Ma vie de chat

15 février 2018
La Chaux-de-Fonds, Neuchâtel
Claire Bärtschi-Flohr

Sans me vanter, je suis un beau chat. D’ailleurs, tout le monde me le dit. J’ai le poil roux avec de belles rayures, aucune trace de blanc sauf sur mon petit menton. Ma queue est rayée. Je suis né dans une portée de quatre chatons et j’ai eu un frère adoré. Nous avions l’air de deux jumeaux tant nous étions semblables. Néanmoins, il avait le poil angora et une tête de lion. Moi, je suis le vrai chat, avec une tête en triangle, tel qu’on aime la dessiner, et j’adore chasser.

Mon frère fut tué par une voiture. On l’a retrouvé un soir sur le trottoir, mort. Cela a été le grand chagrin de ma vie car nous nous entendions si bien. Nous jouions chaque jour ensemble. Et longtemps j’ai erré comme une âme en peine, à la recherche d’un frère, d’un ami. Maintenant, ça va mieux.

J’habite un pays rude. Le premier hiver de ma vie fut anormalement doux et ensoleillé aussi je suis très surpris par la météo de cette année. Il a beaucoup et longtemps neigé, il fait un froid de canard. Mais le pire, c’est cette bise qui me met les moustaches sens dessus dessous et je n’aime pas ça du tout ! Je ne le dis pas mais je le pense : mes maîtres pourraient commander une météo plus clémente, eux qui sont tout puissants.

Le matin, après ma première sortie, je vais m’installer sur les genoux de ma maîtresse qui se repose après son petit-déjeuner. Elle ferme les yeux et se raconte des histoires… Je pose ma tête sur son genou. Quel bien-être après la rude bise !!! Je ronronne à qui mieux-mieux.

Chaque soir, ma maîtresse joue un petit moment avec moi. Elle s’installe sur la banquette du corridor et s’empare d’une belle et longue plume d’oiseau. Et nous jouons au chat et à la souris. La souris, c’est la plume ! Je m’excite, je saute sur cette plume et je la lacère de mes puissantes griffes. Je la mords aussi.

En ce moment, je suis malade : j’ai une infection urinaire mais je ne le sais pas. Aussi je n’apprécie guère quand mon maître me saisit dans ses mains fermes et m’ouvre la gueule de force. C’est sa petite fille, Marine, qui veut devenir vétérinaire, qui lui a appris ce truc. Ensuite ma maîtresse lâche une pastille au fond de mon cou. Ah, que c’est désagréable. Je m’enfuis dès que je le peux.

Les méchantes langues disent que je suis capricieux car je ne mange pas très proprement et surtout je lèche la sauce mais je laisse les morceaux. D’ailleurs sont-ils vraiment bons ces morceaux ? Quelques heures plus tard, laissés dans l’assiette, ils sont tout secs ! J’aime les croquettes. C’est encore ce que je mange le plus volontiers. Quant à la boisson, j’aime boire l’eau de pluie qui se trouve dans des récipients sur la terrasse mais en ce moment l’eau est dure comme du caillou : elle est gelée. Alors, quand mon maître descend à la salle de bain, je le précède avec empressement et je lui demande de m’ouvrir le robinet du lavabo.

Un soir, je suis rentré à la maison avec un minuscule gant de bébé, un mouffle, avec juste la place pour le pouce et une sorte de poche pour les autres doigts. J’ai trouvé qu’il ressemblait diablement à une jolie musaraigne. Je l’ai adopté. Je ne peux pas raconter où je l’ai trouvé. Dans le quartier, bien sûr, mais où ? Et je ne sais pas non plus à qui était ce délicieux petit gant. Je dis délicieux car j’adore son toucher et son odeur. Je m’amuse longtemps avec lui, je le traîne, je le lance, je le lèche avec délectation. Quelle belle trouvaille !

Parfois, je ramène une belle musaraigne, une vraie celle-là, à mes maîtres… Je la dépose délicatement sur le tapis et j’attends quelques compliments. Mais, je vous le dis en confidence, je crois que nous n’avons pas la même vision du monde, mes maîtres et moi...

Comme je suis un chat de bonne famille, mes maîtres, à ma grande déconvenue, ne me laissent pas sortir le soir. La chatière est fermée dès que la nuit tombe. Pourtant, c’est le meilleur moment pour s’en aller chasser ! Mes maîtres pensent qu’ainsi, ils n’auront pas à me chercher si je m’égare dans la nuit. Ils espèrent aussi accorder un peu de répit aux oiseaux. Et puis, figurez-vous qu’il y a des voisins qui n’aiment pas les chats ! De drôles de gens, qui nous reprochent de faire de gros cacas puants dans leur jardin. Et eux alors, ils polluent l’eau et il faut construire de grandes usines pour la purifier. Signé : Loupiot

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Claire Bärtschi-Flohr
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8 décembre 2019
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