Coupe en vermeil de Jean-Baptiste Bourgeois 1653

Coupe en vermeil de Jean-Baptiste Bourgeois 1653

1 janvier 1653
Serge Bourgeois 1892-1944
Serge de Muller

Jean-Baptiste Bourgeois 1603-1672 de Giez, Yverdon, Grandson, fils de Francois ffeu Bernard, dont descendance. En 1653, lors de la guerre dite des paysans, il recut un bocal en vermeil avec une lettre et un billet qui l'accompagne de la part de LL.EE. de Berne a cause des services rendus dans ladite guerre en qualite de Capitaine.
(extrait de la genealogie Bourgeois).
Cette coupe fut donnee ou vendue vers 1985 par ma mere

Genevieve Bourgeois 1923-2000au Musee National Suisse, a Zurich, et est expose sans mention de l'auteur Jean-Baptiste Bourgeois 1603-1672.
Photo de Serge Bourgeois vers 1940.

imageCoupe de Jean-Baptiste Bourgeois 1603-1672 de Giez et Grandson, "conseigneur de Bonvillars, conseiller de Grandson, capitaine" qui recut de leurs LL.EE. de Berne une coupe en vermeil pour son action a la guerre des Paysans en 1653.
La Coupe est expose au Musee National Suisse Zurich sans mention de Jean-Baptiste Bourgeois 1603-1672.

In the 17th century Jean-Baptiste Bourgeois 1603-1672, from Giez and Grandson/Switzerland "conseigneur de Bonvillars, conseiller de Grandson, capitaine" was awarded a cup by LL.EE. of Berne, for his involment at the " Guerre des Paysans" 1653. The cup is exposed at the Swiss National Museum in Zurich, unfortunately without a note of Jean-Baptiste Bourgeois.

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Musee National Suisse Zurich Suisse

LIVRE QUATRIEME

LE PAYS DE VAUD SOUS LA DOMINATION DE BERNE.

XVIe, XVIIe ET XVIIIe SIECLES.
Histoire du Canton de Vaud

Par Auguste Verdeil (1795-1856)

(Lausanne, Martignier et Compe., 1849-1852)

Chapitre IX.

La Suisse pendant le guerre de Trente Ans. - Révolte des paysans de Berne, de Lucerne, de Soleure et de Bâle. - Le Pays de Vaud refuse de donner des troupes à Berne. - Le bourgmaître de Lausanne convoque les villes et les communes, et les engage à secourir Berne. - Les Vaudois s'arment et marchent au secours de Berne, qui promet de restituer ses anciennes libertés au Pays de Vaud. - Défaite des paysans. - Vengeances exercées par Berne. - Conformément aux promesses de Berne, les villes de Vaud veulent s'assembler à Moudon. - Refus du bailli. - Moudon convoque les quatre bonnes villes à Cossonay. - Les baillis empêchent les députés de se réunir. - Mandat de LL.EE. contre les assemblées des villes. - Les députés des villes et des communes réunis à Moudon, sous l'autorisation baillivale, réclament les anciennes libertés et le redressement des griefs du pays. - Requête des bonnes villes et de la Terre de Romainmôtier. - Berne supprime les assemblées des villes et des communes, et ne permet aux quatre bonnes villes de s'assembler que sous l'autorité des baillis, et pour des objects relatifs aux intérêts communaux.

Guerre des Paysans

1653

Pendant que le catholicisme et le protestantisme continuaient à diviser la Suisse en deux confédérations ennemies, les nations allemandes des deux communions chrétiennes se livraient une guerre longue et terrible, qui entraina sur les champs de bataille de l'Allemagne la Suède, la Hongrie, l'Italie, l'Espagne et la France. Commencée en Bohème, en 1618, la Guerre de Trente Ans environna de ses feux le territoire helvétique. Les bords du Rhin, dès Bâle à Constance, les Alpes de la Rhétie, l'Evêché de Bâle et la Franche-Comté furent tour-à-tour le théâtre de la guerre, et parfois la frontière helvétique fut foulée pas les armées étrangères. Ainsi : le duc de Saxe-Weimar occupait l'Evêché de Bâle; Horn, général suédois, passait le Rhin, traversait la Thurgovie; à leur tour, les Impériaux franchissaient le Rhin près de Schaffouse. Mais divisée elle-même par les partis qui déchiraient l'Allemagne, la Diète helvétique ne pouvait prendre des mesures pour protéger la neutralité. Même, on vit les petits cantons s'armer pour secourir les Impériaux assiégés dans Constance, les cantons du centre refuser les soldats pour protéger les frontières, et les Bernois faire cause commune avec les Suédois et les Français contre les Autrichiens en Alsace. Pendant la guerre de Trente Ans, non-seulement le lien fédéral n'existait plus, mais les cantons catholiques et les cantons protestants étaient toujours prêts à en venir aux mains. Ainsi lorsque Berne voulut secourir son alliée la ville de Mulhouse, menacée par les Impériaux, les Soleurois assaillirent son bataillon, lui tuèrent plusieurs hommes et le désarmèrent. Une compagnie de Lausanne faisait partie de ce bataillon. Le conseil de cette ville, en apprenant cette nouvelle, dépêcha un conseiller pour qu'il fit prendre soin des blessés lausannois1.

Partout dans la Suisse le désordre était extrème. Dans chaque canton des recruteurs enrôlaient, les uns pour les Impériaux, d'autres pour la France, d'autres pour les Suédois2.

