la Ruche de Paul Girardet

Héritiers des Albums de René Burnand

Dans mon intention d'approcher mieux les origines de la famille de Franz et Mary, et celle d'Eugène et Julia par conséquent, j'ai été attiré par la période de 1870 à 1880 durant laquelle Eugène Burnand fait la connaissance de Julia et de sa grande famille en 1871 à Moudon, puis décide de se rendre en 1872 à Paris pour mieux réaliser pleinement sa vocation de peintre. Durant cette période de formation et de recherche d'identité, Paul Girardet peintre et graveur, père de Julia, jouera un rôle important tant pour Eugène que pour de nombreux peintres suisses venant à Paris

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Autoportrait 1872 crayon sur papier (prêt à long terme au Musée du Vieux Moudon)

C'est ce jeune homme de 23 ans qui arrive en train à Paris le 22 octobre 1873 et qui écrit:

Hier matin, je me lançai tout seul,le plan de Paris en main,du côté des Champs-Elysées. Que de choses ! D'abord je me mis à courir comme un gamin après un escadron de cavalerie qui suivaient les quais. Ces chevaux , voyez-vous, me tournent la tête. Et ces étalons d'omnibus, que c'est fier et beau.La place de la Concorde avec ses splendides perspectives et silhouettes, les Champs-Elysées, les Boulevards me mettaient hors de moi et vous auriez ri de me voir courir tout haletant pour tout voir à la fois et poussant souvent des exclamations d'admiration et de surprise. J'arrive au point culminant de mon admiration.Je fus, ce matin, dans les galeries du Louvre. J'étais dans un tel ravissement que je devais parfois avoir l'air d'un fou. Mais, aussi, comprenez ce que c'est que de se trouver, tout à coup, nez à nez avec Rubens, avec Raphaël et avec tous les dieux de mon bel art.

Philippe Kaenel (in Eugène Burnand , la peinture d'après nature Cabdita 2006) résume ainsi les problèmes qui se posent au jeune Burnand à son arrivée dans ce nouveau cadre parisien:

Dans la capitale française, le peintre vaudois non seulement se construit un réseau de sociabilité mi-familiale, mi-professionnelle, mais encore il se doit de prendre une place , d'occuper une position dans le champ artistique. Une vocation ne suffit pas: il faut trouver sa voie parmi les tendances de l'art contemporain. Burnand affine ses positions esthétiques en visitant le Louvre et surtout le Musée du Luxembourg./../Quel style adopter ? Quels sujets choisir ? Par rapport à quel marché ? Voici les questions que Burnand se posent au cours de ses années de formation qui le positionnent favorablement.

La rencontre avec Julia Girardet en 1871 a été déterminante pour Eugène, alors qu'en raison de la guerre de 1870 la famille avait dû quitter Paris et avait été recueillie au Grand Pré à Moudon par Charles et Julie Chollet. La guerre finie Paul et sa famille avait réintégré sa demeure à Versailles. Comme le raconte René Burnand dans son livre Jeunesse de peintres (Spes 1949):

De Paris, Eugène Burnand lorgnait sans cesse vers le nid de sa belle.Mais un hasard le servit, à moins que-selon sa conviction inébranlable-ce fut une faveur providentielle: tous les frères de Julia Girardet se trouvaient peintres. L'aîné, Eugène, puis les cadets Jules et Léon entrèrent peu après Burnand à l'atelier Gérôme.N'insinuons pas que l'amitié qu'il leur porta d'emblée fut intéressée; non, elle naquit spontanément et cordialement/.../ Le 4 mai 1873, Eugène Burnand fait son entrée dans le cercle versaillais.

Philippe Kaenel reprend:

La demeure de Paul Girardet à Versailles devient bientôt une sorte de port d'attache pour les artistes suisses fraîchement débarqués dans la capitale /.../Evidemment un Eugène Burnand, placé dans le milieu Girardet respirant la probité bourgeoise et imprégné de culture protestante (on y chantait des cantiques en travaillant ) n'a jamais fréquenté ni les cercles montmartrois dans lesquels évolue l'une des figures marquantes de l'illustration parisienne, Théodore-Alexandre Steinlen, ni les milieux nabis qui adoptent Félix Vallotton dans les mèmes années

Néanmois, le contact avec les Girardet durant cette période a marqué de jeune Eugène Burnand. On le sent bien à la lecture de sa description de la vie familiale qui s'était organisée dans cette nouvelle ruche Girardet (in Les Girardet de René Burnand à la Baconnière1940:

L'atelier collectif des Girardet offrait alors un spectacle unique et charmant. Dans la petite pièce d'entrée, mon beau-père, penché sur une immense planche de cuivre, sous la lumière diffuse de son chassis blanc travaillait sans relâche, creusant, fouillant, entrecroisant ses traits avec l'ardeur d'un commençant. Parfois, dans les jours de morsure ou de revernissage, le petit atelier se transformait en usine fumante et ruisselante, de grands papiers d'épreuve flambaient en charbonnant sous les cuivres dont le vernis liquéfié reflétait l'éclat du ciel. Le rouleau poisseux courait sur la table de marbre, glissait encore subtil et soumis sur les champs vierges de la gravure, évitant les taillées,étalant avec mesure et précision le bitume protecteur. Cette opération exhalait un parfum pénétrant, enivrant, de lavande, dès lors lié pour toujours à ce ravissant souvenir.

Paul Girardet dans son atelier (gravé par Paul d'après une toile de son fils Eugène Girardet)

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Dans la pièce voisine, sous l'immense vitrage, Léon fait marcher la roulette sur les photogravures que lui confie la maison Goupil: sujets de vente, chasses anglaises aux innombrables personnages, batailles endiablées de de Neuville, avec des artilleurs crottés et des chevaux éventrés. A sa gauche, je trime l'Indochine sur les jolis buis teintés de blanc ; j'évoque dans les hasards de l'encre de chine et dans les suggestives coulées de gouache, des forêts impénétrables aux lianes entrelacées, ou je fais courir à fond de train sur des grèves improvisées des Laotiens déhanchés. A mes côté Julia peint des fleurs , ou met un fond à quelque vielle culotte conjugale, ou fait des acrostiches, Au centre de l'atelier, Jules trône en face du tableau qui nous subjugue tous, l'oeuvre collective de la famille et des amis, l'espoir du Salon futur: la Prise de Saragosse. Tout autour de lui, des défroques multicolores, des tentures, des sabres et des clairons; sur la tête résignée d'un mannequin blafard, quelque héroïque bonnet à poil, et -posant dans une attitude provocante et farouche, la baïonnette croisée-quelque italien de la rue Saint Victor

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Les 2 familles, devant la persévérance et l'obstination des 2 amoureux, rassurées par les possibilités professionnelles d'Eugène Burnand et sa capacité d'entretenir une famille, acceptent que Julia et Eugène se marient, ce qui eut lieu, en 1878, dans la joie, au temple de Versailles. Ci-dessous, Julia et Eugène en 1878, au Parc de Versailles.

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C'est ici que commence l'histoire de la famille, après avoir perdu un premier enfant, sont nés Franz en 1880 et René en 1882; on les retrouve, sur cette photographie vers 1887, à Paris. Paul Girardet a perdu son épouse Alexandrine en 1884. Veuf, il vécu chez sa fille Julia, puis chez son fils Jules. René raconte que" c'est là que nous, enfants, avons connu le doux patriarche, il fut pour nous tout ce qu'évoque de plus doux le mot de grand-père. Il me prenait sur ses genoux et je me sentais douillettement blotti dans les plis de sa robe de chambre..."

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