La Chaux-de-Fonds. "Le nid de la Cité"

29 mai 2022
La  Chaux-de-Fonds, Neuchâtel
Claire Bärtschi-Flohr

Je vous propose de faire le tour du "Nid de la Cité"*, c'est à dire du centre historique de la ville.

Dans la vallée, les gens ont d’abord habité Le Locle, car le Locle possède un grand nombre de sources qui jaillissent de partout. Il y a longtemps, le village du Locle était plus important que celui de La Chaux-de-Fonds qui s’est créé bien des années plus tard. A l’origine, le lieu ne fut d’abord qu’un rendez-vous de chasse des seigneurs de Valangin, situé près de l’unique source d’eau potable.

La Chaux-de-Fonds est donc une ville improbable. D’ailleurs, elle s’est longtemps décrite elle-même comme « le plus grand village du monde » !

Ces hautes vallées du Jura sont à une altitude d’environ 1000 mètres, c’est dire le froid, la neige, qui handicapent, qui obligent les paysans éleveurs de bétail à rester calfeutrés dans leur ferme pendant de longs hivers. Les femmes se mettent à fabriquer des dentelles, les hommes, déjà habitués à fabriquer ou, en tous cas, à réparer fréquemment leurs outils se mettent à la fabrication de pendules d’abord, puis de montres.

C’est donc l’horlogerie qui a révolutionné la vie des villages du Locle et de La Chaux-de-Fonds, lorsqu’ils se sont fortement industrialisés. La démographie a explosé. Beaucoup de suisses des autres cantons sont venus travailler dans les fabriques. C’est ainsi que ces villages sont devenus des villes.

La Grande Fontaine :

Elle est "une allégorie de la source salvatrice".

Elle est surmontée d’une nymphe. Tritons et tortues crachent l’eau. Elle fut inaugurée en 1888, un an après l’arrivée de l’eau potable à La Chaux-de-Fonds : Il s’agit de l’eau de l’Areuse, pompée au Val-de-Travers et montée de 500 mètres par l’énergie produite par la rivière elle-même et conduite ensuite par vingt kilomètres de gros tuyaux jusqu’aux deux grands réservoirs des Foulets.

Avant, le village n’avait qu’une seule fontaine, alimentée par une source, qui donnait naissance à un bied, un ruisseau, qui débordait quand les pluies étaient trop fortes ou lors de la fonte des neiges. Il y avait beaucoup de marécages dans la région. Pour ne pas manquer d’eau, on récoltait l’eau de la pluie qui coulait sur les toits puis dans des chéneaux, des gouttières, et des tuyaux amenaient cette eau dans des citernes enterrées près des maisons, sans doute pour éviter que l’eau ne gèle en hiver.

Car il fallait beaucoup d’eau : Pour le bétail, surtout, qui a besoin de beaucoup boire, et puis pour faire la lessive, les repas. On se lavait beaucoup moins qu’aujourd’hui, bien sûr, mais tout de même, on se lavait! On faisait la grande lessive deux fois par année seulement, et sans machine à laver !

Les enfants étaient de corvée. Leur mère les envoyait chercher l’eau à la fontaine avec de gros seaux. C’était leur travail, avant ou après l’école…

Dans la cuisine, on gardait aussi des seaux toujours pleins qui pouvaient servir en cas de départ d’incendie…

Les gens riches achetaient l’eau à des porteurs d’eau. On les entendait crier dans la rue : « Porteur d’eau…. Qui veut de l’eau … ! »

L’inauguration de l’arrivée de l’eau en novembre 1887 fut féérique. Il y eut des discours, un grand cortège avec un char rigolo : des hommes, déguisés en grenouilles, sautaient dans un grand baquet. On tira des feux d’artifice!…

Dans le courant de l’année 1888, tous les appartements de la cité furent pourvus d’un robinet sur l’évier de la cuisine ! Quel événement!

Finies les corvées ! Finies les montées d’escaliers avec de lourdes charges ! Quand les parents avaient le dos tourné, les enfants allumaient le robinet et faisaient couler l’eau à gros jet, en éclaboussant la moitié de la cuisine ! Leur mère se fâchait et c’était la fessée…. Bien méritée ! Vous voyez, on commençait déjà à gaspiller l’eau !!! Comme aujourd’hui !!!

L’avenue Léopold Robert:

Vous ne pouvez pas la rater, elle sépare la ville en deux et porte le nom d’un peintre qui connut une immense célébrité en son temps, au point d’avoir plusieurs tableaux achetés par le Musée du Louvre, à Paris.

Cette avenue, on l’appelle familièrement Le Pod. Non, ce n’est pas une allusion à Léopold, c’est une abréviation de « podium », « estrade », bref un lieu où l’on se montre. Et le Pod fut l’avenue sur laquelle tout un chacun aimait à se promener, à rencontrer ses amis et à causer.