Les déserteurs, des gens sans aveu qui entraient en Suisse, étaient en si grand nombre, que, dans un seul jour, plus de six mille passèrent le Rhin. Ces réfugiés compromirent tellement la sûreté de la Suisse que les gouvernements des cantons durent déployer contre eux la plus grande rigueur. Dans l'année 1640, deux cent trente-six de ces malheureux subirent la peine de mort dans la ville de Bremgarten. Enfin, la paix fut signée en 1648; un nouveau droit européen fut établi entre les nations de l'Europe, et le traité de Westphalie reconnut à la Suisse son indépendance de l'Empire germanique.

Pendant ces trente années de guerres, les gouvernements des cantons, épuisés par des armements considérables, décrétèrent des impôts et des contributions. Berne, en 1637, leva un impôt de guerre sur le Pays de Vaud. Mais, au lieu de procéder comme elle le fit dans ses guerres avec le duc de Savoie, où elle convoqua les Etats de Vaud, elle se contenta d'inviter les communes par une circulaire à payer pendant dix ans un impôt extraordinaire de deux florins par feu. En 1641, un nouvel impôt de un pour mille fut décrété pour tout le canton de Berne. Les villes de Moudon, d'Yverdon, de Morges, de Nyon, et la noblesse du Pays de Vaud voulurent s'assembler pour discuter cet impôt, mais «LL. EE. étant averties, par leurs seigneurs baillis, comme le noblesse voulait faire cette assemblée pour consulter touchant la contribution du millième denier, et même que les bonnes villes s'assemblaient au pareil sujet, LL. EE. ont envoyé mandat aux dits baillis par lequel défendent de s'assembler pour le sujet susdit3.» Lausanne, pour être dispensée de l'impôt, offrit, ses franchises réservées, de payer vingt-cinq mille florins une fois pour toutes. Berne refusa et répondit que Lausanne devait payer comme le reste du pays4. Vevey et le bailliage de Romainmôtier refusèrent d'abord l'impôt, mais se laissèrent enfin persuader par les instances du bailli. Toutefois, partout dans le Pays de Vaud l'impôt fut levé sans difficultés.

Cependant, il n'en fut pas de même dans les bailliages allemands. Les villes d'Argovie, écrasées par le long séjour des troupes bernoises chargées de garder la frontière du Rhin, réclamèrent, puis refusèrent l'impôt; Lenzebourg, Wangen, quarante communes de l'Emmenthal, le Simmenthal et le Gessenay se soulevèrent. Berne mit des garnisons à Thoune, à Berthoud, à Brandis, à Summiswald et à Trachselwald, donna l'ordre à ses baillis de mettre les milices du Pays de Vaud sur pied et réclama l'assistance de Bienne, de Neufchâtel et de Genève. Enfin, elle invita le général d'Erlach, qui commandait dans l'armée du duc de Weimar, à faire une démonstration sur le Frickthal. La terreur se répandit dans les campagnes. Le bailli de Thoune fit arrêter dans la nuit du 9 au 10 mai Nicolas Zimmermann, l'un des chefs des paysans insurgés. Cet acte rend au peuple toute son énergie; tous les villages voisins de Thoune se soulèvent; quinze cents paysans marchent sur cette ville et ne s'arrêtent qu'à la vue de Zimmermann échappé de prison. Les paysans se rassemblent à Langnau et formulent leurs plaintes, sur la cherté du sel et de la poudre, dont Berne s'est attribué le monopole; quelques paysans élèvent la voix contre les lods et contre les dîmes sur le menu bétail. Tous demandent que les ordonnances du gouvernement soient soumises à l'approbation des communes. Berne, voyant le péril grandir, fait proposer aux paysans une trève de quinze jours et des conférences à Thoune pour aviser aux moyens de rétablir la paix. Les communes insurgées acceptent, et le 7 juin envoient deux cents députés à Thoune. Cependant, Berne avait réussi à gagner les principaux chefs des insurgés. Ceux-ci reconnurent leurs erreurs dans l'assemblée de Thoune, et les députés des paysans, abandonnés par leurs chefs, demandèrent grâce. Berne l'accorda, mais à la condition qu'ils fléchiraient le genou dans l'église de Thoune, et que dix d'entre eux renouvelleraient cet acte à Berne devant les conseils et la bourgeoisie5. En 1646, une insurrection éclata dans les campagnes de Zurich, qui réclamaient contre les impôts dont cette ville les accablait. Zurich écrasa les insurgés, fit leurs chefs prisonniers, dont sept perdirent la tête sur l'échafaud.

Le mécontentement du peuple de la campagne, conprimé pendant la guerre de trente ans, éclata bientôt après la paix de Westphalie. Les paysans de Bâle, de Berne, de Soleure et de Lucerne voyaient avec envie la liberté de leurs frères de Schwytz, d'Uri et d'Unterwald qui se donnaient des lois, tandis qu'eux étaient opprimés par les villes, qui les écrasaient d'impôts, et exerçaient avec orgueil un pouvoir qu'elles avaient usurpé. Une nouvelle mesure financière de Berne et de Lucerne mit le comble au mécontentement, et devint le signal d'une insurrection générale. Les conseils de ces villes avaient défendu la circulation du billon des autre cantons et réduit de moitié la valeur de leur propre billon. Cette mesure frappait surtout le paysan et le pauvre, qui tout-à-coup pertaient ainsi la moitié du peu d'argent qu'ils possédaient. Dans le canton de Berne, dans le canton de Lucerne, les paysans s'attroupèrent; des orateurs réciminèrent contre le gouvernement, contre le baillis, contre le prix du sel, les impôts, le haut intérêt de l'argent, la dureté des juges et des procureurs, enfin, contre la tyrannie des villes souveraines qui empiètaient sur les droits du peuple. Les paysans de l'Entlibuch s'organisèrent, et, armés de piques et de massues, se rendirent au village de Wolhausen, où ils jurèrent une alliance. Le gouvernement de Lucerne était impuissant pour réprimer cette insurrection, mais il fut secouru par la médiation des cantons catholiques dont les envoyés prononcèrent une sentence arbitrale qui apaisa les paysans.

