aoste, preuve en soit cette route romaine qui la suit, la plus importante de l'époque, la Voie des Gaules et le Petit comme le Grand-St-Bernard qui en constituent le prolongement naturel, sont un trait d'union millénaire entre le sud et le nord.
Aux attraits que constituent le col célèbre et son Hospice vient de s'en ajouter un nouveau : le télésiège de la Chenalette qui, montant à 2800 mètres d'altitude, met à la portée de tous les touristes un belvédère d'où la vue est incomparable.
Cette réalisation, empruntant leur domaine, a reçu la pleine approbation des chanoines du Grand-St-Bernard. Ceci non pas tellement pour les redevances que le télésiège sera susceptible de leur rapporter, mais surtout parce qu'il décongestionnera leur Hospice et lui rendra quelque peu une tranquillité qu'il ne connaît guère au cours de l'été ! Nul n'ignore que le col est relativement encaissé et les touristes n'ont pas, pour la plupart, l'équipement voulu pour arpenter des sentiers de montagne. Aussi se cantonnent-ils à la route et à ses abords immédiats, et quand ils sont plus de 4000 comme certains jours d'été, on peut juger de l'encombrement et du bruit qui en résultent !
Joseph Hayot
© ECHO ILLUSTRÉ (Saripress) no 25, 19 janvier 1954
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