Sortie entre amis et amies en 1908

Sortie entre amis et amies en 1908

1908
Pierre Auguste Chappuis
Philippe Chappuis

Dans les archives photographiques de Pierre Auguste Chappuis, je trouve une série de photographies représentant un groupe d'amis et d'amies, sortant ensemble, en général pour des excursions en montagne et des ascensions dans les alpes vaudoises, au Grand Muveran par exemple ou alors dans le massif du Trient.

Cette image, légendée "après le repas 9 VIII 08 " nous fait entrer dans l'histoire de l'usage féminin de la cigarette et j'ai trouvé quelques données à ce sujet dans un interview du Temps remontant à 2012 de Didier Nourrisson,professeur d'histoire contemporaine de Lyon dont je cite quelques passages

" La cigarette est née au XIXe siècle, permettant aux personnes les moins résistantes – en clair, les femmes – de participer à la mode de la «fume», qui se généralise à cette période. Au début du XIXe siècle, la «fume» est à la mode. Et, tandis que le prix des cigares manufacturés augmente, on voit apparaître les «cigarets», un peu de tabac roulé dans une feuille de papier. Le produit fait fureur et devient un attribut de dandy, puis celui des femmes. Et notamment des «lionnes», ces premières féministes dont George Sand est la figure de proue. C’est peut-être à elle, d’ailleurs, que l’on doit la féminisation du cigaret, qui sous sa plume aux alentours de 1830 devient une «cigarette». La cigarette permet l’intégration sociale au moment où la «fume» se généralise. Et, dès le moment où les femmes s’emparent de l’objet, il devient aussi un outil de séduction rattaché à toute une gestuelle, les moulinets de la main, les mouvements de la bouche, les moues avec cigarette au bec, et le rejet de la fumée de la façon la plus esthétique possible. C'est un marqueur d'émancipation et un accessoire de séduction"

Et dans Femmes à la cigarette à la Belle Epoque du même auteur

"La reine Victoria meurt en 1901, et c’est toute la génération bourgeoise compassée qui disparaît avec elle. La femme de vingt ans des années 1900 – on ne parle évidemment que d’une élite de la fortune – est résolument « moderne ». Cette modernité passe par l’adoption et la mise en bouche d’un drôle de petit cylindre de tabac, la « cigarette ». Fabriquée par les machines de la révolution industrielle depuis les années 1870, proposée par la Régie des Tabacs dans des « bondons » de vingt modules de divers tabacs (américain, français, levantin), la cigarette a déjà gagné l’estime des consommateurs masculins quand les femmes de la bonne société l’adoptent dans les années 1900."

Cette réflexion sur le tabac m'a conduit vers un texte plus général du même auteur , Tabagisme et antitabagisme en France au XIXe siècle, dans lequel il fait ressortir les changements de comportement social face à cette feuille qui au cours des siècles va changer ses déguisements pour mieux séduire. Cette citation de Molière dans son Don Juan, créé 15 février 1665, illustre bien une de ces mutations:

"Quoi que puisse dire Aristote et toute la philosophie, il n'est rien d'égal au tabac ; c'est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac, n'est pas digne de vivre. Non seulement, il réjouit et purge le cerveau humain, mais encore il instruit les âmes à la vertu, et l'on apprend avec lui à devenir honnête homme. Ne voyez-vous pas bien, dès qu'on en prend,de quelle manière obligeante on en use avec tout le monde, et comme on est ravi d'endonner à droite et à gauche, partout où l'on se trouve ? On n'attend pas même qu'on en demande et l'on court au devant du souhait des gens, tant il est vrai que le tabac inspire des sentiments d'honneur et de vertu à tous ceux qui en prennent."

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  • Renata Roveretto

    Cher monsieur Philippe Chappuis, et encore une excellente et amusante prise de vue qui pousse à la réflexion. Merci

    Amicalement Renata

Philippe Chappuis
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1 mars 2021
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