L'insurrection s'organisa dans toutes les campagnes allemandes du canton de Berne. Mais les villes de Thoune, d'Aarbourg, de Zofingue, d'Arau, de Brougg et de Lenzbourg, ainsi que le Pays de Vaud tout entier, restèrent étrangères à ce mouvement. Schaffouse, Bâle et Mulhouse envoyèrent des troupes qui durent se retirer devant la levée en masse des campagnes de l'Argovie. Le mouvement se propagea dans les campagnes de Bâle et de Soleure. Les insurgés des quatre cantons, Lucerne, Berne, Soleure et Bâle, se réunirent, le 13 avril 1653, en assemblée générale à Summiswald, et nommèrent un paysan, Nicolas Leuenberg, premier magistrat et chef des confédérés des quatre cantons. «Ils firent des lois, statuèrent que le peuple devait respecter les droits du gouvernement, et le gouvernement les droits du peuple; que les sujets ne devaient point prendre armes contre leurs magistrats, mais que si les magistrats envoyaient des troupes contre eux, on les repousserait par la force. Ils envoyèrent aux sujets de tous les cantons des invitations par écrit pour qu'ils se rendissent à une assemblée générale à Hutwyl, où l'on traiterait des droits et de la liberté de tous, afin que tous les Suisses devinssent libres6

La ville de Lucerne, réduite à se défendre derrière ses murailles, invoqua la garantie des cantons. La Diète, convoquée à Baden, ordonna une levée de douze mille hommes. Mais ce fut en vain, la Diète n'avait plus de pouvoir. Alors Berne, réduite à la dernière extrémité, implora le secours de Zurich et de Fribourg. Zurich ordonna une levée de treize mille hommes, dont cinq mille furent destinés à soumettre les paysans de Lucerne. Quant à Fribourg, elle ne put satisfaire à la demande de Berne, car les paysans de la Gruyère s'agitaient, demandaient l'égalité des droits avec la ville, et étaient sur le point de s'insurger.

Berne, dès les premiers symptômes de l'insurrection, avait ordonné la mise sur pied de ses milices du Pays de Vaud, et y avait envoyé les colonels Diesbach et Morlot pour en prendre le commandement. Mais ces levées ne s'opéraient nulle part, car ni les villes ni les communes ne désiraient envoyer leurs soldats combattre les paysans allemands qui, les armes à la main, demandaient ce que les Vaudois réclamaient en vain depuis un demi-siècle. Les baillis faisaient les instances les plus vives, mais inutilement. Alors, le premier magistrat de Lausanne, voyant le danger, non-seulement de Berne, mais de toutes les villes privilégiées et par conséquent de Lausanne, prit une résolution qui sauva Berne. Le bourgmaître Polier invita toutes les villes et la noblesse du Pays de Vaud à envoyer des députés à Lausanne, afin que les mesures nécessaires à la sûreté du pays et au retour de la paix fussent prises sans retard. Voici la lettre du bourgmaître :

La misère d'autrui, les complots, les machinations qui ont lieu dès longtemps contre ce pays, et la Suisse, et les ouvertures que nous donnons nous-mêmes à ceux qui ne pensent qu'à nous engloutir, enfin, plusieurs autres considérations nous obligent à penser à la conservation de l'Etat et de la notre propre. Aussi nous pensons qu'il convient que nous nous assemblions promptement pour députer à LL. EE. pour les assurer de notre fidélité, pour leur représenter le péril de l'Etat et les supplier de donner la paix et le calme à leur pays.

C'est pourquoi j'ai pris la liberté de vous en écrire et donner avis, comme aussi à plusieurs de la noblesse et aux villes, qu'il leur plaise d'envoyer demain à la couchée en cette ville, ou d'y envoyer leurs députés pour en consulter et pour prendre quelques résolutions, sans s'attacher, en une telle urgente nécessité, à quelques défauts de formalité; nous pouvons même supplier M. notre bailli de s'y rencontrer pour voir notre zèle et dévotion au service de LL. EE. et au bien de l'Etat, et sur cette créance je me dirai, Messieurs, etc.

Lausanne, ce 6 de mai 1653.

POLIER, bourgmaître.

Partout dans le Pays de Vaud on vit avec joie que les Etats, abrogés depuis si longtemps, allaient renaître, grâces à l'initiative que le bourgmaître de Lausanne venait de prendre, et que les droits des Vaudois, méconnus depuis si longtemps, retrouvaient enfin des défenseurs. Les députés accoururent de tous côtés. Le séance fut orageuse; des députés se répandirent en récriminations; d'autres demandèrent que l'on décidât de ne pas envoyer de troupes «contre ceux qui sont des voisins et des frères.» Les députés de Moudon proposèrent «de rendre obéissance équitable à LL. EE. sauf toutefois de se battre contre nos frères, sujets comme nous, et qui maintiennent les libertés;» d'autres furent d'avis que l'on engageât Berne à faire des concessions à ses sujets des campagnes allemandes, dont les demandes étaient celles que les Vaudois adressaient depuis si longtemps à LL. EE. Il y eut même des députés qui proposèrent que l'on s'entendit avec les paysans allemands pour faire cause commune avec eux. Cependant, le bailli de Lausanne ayant promis au nom de LL. EE. que les charges du Pays de Vaud seraient allégées, que les privilèges des villes seraient augmentés et que le droit d'assemblées serait reconnu au Pays de Vaud, l'ardeur des députés indépendants fut calmée. Alors, le bourgmaître Polier représenta le danger pour le Pays de Vaud d'écouter les agents des insurgés bernois, qui partout prêchaient la révolte, et finit par s'écrier : «Gardez-vous de vous confier aux paysans allemands, qui ne peuvent que vous entraîner dans leur malheur!»

