Premier édifice religieux moderne du Valais
Lourtier, Val de Bagnes
Notre Dame du Bon Conseil, premier édifice religieux moderne du Valais.
Les débats autour de l’art sacré ne sont jamais définitifs. Certains édifices ont été maudits un siècle, glorifiés le siècle suivant : tout est une question de perception de l’homme, d’une génération à l’autre. Le cas de la chapelle de Lourtier est un exemple significatif.
Retour au siècle passé
- Lourtier, village en bois au début du XXe siècle avant l’incendie. Auteur inconnu.
Dans la nuit du 24 au 25 septembre 1929, le quartier de Lourtier-d’en-Haut brûle, (note : ce village comprend trois quartiers : Lourtier-d’en-Haut, la Ravine et les Morgnes). Plus de 43 bâtiments sont réduits en cendre et 110 personnes sont à la rue. Il faut tout reconstruire.
En 1932, un jeune architecte d’origine italienne Alberto Sartoris, (1901-1998), se voit confier les plans de la chapelle. Le vicaire de Bagnes, Jean-Marie Boitzy, desservant de Lourtier, présente alors le projet à Mgr Victor Bieler (1881-1952) qui en donne l’autorisation. En cinq mois, Notre Dame du Bon Conseil est construite avec le concours de nombreuses corvées et des paroissiens solidaires. Coût de la chapelle : 20 000 francs. A l’inauguration, le 18 septembre 1932, le conseiller d’Etat Maurice Troillet, qui en est le parrain, prononce l’éloge du bel édifice.
- Sur ce document d’archive retrouvé mais de mauvaise qualité, la chapelle originale qui suscita tant de récriminations. Revue Chantier
Critiques et outrances verbales
La Valais a donc sa première chapelle moderne ! Et les passions vont se déchaîner. Les critiques artistiques pleuvoir ! Tous les superlatifs sont lâchés dans les médias : abattoir à porcs, hangar à avion, garage d’automobile, caisse à macaronis, architecture bolchévique. On va même jusqu’à qualifier Alberto Sartoris de communiste...
- L’architecte Alberto Sartoris, créatif mais incompris. Revue Chantier
Quelques années plus tard, certains s’excuseront de ces outrances injustifiées. Avec un petit budget Sartoris a construit avec l’argent disponible. Dans les années qui suivent, certains défauts de construction surgissent. La toiture résiste mal au poids de la neige. En 1954, on décide de transformer la chapelle et de l’agrandir. En bon chrétien, Alberto Sartoris s’y colle à nouveau et de 1956 à 1957, il y ajoute 100 places dans la nef, un deuxième pan au toit, des piliers latéraux en pierre du pays, un étage supplémentaire au clocher et un toit en croupette surmonté d’une croix. L’œuvre ne ressemble plus à l’original mais plaît à tous ! Ce cas illustre qu’un lieu de culte peut susciter d’ardentes polémiques entre les partisans et les adversaires de l’architecture moderne.
Vers la fin du XXe siècle
D’autres bâtisseurs se sont exercés à l’architecture religieuse moderne. Pensons au Bâlois Walter-Maria Förderer (1928-2006) auteur de l’église St-Nicolas d’Hérémence, à Jean-Marie Ellenberger (1913-1988) et son église circulaire de Sainte-Croix à Sierre, à Marius Zryd, bâtisseur des églises du Levron et de Martigny-Croix, ou encore au Tessinois Mario Botta et sa cathédrale d’Evry en France ou sa chapelle de Magno au Tessin.
Partout on loue l’art religieux moderne, la pureté des lignes, les matériaux dépouillés, la sobriété du décorum. Tout converge vers la simplicité. Une simplicité qui a pris naissance dans une crèche à Bethleem.
Bibliographie :
- Stéphane Roulin – Une Abbaye dans le siècle – Missions et ambitions de Saint-Maurice (1870-1970) – Edition Alphil.
- Le Confédéré du27 septembre 1929. Sion 21 mai 2021, page 34.
- Notice historique disponible dans la chapelle
Légende des photos :
- Lourtier-Les Morgnes - Eglise bâtie de 1932 à 1933 - Architecte Alberto Sartoris Photo : Arbellay
- L’intérieur. Les vitraux de l’artiste Gaëg réalisés en 1933 par l’atelier Chiara. A gauche St-Georges et à droite St-Jean, les saints des précédentes chapelles des Morgnes et de Lourtier-d’en-haut, disparues. Photo : Arbellay
Un nouveau dossier de Charly Arbellay !
Très intéressante documentation pour un monument qui gagne à être connu et qui rappelle que l'innovation se fait par étape!
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