Jusqu’en 1862, elle s’appelait tout simplement « La Grand-Rue ». Pour rendre hommage à leur éminent concitoyen, les autorités de la ville baptisèrent la rue en lui donnant un nouveau nom : L’avenue Léopold-Robert. Quelques générations plus tard, nos édiles commandèrent une statue au sculpteur Léon Perrin (1886-1978). Celui-ci ne représenta pas le grand peintre, mais une jolie paysanne qu’il avait vue dans un des tableaux du maître et qui lui inspira une charmante statue. Elle fut inaugurée en 1935 seulement. C’est à dire cent ans après le suicide du peintre, à Venise.

Voici une gravure de Auguste Jacot-Baron représentant la Grand-Rue, vers 1848. Elle avait encore ses jardins… mais elle ne possédait pas encore de fontaine...

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Place de la Carmagnole:

Remontons le temps... Nous voici en 1792.

Les habitants sont très intéressés par la Révolution française et ils organisent une grande manifestation, dont nous avons la description sur cette gravure d’Abraham Girardet :

Et ils dansent la Carmagnole :

« Dansons la Carmagnole, vive le son, vive le son

Dansons la Carmagnole, vive le son du canon. »

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Au fond de la place, grimés pour représenter des hommes de couleur, un groupe est enchaîné et la population, dont les têtes portent toutes le bonnet rouge, s’apprête à le délivrer….

Place du Marché et fontaine aux armoiries :

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En 1851, on inventa les armoiries de la nouvelle commune : 3 étoiles pour représenter les communiers, les confédérés et les étrangers… des abeilles, en hommage à la population besogneuse, qui grâce à l’horlogerie, fait de la ville une véritable ruche affairée. La ruche est aussi un élément de la symbolique maçonnique. Les carreaux bleus et blancs représentent les différents quartiers de la ville.

La Fontaine des Six Pompes:

il y eut d’abord à cet endroit une vasque ronde qui a probablement donné son nom au bied.

La fontaine des 6 pompes, octogonale, fut érigée en 1847. Cette belle fontaine originale possède six bassins et six pompes par lesquelles on peut tirer de l’eau. Pour économiser l’eau, les fontaines travaillent maintenant en circuit fermé.

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L’incendie de 1794:

Le temple, ainsi que 52 maisons, ont été détruits lors de cet énorme incendie. Il y eut de la malchance. D’abord, l’homme chargé de sonner le tocsin fut assommé par la cloche. Ensuite, le feu envahit une maison bourrée d’explosifs. Le feu se propagea alors dans toutes les directions et à une vitesse incroyable. A cette époque, les pompiers n’étaient pas armés pour lutter contre de tels feux. Le matériel moderne ne date que du XXème siècle et l’eau manquait.

Cet événement marquant fut si brutal qu’il favorisa la réflexion des autorités. Un plan de reconstruction fut décidé, et ce fut l’origine de la ville en damier.

Place de l’Hôtel-de-ville:

1er mars 1848

C’est là que les révolutionnaires loclois rejoignirent les révolutionnaires chaux-de-fonniers. Ils sont ensuite tous descendus pour prendre le Château de Neuchâtel et en chasser les royalistes. La neige fut de la partie. Mais le château se rendit sans qu’on verse une seule goutte de sang.

Le monument de la République fut inauguré en 1910 d’après un projet de Charles L’Eplattenier. Un grand cortège historique fut conçu par le futur Le Corbusier, ami et élève de L’Eplattenier. Son frère Albert composa la musique d’accompagnement.

« La situation centrale du monument nécessite une composition circulaire permettant une contemplation de toutes parts. A l’ouest, une femme drapée symbolise la République ; à ses pieds gît l’aigle déchu de la monarchie. A sa droite, un petit tambour bat la charge, tandis qu’à l’est et au sud figurent les chefs des patriotes montagnons, Fritz Courvoisier, tenant le drapeau de la République et Ami Girard brandissant l’épée. L’art nouveau et le style sapin, chers à L’Eplattenier, prédominent sur l’ensemble. On notera en particulier l’archétype de la femme-fleur aux drapés fluides et l’omniprésence des rameaux de sapin stylisés. » (extrait de la brochure « Bon-Pied, Bon-Oeil », brochure éditée par la ville).

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Et voici la Place des Victoires:

sur laquelle il y a un « arbre de la liberté », planté en hommage à la Révolution française. Ce n’est plus celui de 1792, bien sûr. mais le symbole est toujours le même.

Nous voilà revenus près de La Grande Fontaine. Nous avons fait le tour du « nid de la cité ».

* « Le Nid de la Cité » par Arnold Bolle. Editeur : La Baconnière

Il existe toute une bibliographie de La Chaux-de-Fonds, car les amoureux de la ville ont été nombreux à la commenter.

Les gravures originales se trouvent dans les Musées du canton de Neuchâtel.

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Place des victoires, arbre de la Liberté

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