Les conseils de la peur l'emportèrent dans l'assemblée. Elle perdit ainsi l'occasion de donner aux Vaudois leur indépendance et leur nationalité. Il fut décidé qu'une députation se rendrait à Berne pour assurer LL. EE. de la fidélité du Pays de Vaud, et les députés se séparèrent pour presser la levée des sujets vaudois destinés à soumettre les sujets bernois, et à rendre le sceptre à l'orgueilleux patricien de Berne.

Les villes, les communes levèrent leurs soldats qui, au nombre de cinq mille hommes, prirent la route de Berne sous les ordres des colonels Diesbach et Morlot. Le baron de La Sarra prit le commandement des cavaliers vassaux, et la ville d'Avenches fournit deux cents fantassins. La nouvelle de la résolution de l'assemblée de Lausanne et de la marche des troupes vaudoises destinées à secourir Berne, causa la plus grande joie dans cette ville, cernée de tous côtés par plus de vingt mille insurgés. Le conseil de Berne craignant que les Vaudois ne fussent, dans leur marche, arrêtés à Morat ou à Guminen, dépêcha des courriers au Pays de Vaud avec la lettre suivante :

L'Avoyer et Conseil, etc., à vous nos chers et féaux députés de notre Pays de Vaud, salut!

Etant informé de votre venue en ce lieu pour vous interposer envers nos sujets soulevés, nous en sommes bien aises, et vous les bien venus auprès de nous. Voyant nos dits sujets être déjà sous les armes, comme il se voit déjà à l'entour des ponts en deça de Morat, et où peut être l'on vous ferait bien quelque empêchement, quoique nous ne le croyons pas, parce qu'ils sont dans l'appréhension sur un mal entendu. Mais, dans cette crainte, nous avons voulu vous en avertir, afin qu'étant en chemin, vour tourniez du côté de Fribourg, si vous le trouvez nécessaire, et pour cela passer plus surement; et puisqu'il y a periculum in mord, il vous faut marcher tant plus vîtement jour et nuit.

Attendant donc votre arrivée pour vous voir tous à l'heure d'icelle, nous prions Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde. - Ce 10 mai 16537.

Arrivée sur le territoire fribourgeois, l'armée vaudoise rencontra des commissaires de Fribourg qui, pour la forme, protestèrent contre son passage. Cependant, le pont de Guminen et les autres passages étaient occupés par de nombreux corps de paysans insurgés, et les Vaudois se préparaient à l'attaque, lorsque les paysans prirent la fuite. On apprit bientôt que M. Durheim, bailli de Laupen, avait fait donner une fausse alerte sur les derrières des insurgés. Quelques cents Neufchâtelois, avec deux canons, et des Biennois, purent, dans la nuit du 27 au 28 mai, pénétrer dans Berne, où les Vaudois arrivèrent le surlendemain.

Pendant ce temps-là, les insurgés attaquaient Arbourg, Arau, Zofingen et Lenzbourg, mais sans succès, car ils étaient mal armés; ils n'avaient ni artillerie, ni chefs expérimentés, et les bourgeoisies de ces villes refusaient de faire cause commune avec eux. Cependant, voyant la résistance qu'on leur opposait, Leuenberg, Schybi et les autres chefs insurgés avaient cherché à traiter. Berne promettait des concessions et cinquante mille francs à titre de soulagement pour les campagnards. Mais ceux-ci, apprenant que les Zuricois et les Petits Cantons approchaient, venant au secours de Berne, rejetèrent ces offres, et, au nombre de vingt-cinq mille hommes, marchèrent contre Verdmuller qui s'avançait avec dix mille hommes de Zurich. Ils le rencontrèrent près de Wohlenschwyl, où un combat furieux s'engagea. Mais la discipline et surtout l'artillerie des Zuricois l'emportèrent sur une masse d'hommes mal armés, qui combattaient avec bravoure, mais sans ordre. Le combat ne finit qu'avec la nuit, et les insurgés se soumirent aux dures conditions que leur imposa le général zuricois dans la convention de Mellingen.

A Lucerne, mêmes scènes de carnage et mêmes résultats; les paysans des Petits Cantons, après avoir combattus pour la ville de Lucerne les paysans de l'Entlibuch, obtinrent ce cette ville qu'elle traitât avec les paysans. Mais ceux-ci furent victimes de ce traité, car tout, dans le canton de Lucerne, dut rentrer dans l'ancien ordre de choses, et douze des instigateurs de la révolte furent livrés à la justice.

Cependant, Leuenberg tenait encore la campagne, mais n'avait avec lui que cinq mille paysans, qui ne voulaient poser les armes qu'autant que Berne consentirait à observer à leur égard les conditions que Werdmuller leur avait dictées dans la convention de Mellingen. Mais Berne, humiliée par les paysans, qui depuis près d'un mois la tenaient bloquée dans ses murailles, ne voulut pas devoir la paix à Zurich. Désormais défendue par cinq mille Vaudois et douze cents Neufchâtelois et Biennois, elle montre à ses sujets qu'ils ne pouvaient impunément se révolter contre son pouvoir souverain, et qu'elle avait encore assez de force pour punir des rebelles audacieux. Elle ordonna au général Sigismond d'Erlach d'ouvrir la campagne, et de n'avoir aucun égard pour la convention de Mellingen.

