La tombe de Corinna Bille et Maurice Chappaz
La tombe de Corinna Bille et Maurice Chappaz
"Dans ma maison de bois
Au-dessus des nuages
Je pense à la terre."
Ces quelques vers extraits de "Un Goût de Rocher" paru aux Editions Empreintes, accompagnent Corinna Bille (1912-1979) et son mari Maurice Chappaz (1916-2009) dans le petit cimetière de Veyras. J'ai pris cette photo sur la tombe des deux poètes que j'ai eu le plaisir de connaître.
Petite anecdote au sujet de Corinna :
En tant que jeune enseignant, j'avais lu à ma classe le livre de contes "La Maison Musique" de Corinna Bille dans son intégralité. Les élèves, ont été touchés par ces récits du cœur.
Après avoir eu l'honneur d'accueillir son époux Maurice lors d'un séminaire sur les auteurs valaisans, j'ai convié la poétesse à rencontrer les enfants.
Le rendez-vous était pris pour 14 heures. L'excitation croissait, 14h15, 14h30, et toujours personne. Même la récréation n'a pas amené notre invitée. Mais deux minutes avant la fin des cours, on a frappé à la porte : c'était Corinna Bille en personne !
Devions-nous renvoyer les élèves alors qu'elle avait fait le trajet depuis Veyras à pied pour les voir ? Impossible. Sans prévenir les parents, ce qui était envisageable à l'époque, les élèves sont restés presque une heure de plus. Un souvenir inoubliable !
La suite fut une invitation à une fête à Finges, où Corinna voulait convier toute la classe et pour l'ambiance, faire venir un accordéoniste ami. L'enthousiasme était à son comble.
Hélas, quelque temps plus tard, je recevais cette lettre :
"Hôpital, 16 octobre 1979
Cher monsieur Pierre-Marie Epiney,
Voilà où j'ai fini par échouer après les malaises et ce voyage en Sibérie qui fut beau malgré la maladie que je portais déjà en moi.
Mais hélas, il n'est plus question de la moindre fête à Finges ou ailleurs, car je dois rester ici (après opération) pour un long traitement médical.
Nous le regrettons tous, le joueur d'accordéon aussi. J'ai eu encore une très mauvaise nuit mais, à part ça, l'état est meilleur depuis l'opération.
Je n'oublie pas votre classe, ces beaux regards d'enfants, cette atmosphère chaleureuse, à la fois sage et fantaisiste (ce qui est une grande qualité).
Donnez-leur un salut de ma part. Priez-leur de dire une petite prière pour moi.
Et pour vous, cher Monsieur PIerre-Marie Epiney, mes souvenirs fidèles et amicaux."
Huit jours après, le 24 octobre, Corinna nous a quittés. Sans l'accord de ma hiérarchie, mais avec l'aide d'un collègue qui a pris en charge ma classe, j'ai assisté à ses funérailles à Veyras.
La tombe de Corinna et Maurice :
Voir aussi ces documents :
Merci mille fois pour cet émouvant témoignage. C'est très sympathique de ta part mon cher Pierre-Marie. Merci aussi pour le partage!
Très intéressants ces documents! Merci du partage.
Ça c'est du document! Merci du partage.
Quel témoignage tu nous proposes, Pierre-Marie ! On y trouve la "distraction" de l'artiste, mais surtout son sens aigu de la relation, l'attention généreuse aux autres et surtout aux enfants. Un maître qui éveille sa classe à la poésie, une classe qui accueille la poétesse en faisant fi de l'horaire, une poétesse qui sait parler aux enfants - mais les poètes n'ont-ils pas conservé une âme d'enfant ? - quelle interaction ! C'est d'une beauté lumineuse et touchante ! Quant à la réaction finale du maître, elle s'inscrit dans le droit fil de ce qui précède. On dirait une page des Fioretti de l'enseignement.
voir aussi : notrehistoire.ch/entries/P7VW1...