A la rue du Rhône, 1948
A la rue du Rhône, 1948
Nous habitons au 4ème étage d'une maison construite entre deux guerres, au numéro 21 de la rue du Rhône, à Sion.
Une matinée de l'automne 1947, Maman est à la cuisine et prépare le repas.
Jean, Suzanne et moi jouons dans la chambre du milieu. La fenêtre est ouverte. Avec une chaise, on grimpe aisément sur la machine à coudre à pédale et, de là, on accède à la fenêtre, ce que fait Suzanne, alors âgée de deux ans. Jean et moi, nous continuons nos jeux. Tout est calme soudain, dans cette chambre...un peu trop calme. Suzanne a disparu. Nous regardons par la fenêtre et voyons notre petite soeur couchée à plat ventre, retenue sur l'avant-toit par les mailles de sa jaquette.
Faudrait-il avertir Maman? Contrariés, nous interrompons nos jeux, allons à la cuisine et déclarons, laconiquement:
-" Suzanne est tombée..."
Et Maman de répondre:
-"Comment cela, elle est tombée? Qu'elle se relève! "
-"Non, non, elle est tombée..."
Inquiétée par le ton de nos voix, Maman se rend dans la chambre.
Elle racontera plus tard qu'en voyant la fenêtre ouverte et la chambre déserte, elle a pensé, comme foudroyée:
-"C'est dans la rue qu'il faut aller la chercher!"
Alors, les jambes tremblantes, Maman s'approche de la fenêtre. Elle rattrape au dernier instant notre petite soeur, toujours à plat ventre sur l'avant-toit, la tête penchée au-dessus du vide, les mailles de son gilet accrochées aux clous qui retiennent les ardoises... et qui pleurniche, en attendant d'être délivrée.
"Enfants du Rhône"
Quel suspense et quelles sueurs froides !!!