D'Erlach sortit de Berne le 1er juin à la têtet de son armée, fort de sept mille hommes, dont cinq mille Vaudois; il prit la route de Soleure et marcha sur les paysans commandés par Leuenberg. Près de Wangen, il en dispersa deux mille. La discipline ne fut pas sévère dans son armée. Les Vaudois ne se contentèrent pas du pillage, et beaucoup de paysans tombèrent sous leurs coups. Les arrestations furent nombreuses dans toutes les campagnes que l'armée parcourait; la terreur se répandait devant ses pas; les paysans disaient : «Nos gracieux seigneurs marchent dans leur colère suivis de leurs Welsches;» et, de tous côtés, ils accouraient, déposant leurs armes et implorant grâce; Wangen, Dielisbach, foyers de la révolte, furent soumis. L'armée se dirigea ensuite vers Herzogenbuchsée. Le 8 juin, comme elle approchait de ce village, elle fut assaillie, à coups de feu, par quelques mille paysans embusqués. D'Erlach, formant son armée en trois colonnes, les attaqua vivement. Le combat fut désespéré; les révoltés, bientôt repoussés par la cavalerie vaudoise commandée par de Gingins-La Sarra, se retirèrent vers le village en défendant le terrain pied à pied. Tandis qu'une partie des maisons étaient déjà la proie des flammes, ils se défendaient dans les autres, et se retranchèrent enfin derrière les murailles de l'église et du cimitière. Là, on fit jouer sur eux l'artillerie qui les força bientôt à prendre la fuite dans les bois.

Après ce combat, dans lequel d'Erlach perdit treize officiers, vingt-trois sous-officiers et deux cents soldats, et eut près de quatre cents blessés, l'armée se réunit, le 18 juin, à celle de Zurich. Alors, dans tous les villages révoltés, aux cris de liberté succédèrent le silence de la mort et le repentir inspiré par la terreur. Schybi, chef des paysans lucernois, eut la têt tranchée à Arau. «Leuenberg, chef des paysans bernois et paysan lui-même, qui s'était, après le dernier combat, retiré dans sa maison, fut livré par des villageois ses voisins. Le 13 juin, il entra prisonnier dans Berne à travers les rangs serrés du peuple, accablé par les uns de malédictions, et pour les autres, objet d'une pitié qu'ils savaient à peine dissimuler. Une épée de bois lui avait été pendue au côté à une écharpe tressée de paille. On lui fit son procès; il eut la tête tranchée, on la suspendit au gibet avec l'acte d'alliance des paysans; son corps écartelé fut exposé sur les quatre grands chemins du canton. Ainsi finit un homme qui, tandis qu'il en avait quarante mille sous ses ordres, n'avait pas fait tomber une seule tête. Leuenberg avait cru, par le seul aspect de la force populaire et sans commettre un seul acte d'hostilité, pouvoir contraindre les conseils à rétablir les vieilles franchises8

Bâle sévit aussi contre ses paysans insurgés. Elle fit mourir sept paysans, vieillards à barbe blanche, comme complices de la révolte. Partout on sévit et il y eut des exécutions. Fribourg, après avoir étouffé l'insurrection dans la Gruyère, envoya des troupes pour soumettre l'Oberland à LL. EE. de Berne. Les paysans d'Argovie durent payer dix mille florins, ceux de Lenzbourg vingt mille, et ceux de Soleure trente mille.

Pendant que l'armée des paysans était encore devant Berne, les députés de Vaud entraient dans cette ville, annonçant l'arrivée de l'armée vaudoise. Ils furent accablés de caresses en entendirent de tous côtés les promesses les plus réjouissantes pour leurs libertés. Ainsi : révision des articles du coutumier de 1616, droit d'assemblées, liberté de la vente du sel, enfin, siège de la cour des Appelations rendu à Moudon, ou à une autre ville du Pays de Vaud. Heureux d'entendre ces promesses, ils se hâtèrent de porter ces bonnes nouvelles à leurs commettants. Moudon pris la résolution suivante, dont elle fit part aux villes et aux communes, en les convoquant en assemblée d'Etats :

«Vu que M. le châtelain étant de retour de Berne, avec les délégués des autres villes, et ayant fait entendre que LL. EE. ont promis de nous octroyer des privilèges plus que nous n'en espérons : ordonnons que le susdit M. le châtelain sera prié de supplier LL. EE. d'effectuer leurs promesses, à savoir : Nous remettre en nos premières libertés, principalement de nous restituer le droit que nous avions de S. A. de Savoie, concernant les Appels du Pays de Vaud; et en général se joindre avec les autres seigneurs délégués des villes pour faire les supplications requises à LL. EE. - Ce 2 juin 1653.» Le châtelain de Moudon fit donc les démarches requises auprès du bailli, mais sans succès. L'insurrection des paysans était écrasé et Leuenberg dans les fers; le patriciat triomphait partout. Le bailli refusa donc l'assemblée que le châtelain réclamait. Cependant, Moudon, quelque temps après ce refus, qui avait occasionné un mécontentement général, convoqua secrètement les villes à Cossonay, pour le 5 du mois d'août. Les baillis, informés de cette convocation, empêchèrent le départ des députés. Néanmoins, ceux de Morges et de Nyon, MM. Papan, d'Aubonne, et de la Fléchère, partirent pour Cossonay avant que la défense les eût atteints. Là, ils attendaient leurs collégues, lorsque M. de la Harpe vint leur signifier d'obéir à l'ordre souverain, de s'abstenir de toute réunion illégale et contraire à la volonté de LL. EE., et leur remit le mandat que le conseil de Berne venait d'adresser aux villes :

L'Avoyer et Conseil de la ville de Berne : Nous étant venu à notice votre assemblée, qui doit se tenir à Cossonay sans l'aveu et permission requise comme nous sommes informés; ne pouvant conniver à telles contraventions à nos ordonnances magistrales, nous avons cru y devoir intervenir par nos présentes lettres, et vous dire, par une affection magistrale, que votre dite assemblée, faute d'autorité propre, et en un lieu inusité, nous étant offensive, et redondante à notre déplaisir, vous avez à vous en déporter, et d'omettre une si manifeste informalité.

