L'alpinisme, pourquoi ?

L'alpinisme, c'est une quête de sensations, l'irrésistible fascination du mouvement, parfois un peu de gloire fragile, du bonheur fugace, mais aussi beaucoup de travail qui demande de la peine.

Probablement que tout n'est pas exemplaire et irréprochable dans cette activité créatrice d'une gestuelle audacieuse. La chronique nous rappelle furtivement que l'alpinisme n'est pas qu'un simple passe-temps, et que, c'est humain, les simples passe-temps eux-mêmes incluent, enfouis sous les plus innocents ornements, une petite pointe d'appétit de vaine célébrité, de soif de gain, d'aspiration à la satisfaction d'amour-propre.

Pour autant, faut-il ficeler à cordes l'alpinisme sur la roue, le clouer au pilori ?

Quelques minuscules macules ne suffisent pas à flétrir l'extraordinaire histoire de l'alpinisme et de ses pratiquants, la communauté des ascensionnistes, à l'évidence pluridisciplinaire, internationale et multiculturelle, au sein de laquelle il est permis de se comparer, sans brutalité, ni fureur, dans des joutes audacieuses, non réglementées, à soi-même, à ses émules, au milieu naturel.

L'alpinisme, c'est l'harmonie du corps dans l'espace, la grâce des attitudes, l'élégance sans mélange. Quoi de plus éloquent que les gestes déterminés et lents d'un alpiniste s'élevant sur un pilastre cannelé de glace étincelante, s'aventurant le cœur palpitant sur un banc de roche ocre, grise, ou noire, plâtré de neige fraîche d'une blancheur éclatante.

L'alpinisme, c'est la fragilité émouvante d'un être aérien animé, livré aux aléas d'une Fortune aveugle, à l'à-pic, sur des éclats de lumière, qu'en passant il touche légèrement d'un peu de sa chair heureuse, éphémère.

Bien que la prestation de l'alpiniste paraisse totalement dérisoire par rapport aux nécessités du quotidien, comment réfréner le véritable étonnement, la joie que l'on éprouve devant son habileté et sa maîtrise qui, au prix de nombreuses années d'apprentissage, de préparation méthodique, lui permettent d'enrichir son existence de temps forts, intenses, de quelques instants d'émotions décuplées ?

Lorsque je m'interroge sur la raison de la profonde impression qu'exerce l'alpinisme sur les hommes, je découvre que, peut-être, dans l'ensemble d'actes coordonnés qui composent cette chorégraphie se cache un moyen suprême d'accomplissement.

En fin de compte, l'alpinisme n'est-il pas ce qui vient exalter et redire en nous l'impérieuse nécessité de converger vers une vraie grandeur de la valeur humaine, de s'affranchir résolument du banal qui nous bâillonne, en vue de nous remémorer que nous sommes nés pour tendre continûment à une sincère élévation ?

MMD 25.11.2016