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Entrée des classes, Covid-19

mai, 2020
Quotidien 24 heures
Michel Savioz

Le 11 mai sonnera le retour progressif en classe pour des milliers d’élèves. En attendant, directeurs et enseignants jonglent pour ne laisser aucun détail de côté. Reportage à Vissoie (VS).

Frédéric Zuber, le directeur du Centre scolaire d'Anniviers (VS), reste serein à quelques jours du déconfinement scolaire. Pourtant il faudra penser à beaucoup de choses.

Et voilà le moment que vous redoutiez. Imaginez un peu. Il est 9 h 30 ce lundi 11 mai et, jusque-là, tout allait bien. Une demi-classe de dix élèves venait de recommencer l’école, tous avaient pris une bonne minute pour se laver les mains. Et voilà que Mathis, au fond de la classe, pose une question pour son problème de maths. Pris par vos habitudes, vous vous mettez à sa hauteur pour lui répondre. Votre masque est resté sur le bureau. En retournant le chercher, vous remarquez qu’Elsa, à qui vous veniez de reprendre la craie du tableau, est prise d’une quinte de toux. Pendant ce temps, un collègue frappe à la porte. Vous saisissez la poignée sans vous rappeler que Camille venait de faire pareil en revenant des toilettes. Et voilà qu’en trente secondes vous avez peut-être touché trois fois le coronavirus dès la rentrée.

Rassurez-vous. Dans la réalité, ça devrait aller mieux. C’est en tout cas ce que pense Frédéric Zuber, directeur du Centre scolaire d’Anniviers (VS). Comme nombre de ses homologues, l’homme est en train d’affiner la stratégie pour la rentrée du 11 mai. Et il est plutôt serein.

À Vissoie, dans les couloirs déserts du centre où il a lui-même fait ses classes, on s’organise. Devant les salles, les affaires des élèves sont encore suspendues aux crochets. À l’intérieur, les chaises sont sur les bancs, les trousses rangées sous les pupitres, on se croirait au lendemain d’un week-end comme un autre.

«Nous savons que ce ne sera pas la même chose qu’avant, mais le fait que la distance de 2 mètres n’est plus recommandée entre les élèves est un vrai soulagement. Sinon, cela aurait été tout simplement impossible.»

Car le reste est réaliste. «Chaque classe a un lavabo, chaque enseignant recevra du gel. On peut tout à fait fonctionner avec les portes ouvertes pour éviter les contacts et réduire le partage d’objets au strict minimum. Et nous éviterons bien sûr d’être trop proches des élèves, ou alors avec un masque pour les plus vulnérables.»

L’entreprise de nettoyage devra désinfecter rambardes, interrupteurs ou encore poignées de porte jusqu’à quatre fois par jour. Les mesures d’hygiène prendront du temps, chacun le sait. «Dans un tel contexte, nous sommes tous prêts à perdre quelques minutes de français ou de maths», ajoute-t-il, lui-même titulaire d’une classe de 8H.

Le casse-tête de la première semaine

Aucune école ne ressemble à une autre. Chacune a ses avantages et ses inconvénients pour affronter cette crise. Dans ce centre où se côtoient 270 élèves, on a la chance de pouvoir compter sur de grandes classes et des espaces extérieurs où l’on ne risque pas d’être 100 à jouer à la même marelle. En revanche, tous les élèves, même les plus petits, viennent en transports publics, en provenance de la dizaine de villages de la vallée. Pour Frédéric Zuber, il faut veiller à ne pas changer ces habitudes.

«Ce serait problématique si chaque parent amenait ses enfants pour tous se retrouver à 8 h 15 devant le centre.» Et ne comptez pas trop sur la mobilité douce. L’accès à vélo à certains villages de la vallée est une épreuve physique en soi et la route principale est chargée de camions à cette heure du jour.

Pour la première semaine de rentrée, il faudra organiser des demi-classes, surtout pour réhabituer les élèves du primaire. «Nous essayons de composer à la fois par fratries, par niveaux, en espérant que ça convienne aux parents», sourit Frédéric Zuber. «C’est un sacré casse-tête mais nous y arriverons.»

Autre avantage qui peut se transformer en inconvénient: à l’exception des tout-petits, presque tous mangent sur place. Dans la salle qui peut accueillir 200 élèves, il faudra faire des groupes, installer des plexiglas entre la cuisine et les jeunes, et chacun devra venir avec sa gourde.

Ce ne sera pas des vacances...

Ce n’est que le 18 mai que l’école, pour les primaires en tout cas, pourra reprendre un peu normalement. «Tous les cours sont maintenus. Mais la crise continuera de prendre de la place et on aménagera des plages pour l’évoquer car nous avons un rôle à jouer dans l’éducation face au coronavirus.»

Les écoliers accompliront ainsi eux-mêmes certains gestes, comme la désinfection des claviers d’ordinateur. «Les commerces rouvriront également et il est primordial que l’école soit là pour rappeler des règles d’hygiène.»

Jusqu’à l’été, il n’y aura ni contrôle ni note. Et s’il y en a, elles ne compteront pas. De là à parler de vacances, rien n’est moins sûr.

«Nous insisterons sur la nécessité qu’ont les élèves de se responsabiliser pour être au niveau l’année suivante, c’est un élément que cette crise peut enseigner.» Et même s’il y a un peu d’appréhension, Frédéric Zuber salue le bon esprit des parents et ses collègues qui se réjouissent de recommencer. «Parce que l’école qui rouvre, c’est un peu la vie sociale qui prend le dessus sur ce satané virus, même si rien ne sera vraiment comme avant.»

Article du Quotidien 24 heures

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Michel Savioz
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3 mai 2020
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