Ayez à vous ranger aux ordres et devoirs établis, selon lesquels vous saurez tenir vos conventions, et assemblées, ès lieux et villes accoutumées, par une préalable et due permission baillivale, en cas de légitime et raisonnable matière que vous pourrez avoir; en quel cas, nous entendons prêter due et gracieuse audience; moyennant que par vous, il sera procédé par forme due, comme ci-dessus est dit. Ce que par vous cela étant observé, et vous nous promettant votre fidélité, nous prions Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde. - Ce 3 août 16539.

Les villes et les communes demandèrent au bailli de Moudon la permission de se rassembler dans le lieu de sa résidence. Cette grâce, car désormais aux yeux de LL. EE. ce n'était plus un droit, cette grâce leur fut octroyée, et le 18 août les députés de Vaud se réunirent à Moudon, sous la présidence du bailli, et votèrent une requête dont l'humilité forme une contraste frappant avec celles que, quarante années auparavant, les Etats adressaient à Berne :

Illustres, Puissans et Souverains Seigneurs!

Vos très-humbles et féaux sujets, les commis des villes, bailiages et communautés de votre Pays Romand, se remémorant les assurances qu'il a plu à VV. EE. de leur donner de leur bonne volonté envers eux, et de les vouloir particulièrement faire ressentir de leurs faveurs, ont en premier lieu reçu commandement de leurs constituants, d'en rendre grâces très-humbles à VV. EE. et de les assurer de la continuation de leur fidélité et du zèle et dévotion qu'ils ont vouées au service d'icelles Excellences. Et comme ce serait un acte indécent à des sujets de refuser les bienfaits gratuits de leur souverain, qui pourrait s'en offenser, c'est pourquoi les susdits commis ont été envoyés ici, pour recevoir les effets des faveurs et bienfaits qu'il a plu à vos bontés de faire espérer, selon que les magnifiques et puissants seigneurs l'avoyer de Graffenried, le boursier Tillier, le banneret Sturler et le colonel Morlot, et divers seigneurs baillis, les en ont assurés, lesquels faveurs et bienfaits ils laissent et remettent à la bonne volonté de LL. EE.

Vos féaux sujets et serviteurs les commis des villes, bailliages et communautés de votre Pays Romand, prennent de plus la liberté de venir humblement prier VV. EE. de les vouloir remettre dans leurs anciens Droits, Us, Coutumes, Franchises, Privilèges, Libertés et Concessions, anciennes et nouvelles, et de les y maintenir.

Qu'il plaise aussi à VV. EE. de laisser la liberté de la vente du sel, comme du passé et ancienneté était usité, et de quoi nous avons lettres et sceaux, car le général, tant que les partifculiers, ont souffert de notables incommodités dès l'introduction des magasins de sel; lesquels incommodités, pour être enlevées, on a diverses fois agi, mais sans aucun fruit jusqu'à présent. Par ce moyen (la libre vente) vous enlèveriez les griefs de vos sujets, surtout qu'en au quart de plus que se vend le sel, et à sa qualité.

Plaise aussi à VV. EE. que, lors de la mise en possession d'un seigneur bailli en sa charge, il ait, selon l'ancienne usage, à prêter serment en présence de tout le peuple de la maintenir en leurs Libertés et Franchises, tant écrites que non écrites.

Item que les dits seigneurs baillis ne puissent établir en leur cour baillivale, ni en leurs cours inférieures, autres personnes que des bourgeois des villes où ils sont en charge, tant qu'il se trouvera, des dits bourgeois, des capables et reconnus tels par la Justice; laquelle Justice en nommera trois, desquels le seigneur bailli aura le choix10.

Cependant, comme de vils adulateurs de LL. EE. n'avaient pas craint de leur représenter que l'assemblée des villes, convoquée à Cossonay, avait un but hostile à la souveraineté de Berne, et avaient persuadé à LL. EE. que les quatre villes fomentaient des entreprises semblables à celles des paysans de la Suisse allemande, les députés de ces villes, Moudon, Yverdon, Morges et Nyon, crurent devoir ajouter à la requête des Etats une adresse dans laquelle la plus humble servilité couvre, néanmoins, les reproches les plus amers sur l'asservissement de la patrie :

Comme c'est le naturel des cantharides de s'attacher aux roses, pour enlever leur beau teint et agréablre odeur, aussi est-ce le propre des médisans et des détracteurs de porter leurs atteintes sur les actions des personnes les plus sincères et les plus innocentes. C'est ce qu'expérimentent, à leur grandissime regret, vos très-humbles, fidèles et obéissants sujets des quatre Bonne Villes, par les sinistres et fabuleuses informations qui ont été baillées à VV. EE., comme ils l'ont appris par vos lettres à eux envoyées le trois du présent mois, au sujet d'une assemblée désignée et marquée à Cossonay, laquelle assemblée Vos Grandeurs ont pris à grand déplaisir et juste indignation, si, toutefois l'avis que vous en avex reçu été accompagné de vérité, comme il en est éloigné.

