Jean-Claude à l'école

Jean-Claude à l'école

Photographe inconnu
Gabrielle Hånde

Mon père Jean-Claude Pauchard (1941-2019) a toujours eu un sourire éblouissant. C'était un élève assidu et brillant avec un talent pour les langues. Mais cette photographie me fait toujours réaliser, non sans tristesse, à quel point les enfants mal aimés, battus et cassés pour la vie sont soucieux de plaire et de bien faire.

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  • Philippe Chappuis

    Il y a ici une grande douceur, dans cet échange souriant, rien de carnassier; le sourire, je le ressens, en général comme un don irrésistible et c'était ma première impression; dans votre réflexion, le sourire devient une sorte d'outil relationnel, permettant de gérer un rapport de force défavorable, où le sujet se sent perdant d'avance

    • Gabrielle Hånde

      J'ai longtemps hésité entre écrire la vérité ou ne pas mettre de commentaires à certaines images. Cet endroit n'est pas lieu à rendre des comptes mais parfois les vérités sont terribles et ça aussi, c'est notre histoire. Ce sourire est le celui de l'écolier brillant dont le carnet de notes ne contenait que la note maximale. Il y a cependant 2 ou 3 pages où il y avait un 5 dans une matière, parmi les 6, et ces pages sont tâchées de larmes. On m'a raconté qu'en effet, s'il n'était pas félicité pour son excellent travail, mon père était par contre puni à l'occasion de ces effractions mineures. Le meilleur moyen, on dirait du Dickens, était de le faire se tenir à genoux sur une règle en bois carré, les bras en croix avec un livre dans chaque mains, pour recevoir des coups de ceinturon. En regardant ce carnet de notes, je me suis souvent demandée s'il s'agissait d' un signe des temps, d'une tradition familiale? Je me rappelle mon père répétant à ma mère qui avait le soin de nous éduquer "Les enfants, il n'y a que les coups qu'ils comprennent." Était-ce ce qu'il avait entendu dire? En était-il vraiment convaincu? En lisant les descriptions que vous faites de votre vie de famille, je me demande si vous êtes l'exception!

  • Philippe Chappuis

    Vous ayant lu et, bouleversé par la franchise de votre témoignage, je suis retourné au doux visage de votre père, ce qui a achevé de mettre ma confusion à son comble. La construction d'un individu se fait dans une totale subjectivité, sous l'emprise tyrannique des émotions, ce qui par de multiples détours, actions et réactions, et paradoxes aboutit à la déroutante remarque de votre père énonçant sans appel sa recette pour réussir l'éducation de sa progéniture...Les neurosciences commencent seulement à dénouer micron par micron l'épouvantable écheveau inextricable qui nous tient de cerveau, nous mettant devant une complexité déroutante.. en attendant, pour retrouver un peu de calme, il nous faudra chercher la sagesse par d'autres chemins...

    • Gabrielle Hånde

      Merci pour votre sensibilité et l'intelligente analyse de vos propres sentiments. Je ne vous cacherai pas que le travail de mémoire que je fais ici m'aide à me souvenir et dénouer beaucoup de choses. Et je pense que le pardon vient avec la compréhension. Jean-Claude n'avait aucun souvenir heureux de son enfance. Il a survécu en ayant une personnalité double. Il y avait la version officielle, celle de l'homme qui se faisait des amis sans problèmes grâce à son dévouement pour les sociétés auxquelles il appartenait, son aura joviale et son sourire ravageur. Lors de son enterrement, l'église était pleine et ma mère a reçu plus de 500 faire-parts. Pour ses proches étaient réservées sa rage, sa douleur, sa dépression, son mépris et surtout son indifférence. Mon enfance fut meilleure que la sienne et celles de mes filles a été très heureuse. Le cercle de la violence est enfin brisé. Hourra!

    • Philippe Chappuis

      Hourra effectivement !

Gabrielle Hånde
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11 avril 2020
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