Repérage
Veux-tu voler avec moi demain matin  ?

Veux-tu voler avec moi demain matin  ?

1920
auteur inconnu
collection Famille Burnand

upload.wikimedia.org/wikipedia...

L'aéroplane Bréguet 14 (Wikipedia), modèle qu'auraient pu emprunter Franz, René et David, pour survoler Paris.

Le Dr René Burnand raconte dans son livre "Mes vingt- cinq albums" un épisode très surprenant au sujet de son frère Franz:

Nous nous trouvions à Paris chez mes parents, trois frères ensemble, Franz le pasteur, David le peintre et moi. Au moment d'aller se coucher, le premier soir, Franz me dit: Veux-tu voler avec moi demain matin ? Louis Bréguet m'a promis de mettre un aéroplane à ma disposition à son aérodrome d'essai. Louis Bréguet, l'un des pionniers de l'aviation, est notre cousin par alliance. Je regardai mon frère d'un regard stupéfait.

- Toi, père de dix enfants, tu veux... voler ?

- Parfaitement, répondit-il d'un ton sans réplique. Tu viendras, ou non ?

- Eh bien, oui, je viendrai.

J'aurais eu honte de montrer ma frousse à ce pasteur qui n'avait jamais été sportif le moins du monde - mais qui s'était mis en tête avec un véritable enthousiasme de s'élever dans le ciel. Mon frère David, le peintre, décida de nous suivre.

Je dormis fort mal , avec des frémissements au creux de l'estomac. A la première heure nous filons en auto et arrivons sur la piste. Un jeune aviateur d'allure très alerte invita mon frère à embarquer. Franz enjamba le siège de l'appareil; on l'attacha sur la banquette arrière derrière le pilote, une banquette à ciel ouvert, bien entendu; un vrombissement et l'envol.

Nous suivions l'engin minuscule avec une certaine émotion. Il monta très haut.

- Deux mille mètres vous suffisent ? nous avait demandé le pilote.

- Oh oui Monsieur, ou...i .

Après un quart d'heure, nous vîmes , avec soulagement, atterrir l'appareil.

- Quelle impression as-tu éprouvée ?

Je me souviens textuellement de sa réponse: - celle d'être à cheval sur une libellule.

A mon tour. La violence du courant d'air m'arrachait les cheveux et presque la tête. J'éprouvais un trac fou à me pencher en dehors de la nacelle ouverte où j'étais assis; mais ce n'était pas nécessaire. Le sol de la cabine était en mica et je voyais Paris défiler entre mes pieds à 2000 mètres; la pointe de la Tour Eiffel comme une aiguille à tricoter; les méandres de la Seine. Vertige à part, c'était grisant et la peur physique se dissipait graduellement./.../. Je regardais avec une admiration émue le pilote; il scrutait l'espace d'un air tranquille.

- Tenez-vous bien, nous allons descendre.

Cette descente rapide était exactement celle du toboggan sur une piste d'hiver. L'air semblait résistant et glissant comme de la glace. L'avion passa avec un bruit de tonnerre entre les hangars et les arbres et vint rouler adroitement sur la piste.

Après nous mon frère David grimpa sur l'appareil. Nous étions contents et fiers.

Trois semaines plus tard notre charmant pilote fit une chute et se tua net.

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  • Renata Roveretto

    Cher monsieur Philippe Chappuis, merci pour votre partage d'une histoire étonnante, prenante et amenant à une profonde réflexion

    Amicalement Renata