C'est pourquoi vos féaux sujets, sachant très-bien que c'est une espèce de supplice que d'être dans la disgrace et indignation de son Souverain, ils ont cru être obligés d'en désabuser VV. EE., et les prier de concevoir de meilleurs pensées de leur fidélité et dévotion à leur service, et d'être persuadées que telle assemblée n'avait été instée que pour faire choix de personnes propres pour venir rendre à vos bontés des remerciements très-humbles des grâces, faveurs, et paternelle bienveillance, qui leur avaient été présentées en divers temps et lieux de la part de VV. EE., par des plus notables et signalés seigneurs de votre Etat, et en même temps leur représenter les articles qui seraient jugés utiles pour le bien de leurs dits états et de vos très-humbles sujets. Ils pourront tous véritablement et sermentalement soutenir, si requis est qu'ils ayent conçu aucune sinistre pensée. En effet VV. EE. peuvent facilement juger et concevoir que s'ils eussent eu quelques pernicieux desseins, ils n'auraient pas baillé avis de cette assemblée aux T. H. baillis de Morges et de Moudon, qui ont donné leur consentement, ceux d'Yverdon n'ayant pas été avertis parce qu'ils étaient dès longtemps dans Berne. A cela il est à joindre qu'ils n'auraient pas envoyé leurs officiers de ville en plein jour et au sçu de tous, pour marquer le jour et lieu de l'assemblée des dites quatre villes, ainsi qu'ils l'ont fait, comme toute le pays le soutiendra contre l'information bailllée à VV. EE. Information qui porte que c'était une assemblée générale de tout le pays, qui se devait convoquer en lieu inusité, voire même que l'on faisait trotter des messagers secrètement et clandestinement de nuit. Colomnie et relation aussi fausse que l'auteur d'icelles, prince des ténèbres qui l'a inspirée à l'écrivain, ou rapporteur d'icelles. Car il est véritable, malgré l'avis du susdit rapporteur, que de tout temps immémorial, de telles assemblées (des quatres villes) ont été diverses fois convoquées dans Cossonay, en évitation de frais et dépenses.

Ces désavantageuses impressions, ainsi suggérées à Vos Grandeurs, leur ayant baillé sujet et motif d'interdire les assemblées, sauf dans les lieux usités, et ce par licence du seigneur bailli du lieu où elle sera convoquée, et après préalable communication du sujet d'icelle assemblée. Cette chose choque directement leurs anciennes Libertés et Usances, ensuite desquelles leurs les villes se sont toujours assemblées, quant la nécessité l'a requis, dans les lieux les plus commodes, en baillant avis au seigneur bailli rière lequel elles sont convoquées, afin qu'il s'y rencontre, si bon lui semble, ce qui leur fera toujours beaucoup d'honneur. Cela a encore été récemment pratiqué en la Générale Assemblée, tenue à Lausanne, en ces derniers soulèvements et émotions, sans qu'aucun des seigneurs baillis, ni VV. EE., en aient témoigné aucun déplaisir, qu'on ait appris.

Vos sujets des quatre bonnes villes supplient partant VV. EE. de permettre la continuation de leurs assemblées, en la forme usitée, puisque de tout ne vise qu'à l'honneur et la gloire et Dieu, à l'avantage de VV. EE., au bien et au repos de vos sujets, lesquels, en général et en particulier, seraient par surcroit portés à consacrer et vouer, tant plus franchement et courageusement, tout ce que Dieu leur a baillé pour le service de VV. EE.; lesquelles sont très-humblement suppliées de nommer tel rapporteur et calomniateur, afin de tirer raison de telles impostures et atroces impropérations (sauf respect dû).

Outre ces choses, VV. EE. sont très-humblement suppliées, en continuation de leurs grâces, d'ordonner qu'il soit suivi au plus tôt à la correction du Coutumier nouveau (1616), dès si longtemps désirée par tous ceux qui y sont assujettis. Afin que la correction d'icelui évite la ruine et désolation de vos sujets.

Ce, qu'attendant de vos paternelles bienveillances, ils persistent en prières à l'Auteur et Donateur de tous biens, pour la prospérité de vos Illustres Personnes et Etats11.

Toutefois, l'adresse de l'assemblée des villes et des communes, l'humble requête des quatre bonnes villes, ne rendirent pas au Pays de Vaud sa représentation nationale. Une ère de servitude commençait en Europe. La France ne voyait plus ses Etats Généraux s'assembler; partout, même dans les républiques, l'absolutisme régnait, et Berne, qui venait de fouler aux pieds les droits des communes de ses bailliages allemands, repoussa les légitimes requêtes des Vaudois, le leur répondit en ces termes :

Nous, l'Avoyer, Petit et Grand-Conseil de la ville de Berne, savoir faisons que sur la requête à nous présentée par les nobles, honorables et prudents, nos chers féaux, les commis et députés des quatre bonnes villes de notre Pays de Vaud, au sujet de leurs assemblées, qu'ils prient pouvoir avoir et tenir comme d'ancienneté, et selon leurs anciennes coutumes et usances; nous, après consultation et vision des droits et lois, avons éclairci, et ordonné ce qui suit :

Lorsque nos bien-aimés sujets des dites quatre villes voudraient tenir une assemblée, icelle ne devra ni ne pourra se faire sans notre permission ou celle de nos baillis. Ils devront préalablement, et huit jours devant, avertir notre bailli de Moudon, et lui indiquer le sujet de cette prétendue assemblée et la matière dont il s'agit, pour nous en donner promptement avis, et attendre notre bon vouloir.

Etant là-dessus consenti par nous à telle assemblée, icelle ne pourra ni ne devra se tenir à autre lieu que dans l'une des susdites quatre villes, et en présence de notre bailli du dit lieu, qui y doit être spécialement appelé.

Cette assemblée ne pourra avoir lieu que pour des faits dépendants de la police des dites villes, ou pour ce qu'elles désirent avancer, et proposer par devant nous, sans toucher ni traiter des choses d'autre nature, ni de se rassembler après le départ de notre bailli, ou en secret. Ce que, ainsi faisant, les susdites assemblées se comportent selon leurs serments, et nos ordonnances anciennes. Ainsi nous le voulons.

En foi de quoi des présentes, munies de notre sceau. - Ce 3 septembre 165312.

