Finances englouties par le Rhône
Le Rhône indomptable
Comment l’ancienne commune de Granges a été étranglée financièrement par l’endiguement du fleuve?
Par Charly-G. Arbellay
Depuis plusieurs années, la 3e correction du Rhône tient l’actualité. On y prévoit de décorseter le fleuve pour lui permettre de vagabonder. Les aînés de l’ancienne commune de Granges (Valais) encore en vie, ont une vision moins enthousiaste de ces futurs travaux. L’histoire de l’endiguement du fleuve leur est resté en travers de la gorge.
Petit rappel historique
Au 19e siècle, les communes riveraines étaient tenues d’entretenir les berges du Rhône. Elles ont beaucoup souffert financièrement de cette situation injuste par rapport aux communes de montagne.
En 1880, la commune de Granges se voit imposer par l’Etat du Valais de construire les berges du Rhône (10 km, de Noës à Bramois). Le Grand Lens qui n’était pas encore divisé en quatre communes (Lens, Icogne, Chermignon et Montana) et avait pris bien soin de limiter son territoire à flanc de coteau jusqu’à Vaas notamment, pour ne pas avoir à entretenir sa part.
En 1885, l’ingénieur de l’Etat dresse des plans et fait exécuter les travaux. Et la commune de Granges passe à la caisse. Mais ce projet étant mal ficelé, les factures ont largement dépassé les possibilités financières de Granges qui a dû s’acquitter de 290 000 francs, une somme colossale pour l’époque (plusieurs millions aujourd’hui). Etranglée, Granges ne pouvait payer ! Les autorités communales ont alors rédigé une pétition argumentant que l’erreur de calcul imputait à l’ingénieur de l’Etat. Et ce n’était donc pas aux Grangeards de payer les dépassements des travaux. Le Conseil d’Etat et le Grand Conseil se sont alors penchés sur cette affaire et ont décrété qu’on ne pouvait effectivement pas saigner la commune de Granges à la suite de cet endiguement. Un arrangement a finalement été trouvé. Un décret voté par les députés stipulait que les revenus de la commune devaient servir en première lieu à payer les frais de fonctionnement, l’entretien des écoles, des routes, des ponts, des canaux, le traitement du phylloxéra et le surplus à payer les intérêts de la dette. «Tous les excédents, s’il y en avait, seraient versés dans un fonds spécial d’amortissement de la dette, géré par l’Etat», souligne le message officiel.
Finalement Granges a dû s’acquitter de 80 000 francs et, pour le solde, elle a eu droit à des prêts du Canton et de la Confédération qu’il a fallu rembourser. Durant de longues années, la commune a été sous la tutelle de l’Etat. Les fonctionnaires contrôlaient toutes ses dépenses. Cette page sombre de l’histoire a gravement pesé sur le développement de Granges qui demeura toujours en situation de faiblesse. Jusqu’au 28 mai 1972, date à laquelle, Granges fusionne avec Sierre, sa voisine.
Bibliographie -
Le Valais – Chroniques illustrées de la préhistoire au XXIe siècle – René Arbellay 2005
Légendes des photos
En 1870, le Rhône encerclait le bourg de Granges. Carte Clermont.
Le Rhône à Granges-Gare en 1926 après l’endiguement. Collection Arbellay
Décembre 2005 – Le Rhône semble dormir. Photo Arbellay
La colère du Rhône en 2007. Il déborde à La Millière dans sa partie nord. Photo Arbellay
Voir aussi :
Au dernier jour de la COP28, cet article rappel que la prévention des risques climatiques est bien l'affaire de tous. En Valais, si bien des communes situées en plaine et au bord du Rhône devaient payé des sommes folles pour son endigement. Dans le canton de Neuchâtel, c'est la neige du haut qui péjore le budget communal de la Chaux-de-Fonds. Voir ce sujet de la RTS: rts.ch/play/tv/12h45/video/ne-...
Visiblement, le pot commun à de la peine à s'imposer dans nos cantons.