La révision des Conventions de Genève
La révision des Conventions de Genève
Genève, bâtiment électoral. Conférence diplomatique de révision de la Convention de Genève. 12/08/1949 ©Archives CICR/WASSERMANN, M., Réf. : V-P-CER-N-0000B-08
En 1949, au Palais de l'Athénée, se tient la conférence diplomatique pour la révision des Conventions de Genève. Cette conférence vise à combler les lacunes dans le domaine du droit international humanitaire que la Seconde Guerre mondiale avait révélées.
Nous reprenons ici un extrait du discours de Philip Spoerri, directeur du droit international du CICR, prononcé lors de la cérémonie organisée pour le 60e anniversaire des Conventions de Geneve, le 12 août 2009 à Genève:
"Depuis le début des années 1920 déjà, le CICR avait examiné plusieurs projets, dont l'un visait à protéger la population civile des effets de la guerre, notamment de la guerre aérienne. Le Comité avait aussi rédigé un projet de convention conférant une protection aux civils qui se trouvaient au pouvoir de l'ennemi. Ce projet, connu sous le nom de "Projet de Tokyo » car présenté à la Conférence internationale de la Croix-Rouge à Tokyo, en 1934, devait faire l'objet d'une future conférence diplomatique convoquée par la Suisse.
Comme pour la conférence diplomatique de 1929 au cours de laquelle avait été adoptée la Convention relative au traitement des prisonniers de guerre, le CICR avait de grands espoirs que les États fassent une nouvelle fois preuve de bonne volonté, en l'occurrence envers les civils. Ces espoirs allaient être déçus. À cause du manque d'enthousiasme des gouvernements, la Suisse ne fut pas en mesure d'annoncer la conférence diplomatique jusqu'à juin 1939 - et sa date fut alors fixée pour le début de l'année 1940. L'Histoire en décida autrement.
Pendant la guerre, le CICR consacra l'essentiel de ses forces à ses activités sur le terrain mais, en tant que gardien du droit international humanitaire, il continua d'examiner la possibilité de relancer dès que possible le processus de révision et de développement du droit de Genève.
En février 1945, par conséquent - avant même la fin des hostilités -, le CICR annonçait aux gouvernements et aux Sociétés nationales de la Croix-Rouge son intention de réviser les Conventions de Genève existantes et de faire adopter de nouveaux instruments, tout en se demandant s'il y avait encore une place pour les règles humanitaires en cette époque de guerre totale.
Surmontant cette appréhension, le CICR organisa à Genève, en septembre 1945, une conférence préliminaire des Sociétés nationales de la Croix-Rouge chargée d'étudier les conventions protégeant les victimes de la guerre, suivie d'une conférence d'experts gouvernementaux en 1947. Cette dernière devait émettre un avis sur la révision des deux Conventions de Genève en vigueur, relatives respectivement aux « blessés et malades » et aux « prisonniers de guerre », et surtout sur l'élaboration d'une nouvelle convention concernant la condition et la protection des civils en temps de guerre.
Les experts gouvernementaux souscrirent aux propositions du CICR, notamment à une nouvelle idée selon laquelle les Conventions devraient s'appliquer dans toutes les situations de conflit armé, y compris les conflits internes. Fort de cet appui, le CICR informa les autorités suisses de son souhait de convoquer une autre conférence diplomatique. Entre-temps, les participants à la XVIIe Conférence internationale de la Croix-Rouge, qui eut lieu à Stockholm en 1948, se déclarèrent favorables à une révision et une adaptation des Conventions de Genève.
La conférence diplomatique commença le 21 avril et réunit les représentants de 64 pays, soit pratiquement tous les États de la planète à l'époque. Selon divers témoignages directs, aucune conférence n'avait jamais été si bien préparée. Il lui fallut néanmoins quatre mois pour achever ses travaux, soit une réunion beaucoup plus longue que prévu, qui surprit le public. Cependant, les séances étaient empreintes d'une atmosphère positive, on pourrait même dire d'un esprit de camaraderie et de franchise dans la discussion, et ce alors que le monde venait juste d'entrer dans la guerre froide. Les délibérations aboutirent à l'adoption des quatre conventions suivantes :
- la Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne ;
- la Convention de Genève pour l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées sur mer ;
- la Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre
- la Convention de Genève relative à la protec tion des personnes civiles en temps de guerre.
Globalement, ces quatre textes élargissaient considérablement la portée du droit international humanitaire. L'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève s'avéra une victoire importante, puisqu'il étendait les principes des Conventions de Genève aux conflits armés non internationaux, et écartait certains obstacles liés à la souveraineté nationale. Selon cet article 3 commun, les parties à un conflit armé interne s'engagent à respecter les droits fondamentaux de la personne. Il n'est pas étonnant qu'il ait fait l'objet des discussions les plus intenses et les plus longues de l'ensemble de la conférence.
Cela étant, la plus grande avancée de toutes demeure l'adoption de la Quatrième Convention, qui offre aux civils une protection analogue à celle des autres victimes de la guerre. Qualifié de « miracle » par celui qui était à l'époque président du CICR, Paul Ruegger, cet instrument comblait enfin une des lacunes les plus graves qu'ait mises en évidence non la Seconde guerre mondiale, mais aussi toutes les autres guerres qui l'avaient précédée.
Les quatre Conventions de Genève sont datées du 12 août 1949, c'est-à-dire la date à laquelle fut signé l'Acte final de la conférence diplomatique auquel elles sont annexées. En même temps que l'Acte, 18 délégations gouvernementales signèrent aussi les quatre nouvelles conventions.
Les autres délégations avaient demandé un peu de temps pour que leurs gouvernements puissent étudier le texte, si bien qu'une deuxième cérémonie de signature eut lieu le 8 décembre 1949 à Genève. Ce jour-là, les représentants des États signèrent les nouvelles conventions sur la table même qui avait été utilisée pour la signature de la Convention de Genève de 1864 - geste d'une grande valeur historique et symbolique.
Les nouvelles Conventions de Genève eurent immédiatement un immense succès. Elles entrèrent en vigueur dès le 21 octobre 1950, après les deux premières ratifications. Elles furent ensuite ratifiées par 74 États dans les années 1950 et par 48 autres dans les années 1960. Le nombre de ratifications augmenta régulièrement dans les années 1970 (20 ratifications) et 1980 (également 20 ratifications). Le début des années 1990 connut une nouvelle vague de ratifications - 26 en tout - résultant en particulier de l'éclatement de l'Union soviétique, de la Tchécoslovaquie et de l'ex-Yougoslavie. Avec les quelques dernières ratifications, au nombre de sept, enregistrées depuis l'année 2000, l'applicabilité des Conventions de Genève est devenue universelle puisque l'on compte aujourd'hui 194 États parties."
D'autres archives sur le site des 150 ans du CICR.
Lire également l'histoire du CICR.
C'est au "Bâtiment Électoral", 24 rue du Général-Dufour, réaménagé pour la circonstance par les architectes Schopfer et Boulens. Voyez "Vie - Art - Cité" n° 4 de 1949 et 2 de 1950