La Terre-de-Romainmôtier, petite province de l'ancienne abbaye, et formant un bailliage sous le régime bernois, réclamait aussi ses anciennes libertés, et avait voulu envoyer un député à l'assemblée de Moudon. Ses communes, Romainmôtier, Vallorbes, Vaulion, Arnex, Juriens, Bofflens, Lapraz, Premier, Croy, Bréthonières, Agiez et Envy, demandèrent «de tenir assemblée» pour nommer leur député; mais le bailli refusa. «Sur quoi est résolu, par le Conseil Général de la dite Terre, après l'invocation de la divine assistance, que le Conseil de la Terre retournera en corps très-humblement supplier sa seigneurie d'aquiescer à la dite requête, d'autant que le motif ne vise qu'au bien, et que sa seigneurie y assistant, LL. EE. pourront savoir s'il s'y traitera quelque chose au préjudice de l'honneur, respect et obéissance que doivent bons et fidèles sujets à leur souverain.» Le Conseil Général résolut de plus que, si le bailli refusait une assemblée générale, qu'il serait de rechef supplié «de permettre l'assemblée du Conseil Général de la Terre-de-Romainmôtier, pour résoudre sur ce que dessus et pour établir un banderet, en conformité des droits et anciennes usances. - Un second refus advenant, le bailli sera supplié d'autoriser par son sceau une requête à LL. EE. Et au cas d'ultérieur refus, sera, sa seigneurie, suppliée de ne prendre en mauvaise part si on envoie la dite requête devant notre souverain sans son sceau, en conformité de l'octroy que le Coutumier, folio 472, nous en donne.» Le Conseil Général de la Terre chargea le châtelain de Romainmôtier de cette négociation, pour laquelle il lui fut payé «quatorze jours d'émoluments, à cinquante batz par jour.» Berne, observe M. Fréderic de Charrière dans ses Recherches sur Romainmôtier, «répondit en des termes qui respirent son horreur de tout symptôme de vie politique de ses sujets :»

Sur la demande des douze villages dépendants d'ancienneté du domaine de l'Abbaye de Romainmôtier, de se pouvoir assembler pour traiter de leurs affaires communes, comme aussi de pouvoir élire un Banderet pour chef des douze villages : le tout selon l'ancien us et coutume. En considération du communnage qui est entre ces divers lieux, dans les bois, pâturages et entretien des chemins publics, et vu que par leurs registres, il conste de semblables assemblées avoir été tenues déjà devant cent ans, et après par licence, voire en présence de nos Baillis : estant icelles même concédées par le Coustumier, leur permettons de se pouvoir assembler, deux personnes de chaque commune, et non plus, à Romainmôtier, et non ailleurs, et en présence de notre bailli. Leur défendant expressément de n'attirer à soi des autres communes voisines, ou de traiter d'autres faits que des susdits dépendant de leur communage.

Item, concédons l'élection d'un Banderet pour leur chef, pour s'adresser à lui dans les affaires, et par icelui présenter leurs griefs à notre bailli, en notre audience magistrale. - Ce 13 septembre 165313.

Ainsi, ce fut en effaçant les faibles vestiges de leur représentation nationale que Berne récompensa les Vaudois, dont le dévouement venait de la sauver du juste ressentiment des paysans allemands, auxquels son aristocratie refusait l'exercise de leurs droits. Berne, oubliant les promesses faites à l'heure du danger, rejeta avec dédain les légitimes prétentions de ses sujets de Vaud. Les quatre bonnes villes ne purent désormais se réunir que de trois en trois ans, et sous les yeux d'un bailli, mais seulement pour discuter quelques intérêts communaux, ou le droit de chasse, ou le tir du papegay, ou bien encore, pour s'occuper de misérables querelles de préséance entre les gentilshommes et les bourgeois, mais jamais pour défendre les droits de la nation, ne ses intérêts les plus chers.

Sources principales : Vulliemin, Hist. de la Conf. Suisse au XVIe et XVIIe siècle. - Grenus, Documents. - Archives des Villes. - Archives de l'Etat de Vaud.

<a href="">1</a>Manuel de Lausanne.

<a href="">2</a>Dans le Pays de Vaud, Jean de Gingins leva, en février 1632, un corps de cavaliers pour l'armée de Suède, parmi lesquels on compte Warneri de Morges, Greber de Lausanne, d'Arbonnier, d'Aubonne, Crinsoz de Cottens, de Treytorrens et Doxat d'Yverdon, de Morzier et Grandson, Cujas de Cornens, Bourgeois d'Yverdon et Monney d'Orbe. (De Rott, Hist. du militaire Bernois, I, 314.) - Un autre Vaudois, nommé Treytorrens, fut l'un des généraux les plus distingués de l'armée de Gustave-Adolphe; il contribua au gain de la bataille de Lutzen, en 1632, devint premier aide-de-camp du duc de Saxe-Weimar, et fut tué en 1645 devant Bourbourg, dont il dirigeait le siège.

<a href="">3</a>Registres du Conseil de Moudon, 9 mars 1641.

<a href="">4</a>Manuel de Lausanne, mars 1641.

<a href="">5</a>Vulliemin, Hist. de la Conf. Suisse, Liv. XI, Ch. V.

<a href="">6</a>Zschokke, Hist. de la nation Suisse, 261.

<a href="">7</a>Archives de Moudon.

<a href="">8</a>Ls. Vulliemin, Hist. de la Conf. Suisse, XIII, 75.

<a href="">9</a>Archives de Morges.

<a href="">10</a>Archives de Moudon.

<a href="">11</a>Archives de Moudon.

<a href="">12</a>Archives de Morges.

<a href="">13</a>F. de Charrière, Recherches sur le couvent de Romainmôtier et ses possessions, T. III des Mém. et Doc. de la Soc. d'Hist. de la Suisse Romande.

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Serge de Muller
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28 octobre 2015
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