La croix de Papa, aux trois-quarts sciée

La croix de Papa, aux trois-quarts sciée

Yves Vouardoux

Je n'aurais bien entendu jamais eu l'idée de placer cette photo ici ni d'écrire ce texte, si je n'étais pas tombé un peu par hasard - en recherchant des vues de Grimentz sur ce site - sur l'image mise derrière le lien ci-dessous :

http://www.notrehistoire.ch/photo/view/17385/

Mais en y reconnaissant la croix de Papa, une foule de souvenirs sont remontés à ma mémoire. Ca devait être aux environs de 1972 - j'avais alors 11 ans - lorsque mon père décida d'installer une croix proche de notre ancien mayen. Nous avons alors commencé à percer un trou, sur un rocher émergeant du sol sur une hauteur d'un mètre environ, à l'aide d'un burin et d'une masse. Avec mon grand frère Guy, nous tenions à tour le burin que nous devions soulever et tourner d'un quart de tour chaque deux ou trois coups de masse frappés par Papa, afin qu'il ne se fiche pas dans la pierre. Lorsque le trou a atteint la bonne profondeur - nous avions fait cela à raison de quelques heures par-ci, par-là - Papa y a scellé un fer qui dépassait de vingt à trente centimètres vers le haut ; fer sur lequel il a planté la croix qui a été photographiée par René Briol en 1974. Il faut dire qu'à l'époque, un chemin pédestre officiel traversait notre pré et passait proche de ce symbole religieux. Peu de temps après, en 1977, mon père est décédé à l'âge de 58 ans. Puis, plus tard, j'ai hérité de notre ancien mayen ainsi que du terrain environnant, donc de la croix également :-)

La base de cette croix s'est détériorée et j'ai dû la démonter, durant les années 80, avant qu'elle ne tombe sur quelqu'un. Je l'ai alors mise à l'abri dans l'attente d'une bonne idée afin de la remonter sur une meilleure base.

Entre temps je me suis décidé à transformer cet ancien mayen en chalet de vacances mais, faute de moyens financiers suffisants et puisque j'ai effectué une bonne partie des travaux moi-même, les travaux ont durés entre 5 et 7 ans. Afin de disposer de quelques sous complémentaires, j'ai également dû vendre un bout de terrain, dont le rocher sur lequel se trouvait notre croix. Durant la même période, je me suis marié et nous avons quitté le Valais avec mon épouse.

En 1994, juste avant que nous puissions prendre possession de notre nouveau logement de vacances, je me suis quand même décidé à remonter l'ancienne croix de Papa sur un nouveau socle en fer dont 4 bras remontaient maintenant à l'extérieur du bois afin que la "prise" soit meilleure. Comme le fond de la croix était en partie pourri, j'ai quand même dû en enlever environ 1 mètre. Si vous comparer les deux photos, sur mon image la croix parait bien plus petite, tout d'abord parce qu'elle a été raccourcie et ensuite car ma photo a été prise au téléobjectif, ce qui la «tasse» encore un peu ; les fentes du bois sont cependant bien reconnaissables. Comme je ne possédais plus le terrain où elle se trouvait autrefois, j'ai également dû lui trouver un nouvel emplacement. Si vous regardez l'ancienne photo de René, le nouvel endroit se trouve très légèrement à gauche de la croix, à l'horizon entre l'herbe et le ciel, soit 30 à 50 mètres plus haut et plus au nord. Il semble bien que l'on reconnait même le sapin sur la gauche de la croix sur nos deux vues.

En 2007, c'est le bras de la croix qui arrivait en bout de vie et, comme le Jean de la chanson, j'ai simplement décidé de la reconstruire plus belle qu'avant ; probablement plus en souvenir de Papa que par convictions religieuses. Pourquoi ai-je encore pris une dernière photo, la scie fichée dans le bois, juste avant que je n'en coupe les derniers centimètres ??

L'ancien fer sur lequel était placée la croix est encore fixé dans le roc à ce jour, mais chez mon nouveau voisin (un citoyen allemand qui occupe son nouveau chalet 2 à 3 semaines par année et qui ne saura probablement rien de l'histoire de notre croix jusqu'à la fin des ses jours !).

Si vous passez sur la Route de Beauregard à Grimentz, proche du « Chalet Beauregard », vous pourrez admirer la croix actuelle.

J'ai vu la photo de René sur ce site il y a environ 2 ans et j'avais déjà imaginé raconter cette histoire, mais finalement j'y avais renoncé, pensant que ça ne devait pas intéresser trop de gens. En revoyant encore une fois cette photo hier soir, à nouveau un peu par hasard, je me suis décidé à le faire maintenant. L'ami Sigmund - Freud, bien entendu - serait certainement très intéressé à étudier mon texte d'un peu plus près :-)

16 novembre 2013

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  • Marianne Carron

    Yves, merci pour l'histoire de votre croix, et le détail de sa fabrication. Ayant vécu étant petite des vacances à l'alpage, j'aimerais savoir si, comme ça se faisait souvent, la famille se réunissait devant la croix pour la prière ou si vous y déposiez des fleurs ?

  • Yves Vouardoux

    Au risque de vous décevoir, non. Mes parents étaient assez pratiquant – surtout ma mère – mais je n’ai pas de souvenirs très précis de prières en famille et en tout cas pas proche de cette croix, pourtant distance de notre mayen que d’une cinquantaine de mètres. Bien que maintenant que vous me le demandez, j’ai peut-être un très vague souvenir de prières en famille quand j’étais vraiment plus petit (donc à la fin des années 1960). Par contre on suivait par exemple très régulièrement la messe du dimanche. Il faut aussi dire que nous n’étions au mayen que 2 à 4 semaines par année, surtout au printemps.