Cette photo est la seule et unique jamais prise par moi-même sur la ligne d'arrivée d'une étape du Tour de France. Cette 9e étape entre Dole (Jura français) et Lausanne fut remportée par le Belge de l'équipe Jumbo-Visma Wout van Aert au sprint (il terminera meilleur sprinteur du Tour en portant le maillot vert du classement par points à l'arrivée finale à Paris). Pour immortaliser l'événement, j'utilise mon smartphone et mitraille l'événement en espérant qu'un des dix clichés effectués soit net et exploitable. C'est le cas. Ma relation au Tour est très intense. C'est une histoire familiale. J'ai eu l'immense chance de couvrir pendant un mois le Tour de France pour France Inter en 2006 (deux heures d'antenne par jour entre 16 et 18 heures dans une émission appelée "Le Maillot Inter" en coproduction avec Morgane Duliège) et inviter au micro de la première radio de France les plus grands acteurs historiques de la course. En arrivant en Suisse, je me suis rendu compte de l'importance du Tour dans les témoignages des amoureux du vélo. Pour la sixième fois de son histoire, Lausanne, ma ville a accueilli l'arrivée d'une étape de la Grande Boucle. Ce fut le 9 juillet 2022. Les coureurs ont grimpé les côtes de la Capitale olympique, soit 9 kilomètres et environ 65'000 spectactrices et spectateurs, ce souvenir restera gravé à tout jamais dans mon esprit.

Les années Pantani

D'aussi loin que je me souvienne, le cyclisme fut une passion familiale (mon grand-père breton et le Tour de France, c'est un amour qui se manifestait de manière récurrente, le cyclisme étant en Bretagne une religion). Pour moi, en tant que journaliste, ce fut une ouverture sur le monde, sur la Suisse, ses montagnes taillées pour les exploits, sur l'Italie aussi. Mes étés bretons à regarder le tour, ce fut d'abord Hinault, l'homme du pays, Fignon le Parisien, Lemond, l'Américain, Indurain l'hidalgo classieux. Puis les Italiens Chiapucci, Bugno et quelques années plus tard Pantani, le "Pirate", une phénomène des années 1990 dans les cols de la "Grande Boucle".

Marco Pantani était un compagnon de mes après-midis devant l'écran, une sorte de "miracolo" de la Botte venu bousculer une hierarchie bien installée. Après un début plutôt tranquille, le grimpeur d'Emilie-Romagne éclatera de sa superbe dès la première étape de montagne du Tour 1994. Entre Pau et Luchon, il se jouera du leader Jan Ullrich dans le Col de Peyresourde pour terminer deuxième. OIympien, il s'échappera de nouveau le lendemain pour remporter l'étape du Plateau de Beille. Il prend le maillot jaune aux Deux-Alpes quelques jours plus tard et il sera 3e du "général" en fin de parcours.

Una storia d' "amore"

C'est le début d'une grande histoire d'amour platonique entre Pantani et moi (enfin il ne m'a jamais connu). L'année 1998 sera aussi un année phénoménale pour lui. il gagnera le Tour après avoir dominé aux Deux-Alpes notamment un certain Jan Ullrich. En 2000, c'est au Ventoux qu'il s'imposera, mais il a été malheureux d'avoir été dominé durant l'étape par Lance Armstrong qui lui cèdera la victoire dans les derniers mètres. Il remportera l'étape de Courchevel à la régulière le 15 juillet 2000 histoire de réparer l'affront. L'orgueil du Pirate n'est plus à démontrer.

Malheureusement, les affaires de dopage, l'exclusion du peloton et le retour en demi-teinte du champion de Cesena précipiteront sa chute. Dépression, addiction, overdose, mort à l'âge de 34 ans dans une chambre d'un hôtel de Rimini, Marco Pantani restera dans les mémoires comme un sportif déchu qui a été abandonné par les siens et manipulé par des gens peu fréquentables. Un hommage lui sera réservé le 29 juillet à Rimini lors du grand départ du Tour 2024.