Oui, les skieurs d'Haïti brillent en Suisse (1ère partie)
Oui, les skieurs d'Haïti brillent en Suisse (1ère partie)
Retour de cérémonie d’ouverture des JO de la jeunesse jeudi soir (le 16 janvier) sur le quai de la station de métro M1 lausannoise à Malley, je tombe sur un homme habillé en tenue officielle de la Fédération Haïtienne de Ski (FHS) de Haïti. Un pays qui n’a pas de tradition de sport d’hiver. Je pense tout de suite à la Jamaïque et à leur équipe ayant inspiré le film « Cool Runnings », « Rasta Rocket » en français. Dans cet uniforme aux couleurs de la « perle des Antilles », voici Thierry Montillet, le cousin de Carole Montillet, ancienne championne Olympique française de ski originaire de l’Isère. Thierry est l’un des acteurs majeurs « haïtiens » avec Jean-Pierre Roy, un des héros du ski insulaire. Les deux quinquas accompagnent aux IIIème jeux de la jeunesse, Mackenson Florindo, 17 ans. Première partie d'un récit qui explicite le lien d'une fédération caribéenne à notre beau pays.
Lundi 13 janvier, Mackenson vient de terminer une journée marathon. Il se classe 51e du slalom géant, le meilleur résultat jamais obtenu par la FHS dans une compétition internationale. Comment le jeune Haïtien, résident français, a réussi un exploit ? Thierry Montillet répond: « il est impulsif, il a bien skié. Il est arrivé 51e, c’est le meilleur classement jamais obtenu pour Haïti. Céline Marti, la représentante de la FHS qui habite la Suisse depuis toute jeune, avait quant à elle terminé la coupe du monde 2017 à la 52e place, un vrai exploit."
Photo de Mackenson Florindo OIS/CIO/Simon Bruty
La journée a été très prenante avec beaucoup d’aléas sur le planning. Les conditions de ski avaient été rendues compliquées par des problèmes techniques du téléphérique des Diablerets. "On était parti pour faire une descente aux drapeaux. Dimanche, on devait commémorer les victimes du tremblement de terre de Haïti en 2010. On a fait la demande un peu tard aux organisateurs des épreuves. Leur réponse fut positive mais elle est arrivée trop tard. Nos affaires étaient bloquées dans une cabine. On n’a pas pu les remonter à temps et de faire ce qui était prévu, une conférence de presse, alors on a fait cette commémoration pour nous un peu plus tard vers 21 heures dimanche. C’était prévu pour 16 heures, on devait parler de l’histoire et respecter une minute de silence" explique Thierry.
Après le géant, le slalom
Ce mardi, Mackenson s’élance pour le slalom. "C’est une épreuve plus technique, il y a plus d’erreurs possibles, chaque petite erreur, tu payes cash, sur un slalom géant, il y a plus de place."Mais peu importe la performance du jeune skieur haïtien, avec cette 51e place, les Jeux sont déjà réussis pour la toute jeune délégation. "On a senti un peu de pression sur ses épaules, les JO de la jeunesse, ce n’est qu’une fois… Après l’arrivée, Mackenson a eu la « banane » toute la journée. Même s’il est plus à l’aise à l’ombre. Il a répondu à toutes les sollicitations des médias, une dizaine en tout, des journaux locaux à la télé chinoise. Notre stratégie de communication se situe là, on est pas sur de la performance seulement, on est sur le cœur, on va jusqu’au bout avec notre athlète."
Photo de Mackenson Florindo OIS/CIO/Simon Bruty
Les autres athlètes actifs sont Richardson Viano, Céline Marti (la Suissesse d’origine haïtienne, binationale qui est policière de métier) ou encore le « Rasta Piquet », Jean-Pierre Roy, bientôt 57 ans et toujours actif dans les plus grandes compétitions mondiales. Quatre Haïtiens au grand cœur (Les 4 fantaski), sans compter 2 autres qui ont participé à l’aventure mais que ne sont aujourd’hui plus actifs : un autre membre de la famille de Jean-Pierre, Yannis Roy le snowboarder (Championnats du Monde de snowboard 2013) et Benoit Etoc, skieur qui s’est blessé en entraînement. La FHS est née au lendemain du terrible tremblement de terre qui a fait (le 12 janvier 2010) plus de 200'000 morts sur l’idée de développer l’image positive pour Haïti.
