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Christophe Mauron: "C'est une expression de la modernité qui intéresse Hans Steiner."

26 septembre 2012
Claude Zurcher
notreHistoire

Considéré comme un photographe à la fois peu conventionnel et optimiste dans cette période des années 1930, puis de la Mob et du début des Trente Glorieuses, Hans Steiner a marqué l'âge d'or du photojournalisme helvétique. Parcourant la Suisse pour des magazines alémaniques, il a constitué un fonds de près de 100'000 négatifs, acquis dans les années 1980 par le Musée de l'Elysée.

Avec son travail sur l'alpinisme et le sport, ses portraits de femmes émancipées, ses photos de mode ou de publicité, ses clichés d'une société bientôt bousculée par la consommation de masse, Hans Steiner renvoie à la vision d'une Suisse apparemment sans ombre et confiante dans la modernité. Une vision que le Musée de l'Elysée a voulu partager, en 2012, avec une exposition itinérante.

Après Lausanne, puis la Fotostiftung de Winterthour, la Médiathèque Valais-Martigny et le Museo Villa dei Cedri de Bellinzona, l'exposition « Hans Steiner. Chronique de la vie moderne » termine son périple en Suisse par le Musée gruérien, à Bulle. L'occasion pour le Musée de présenter une sélection de photographies de l'atelier Photo Glasson, des années 1930 et 1940¨, et qui répondent à cette modernité triomphante soutenue par Hans Steiner. Interview de Christophe Mauron, conservateur du Musée gruérien.

Vous avez dû opérer un choix parmi les 300 photographies présentées initialement. Comment avez-vous effectué cette sélection ?

Christophe Mauron. Nous avons en effet retenu 109 photos thématiques de l'exposition mise sur pied par le Musée de l'Elysée, en restant attentif à conserver la force initiale du projet. Soit présenter une chronique de la vie moderne, telle que Steiner l'a saisie par son travail. Il porte un regard peu conventionnel sur la Suisse des années 30 et demeure assez optimiste. Sans doute cet optimisme est-il nourri par sa passion pour le sport, la consommation, les loisirs, les villes mais aussi par les femmes ; elles comptent parmi ses muses. C'est véritablement une expression de la modernité qui l'intéresse.

D'autres ont travaillé pour la presse magazine, en donnant une dimension sociale à leurs photographies. Ce n'est pas vraiment le cas de Steiner.

Il travaille pour la presse à grand tirage, particulièrement le magazine. C'est l'époque du Schweizer Illustrierte qui publie des reportages sur le chômage en Suisse, par exemple, ou sur la condition ouvrière et donne ainsi une place à une photographie sociale. Hans Steiner, lui, fait autre chose. Il montre une Suisse que l'on ne voit pas souvent. La Suisse de la réussite économique, des loisirs, de l'émancipation de la femme avant les Trente Glorieuses. Cet aspect de son travail est particulièrement important.

Cette modernité, ce n'est pas seulement les thèmes choisis, mais aussi une certaine manière de photographier.

Oui. Steiner a aussi un langage visuel inspiré par les avant-gardes de son époque. Plongées et contre-plongées, cadrages obliques, vues rapprochées, il explore les possibilités de la photographie. Cela fait-il de lui pour autant un photographe d'avant-garde ? Non. Mais il a une bonne culture visuelle et s'inspire notamment du russe Rodchenko et de son apport au constructivisme. Mais aussi à l'expressionnisme du cinéma allemand qui se révèle dans Nosferatu et les films de Fritz Lang.

Il est au courant de ces nouvelles formes et leurs influences dans son travail nous parlent encore. Il y a comme une référence aux comix, à la BD, au cinéma fantastique dans la photographie de Steiner à laquelle nous sommes sensibles aujourd'hui. C'est une des forces de cette exposition, je crois, de situer à la fois Steiner dans son époque, mais aussi de le projeter vers nous.

Il s'inscrit également dans un contexte politique. Quand il célèbre les alpinistes qui se confrontent à l'Eiger, il répond à une dimension politique où se joue la compétition sportive au nom du prestige national.

L'exposition vous a permis de mettre en relation un choix de documents du Fonds Glasson que vous conservez.

Nous avons renoncé à rendre Steiner fribourgeois, ou gruérien. D'ailleurs, il n'y a pas beaucoup de photos propres à Fribourg, et nous n'avons pas voulu dévier vers un localisme. Mais il nous est paru intéressant de faire un parallèle avec le travail de l'atelier Glasson, à cette même période, qui traite des sujets proches de ceux de Steiner, en conservant une dimension commerciale.

Simon Glasson se considère comme un artiste, mais il doit aussi répondre à des commandes. Elles offrent une vision plus large et entrent en écho avec le travail de Steiner. Ce sont à la fois des liens de parenté et des passerelles qui doivent être considérés. Mais il y a aussi des différences fondamentales dans le langage visuel. Glasson n'est pas à l'avant-garde, à quelques rares exceptions. Et Steiner travaillait pour la bourgeoisie des villes, les lecteurs de magazine. Glasson, lui, travaille dans un canton rural qui n'est pas un pôle culturel.

Propos recueillis par Claude Zurcher

L'exposition "Hans Steiner, chronique de la vie moderne", est visible au Musée gruérien, à Bulle, jusqu'au 30 septembre 2012.

Le site du Musée gruérien

Le profil du Musée gruérien sur notrehistoire.ch

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  • Martine Desarzens

    Courrez vite vite..... voir les magnifiques, extraordinaires photographies de Hans Steiner....magnifique exposition...j'ai été la voir deux fois au Musée de l'Elysée..... Merci cher Claude pour cet interview très intéressant !

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25 septembre 2012
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