Repérage
A la rue du Rhône, 1948

A la rue du Rhône, 1948

1 septembre 1947
Monique Ekelof-Gapany
Monique Ekelof-Gapany

Nous habitons au 4ème étage d'une maison construite entre deux guerres, au numéro 21 de la rue du Rhône, à Sion.

Une matinée de l'automne 1947, Maman est à la cuisine et prépare le repas.

Jean, Suzanne et moi jouons dans la chambre du milieu. La fenêtre est ouverte. Avec une chaise, on grimpe aisément sur la machine à coudre à pédale et, de là, on accède à la fenêtre, ce que fait Suzanne, alors âgée de deux ans. Jean et moi, nous continuons nos jeux. Tout est calme soudain, dans cette chambre...un peu trop calme. Suzanne a disparu. Nous regardons par la fenêtre et voyons notre petite soeur couchée à plat ventre, retenue sur l'avant-toit par les mailles de sa jaquette.

Faudrait-il avertir Maman? Contrariés, nous interrompons nos jeux, allons à la cuisine et déclarons, laconiquement:

-" Suzanne est tombée..."

Et Maman de répondre:
-"Comment cela, elle est tombée? Qu'elle se relève! "

-"Non, non, elle est tombée..."

Inquiétée par le ton de nos voix, Maman se rend dans la chambre.

Elle racontera plus tard qu'en voyant la fenêtre ouverte et la chambre déserte, elle a pensé, comme foudroyée:

-"C'est dans la rue qu'il faut aller la chercher!"

Alors, les jambes tremblantes, Maman s'approche de la fenêtre. Elle rattrape au dernier instant notre petite soeur, toujours à plat ventre sur l'avant-toit, la tête penchée au-dessus du vide, les mailles de son gilet accrochées aux clous qui retiennent les ardoises... et qui pleurniche, en attendant d'être délivrée.

"Enfants du Rhône"

Vous devez être connecté/-e pour ajouter un commentaire