Antarctique (11) Une navigation périlleuse
Le retour de l'Antarctic aux Iles Falkland, février 1902
Pendant qu' Erik Ekelöf et ses cinq compagnons de la Station d'Hiver travaillent à l'achèvement de la construction de leur maison et de ses dépendances, le navire Antarctic se fraye à grand peine un retour périlleux dans une mer tourmentée et remplie de dangers, en direction des Iles Shetland du Sud.
Sydney Herbert Bay, février 1902
D'après une peinture de F.W.Stokes
Le journal d'un naturaliste raconte :
- Le 24 février 1902, le vent a soufflé avec force, toute la nuit. Vers trois heures du matin, des bruits de pas martèlent le pont. Quelqu'un descend les escaliers qui mènent au carré. Nous entendons la voix du capitaine qui parle à son second. Un long silence, habité par le sifflement du vent, lui répond. Puis, dans le jour gris qui se lève, parviennent à nous les sonorités d'un cantique d'imploration mélancolique, entonné par les voix graves des matelots.
Le 26 février 1902, note le peintre Stokes, est un jour sombre. Depuis deux jours, l'ouragan fait rage, sans discontinuer. Des vagues déferlent, les unes après les autres, et lessivent le pont. Soumis à des tensions effrayantes, le vaisseau émet des plaintes mêlées au bruit de chutes de pots, de casseroles, de chaises et au gémissement de l'hélice lorsque l'axe, par moment, émerge de l'eau.
Nous déjeunons à dix heures, debout. Le capitaine craint que nous soyons emportés à la dérive, contre les rochers recouverts de glace des Iles de Shetland du Sud. Il s'acharne à tenir la position en direction du nord. Dans ce combat de titans, nous perdons notre meilleur canot. Le bastingage, à tribord, se brise et des cordages sont emportés par les flots. Le charpentier, aidé de plusieurs hommes, construit en hâte un passage de secours, craignant qu'une partie de la couverture de l'escalier soit arrachée. On verse de l'huile sur les vagues dans l'espoir de les atténuer, mais sans beaucoup de résultat. L'odeur pénétrante de l'eau de soute envahit l'intérieur du navire. L'inquiétude croît car chacun sait que les côtes des Shetland du Sud ne sont qu'imparfaitement connues ; les cartes de cette région restent approximatives.
La barre est tenue par deux marins en ciré, cheveux et barbes recouverts d'une couche de givre, silhouettes de grizzlis dans la tourmente. Toute la journée, le combat pour la survie se poursuit avec ténacité et courage.
Au souper, nous guettons, debout et anxieux, l'arrivée du capitaine. Enfin, nous l'entendons descendre l'escalier. Il apparaît, encore vêtu de ses vêtements ruisselants. Sans attendre une question, il se tourne vers nous et nous annonce :
- Nous venons de dépasser les dangereux rochers des Shetland du Sud.
Et lorsque nous le remercions, il nous dit à sa manière, simplement :
- C'est moi qui vous remercie.
Puis nous nous mettons à table. Le chat discrètement s'approche du capitaine et se frotte à ses jambes en ronronnant. Larsen se penche vers lui et lui offre un morceau de son lard.
Capitaine Carl Anton Larsen
Arrivé aux Iles Falkland, le peintre Frank W. Stokes, ses malles remplies des trésors de lumières du Sud, embarquera dans un steamer venu de Valparaiso. Il fera escale à Montevideo pour retourner vers sa patrie, les États-Unis. L'équipage de l*'Antarctic* et les naturalistes passeront quelques mois aux Iles Falkland puis l'hiver à Ushuaïa, en Terre de Feu, où le bateau sera soumis à une révision complète avant de repartir pour rechercher les hommes de Snow Hill.
Coucher de soleil dans le détroit de l'Amirauté
D'après F.W.Stokes , février 1902
(D'après le Journal d'Erik Ekelöf)
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