... Un jour, par hasard, dans un café de Grandvaux, je suis témoin d'une conversation entre deux promoteurs: "Ça y est ! dit l'un. J'ai attrapé le meilleur point de vue. Je vais pouvoir faire mon beurre." L'autre se frotte les mains, bombe le torse: "On peut se congratuler mutuellement. J'ai eu un coup de chance, moi aussi. J'ai trouvé un terrain bijou, je te le dis! En pleine vigne! Je pourrai faire quatre étages au moins." Hilares, les deux compères se tapent sur l'épaule. Ils tartineront un peu plus Lavaux de béton.

Voilà ce que représentent, pour les promoteurs, le paysage, la nature et la beauté: du fric en perspective... Ils se plantent là, grossièrement, étalent avec brutalité leur béton, profitent de la vue, la volent aux autres en imposant à tout jamais leur propre hideur aux yeux du monde...

Servir le fric, voilà la devise à Cully et Grandvaux. Servir le fric à outrance, voilà la devise à Lutry, où les méfaits de la spéculation atteignent véritablement au désastre. Lutry, la plus grande commune vinicole du canton, a livré les deux tiers de son vignoble aux promoteurs! C'est là que Lavaux a commencé à faire hara-kiri...

Citation de "Une heure en Lavaux, sur les pas de Franz Weber" de Bertil Galland, Ed. Xenia à Vevey, 2011.