Céline Marti, une Suisso-haïtienne installée à Genève
Les histoires de ces athlètes installés en France ou en Suisse s’entremêlent avec la réalité haïtienne, "pour Céline, le jour où elle a commencé à faire parler d’elle en tant que skieuse, des liens ont été renforcés avec sa famille adoptive en Suisse notamment. Son père l’a félicité, c’était un grand moment d’émotion pour elle. Pour Richardson, on a rencontré ses parents en France, nous avons un vrai projet de monter assez haut en performance sur le plus long terme mais c’est un investissement aussi bien humain que financier. On arrivera à jouer sur un financement du programme d’entraînement et de compétitions avec une bourse, une partie prise en charge par le CIO, une autre par le sponsoring. C’est un budget important, de 25 à 50'000 euros par an. Il faut payer un entraîneur plusieurs mois dans l’année et l’ensemble des déplacements. C’est la condition impérative si on veut proposer un athlète qui atteindra un très bon niveau" détaille Thierry.
AILLEURS SUR LE WEB: mardi 14 avec le président du CIO Thomas Bach (photo FHS)
"Haïti n’est pas une patrie de ski, on peut trouver des athlètes haïtiens aux USA ou au Canada, mais il faut qu’ils arrivent à se projeter dans cette aventure et à faire le pas pour nous rejoindre. En Suisse et en France, on a des jeunes motivés, des structures, des montagnes. On y organise des courses de détection pendant un week-end « JE SKIE POUR HAITI », la dernière édition 14 jeunes skieurs Haïtiens de moins de 14 ans étaient présents et on a eu quelques bonnes surprises avec quatre d’entre eux. Mais il ne s’agit pas seulement de détecter les gamins, il faut qu’on se rejoigne sur le projet. Depuis le début, nous avons le soutien de la Fédération internationale de ski. On ne leur demande pas d’aide financière mais des conseils, on ne sait pas faire avec des fédérations qui financeraient en échange d’une enveloppe budgétaire."
Un président de la fédération suisse laudatif sur le ski haïtien
"Le chef de mission du Comité Olympique Haïtien dont la FHS est membre, est là physiquement avec nous et il découvre concrètement tout ce qui se passe autour de nous et l’empathie crée auprès du public par ce projet qui véhicule une image positive du Pays. On ne cherche pas non plus à obtenir de l’aide financière du mouvement sportif haïtien, notre souhait est d’avoir leur appui technique et organisationnel qui nous permette de développer le plus largement possible le sport version hiver pour Haïti. En revanche, notre relation avec la Suisse date d’il y a des années, en 2011, le président de la Fédération suisse de ski Urs Lehmann a été le premier, lors d’un dîner de gala à Garmisch Partenkirschen réunissant 200 convives du Monde du Ski international, a fait applaudir Jean-Pierre Roy pour son implication et son courage de participer et de représenter Haïti aux Championnats du monde, pour redonner espoir à Haïti avec le ski suite au tremblement de Terre. Il en a eu les larmes aux yeux. Vous savez la misère intéresse les gens quand c’est d’actualité, quand le temps passe, on oublie. Nous souhaitons avec notre projet de ski pour Haïti donner une image positive du pays qui dure à travers notre action." A suivre
Par David Glaser, lisez la deuxième partie, c'est ici.
PHOTO DE COUVERTURE: Mackenson Florindo est au centre de la photo aux côtés des Suisses Sandro Zurbruegg (médaille d'argent) et Luc Roduit (médaille de bronze) à l'issue du slalom géant des JOJ d'hiver de Lausanne du 13 janvier aux Diablerets. Crédit OIS/Ben Queenborough/CIO 2020.
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