La Grande Ourse
- Vraisemblablement écrit vers 1927 et resté inédit jusqu'en 2000, l'ouvrage de Charles-Albert Cingria La Grande Ourse, est un récit dans lequel l'auteur genevois (1883-1954), fidèle à son style inclassable, promène son lecteur à travers la Suisse, en une prose imprévisible, parfois déroutante, mais toujours empreinte d'une envoûtante poésie.
- A Genève, le narrateur fait une halte sur le quai des Bergues, à la hauteur du pont de la machine:
- A Genève un miracle permanent qu'est la chute de toute une portion du lac dans un espace ménagé qui est le recommencement du Rhône rassemble quotidiennement la population. Là au milieu des eaux et de de leur bouillonnement partiel contre lequel des carpes puissantes exercent leur vitalité - elles remontent le courant et cela grossit l'attroupement des curieux - se trouve un palais de l'électricité. Cet édifice d'une facture un peu ancienne est orné de colonnettes de fonte. Chaque mois on les repasse très soigneusement au copal d'argent. Au sommet une horloge douce indique une heure indéfectible. Une chaussée ou plutôt un pont de macadam, car il y a, au dessous, des vannes, relie le palais aux deux rives. D'un côté l'eau s'écoule noble et bleue de l'autre elle assume cet aspect bouillonnant que j'ai dit. (…)
- (…) A droite, dis-je, donc à gauche pour moi et ceux qui ont éprouvé ces impressions se trouve une place avec un kiosque et des platanes. C'est la place Grenus ou Chenu à l'angle de laquelle est un bazar plein de petits drapeaux et de choses qui marchent. On y trouve tout: des miroirs, des abat-jour, des polichinelles, des ours, des chameaux, des parapluies, des montres, des ardoises, des sacs d'école, d'étourdissantes choses en toile cirée et en cuir; et en même temps, une musique dans tous les coins - la France! La France! -: visibles des trompettes, des tambours: beaucoup de petits violons puce et des cages; des glaces, des parfums, des vaporisateurs, des houppettes; des brosses, des paillassons; des séries d'arrosoirs éclatants comme les chevaliers de Darius où marche et s'étire un gros chat qui se demande simplement quelle heure il est et qui est vrai; des petites balles pleines dans des filets, d'autres vernies ou non et des volants et des raquettes en multitude, un poêle-pétrole allumé, des pistolets, des éponges, des bains, des tricycles, des bijoux presque sérieux et chers dans du coton; des demoiselles sur une image, un gigolo l'embrassant contre un arbre au clair de lune; des petits anges, la Sainte Vierge, un Bon Dieu.
- Cingria aurait-t-il confondu la place Grenus (qu'il désigne également du curieux nom de Chenu) avec la place Chevelu? Car si les deux places ne se situent qu'à quelques dizaines de mètres l'une de l'autre, c'est bien la seconde qui correspond au descriptif qu'en fait ici l'auteur genevois. Si l'on ajoute à cela que la place Chevelu se trouve précisément au débouché du pont de la Machine, sur la rive droite du Rhône, il est plus que probable que Cingria nous ait gratifiés sur ce coup, d'un petit lapsus géographique.
Le pont de la Machine, ses chutes d'eau et son «palais de l'électricité» tels que décrits par Charles-Albert Cingria dans son récit La Grande Ourse.
- Modernisé et rebaptisé Cité du temps, le bâtiment abrite aujourd'hui l'espace des Services Industriels, ainsi que l'arcade d'information de la Ville de Genève. Quant aux vannes qui régulaient le niveau du Rhône, elles ont disparu en 1995. Leur fonction est désormais assurée par le barrage du Seujet, quelques huit cents mètres en aval.
Le bazar de la place Chevelu, vu du pont de la Machine vers 1900.
- Charles-Albert Cingria, La Grande Ourse, éd. Gallimard, 2000.
- Voir aussi :
- http://www.notrehistoire.ch/photo/view/24666/
- http://www.notrehistoire.ch/photo/view/24667/
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Cher monsieur Mauro Bernardi, merci pour votre intéressant partage avec vos remarques bienvenues
Amicalement Renata
P.s. Il y a que le troisième et le quatrième lien qui fonctionne, les autres sont à revoir ou à enlevés. Merci
Chère Madame, Merci pour votre aimable commentaire et pour votre remarque sur la liste des liens, que j’ai modifiée. Bien cordialement Mauro Bernardi