L'école d'autrefois

Pierre-Marie Epiney

Né en 1945, marié, père de 4 enfants, grand-père de 12 petits-enfants et 2 arrière-petits enfants, Philippe Theytaz (*1945), a porté bien des casquettes : instituteur, professeur, directeur d’école, conseiller éducatif, consultant en relations humaines, coach…

Après l’obtention d’une licence à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève, son parcours s’est achevé par un doctorat en psycho-pédagogie dans la même université en 1989.

Dans cette capsule vidéo, Philippe Theytaz, pédagogue et ancien directeur d’école, jette un regard rétrospectif sur l’école du temps de son enfance. Il y souligne le peu d’égard fait à la personnalité de l’enfant qui est davantage considéré comme un être à dresser que comme une personne à part entière. Point d’accusation dans son discours : l’école d’autrefois était dans la ligne de la société en général qui considérait entre autres que l’enfant ne souffrait pas comme l’adulte et qu’il fallait « frapper les corps pour libérer les esprits ».

Voir aussi :

Voici ce que Bernard Crettaz dit dans son essai : "Le curé, le promoteur, la vache, la femme et le président" paru en 2008 aux Editions Porte-plumes (en page 49) :

Pour maîtriser à la fois la bonne tradition et la bonne modernisation, le curé devine – et la loi cantonale l’y autorise – qu’il doit s’approprier la formation scolaire. Le vrai chef de l’école, ce sera lui : il présidera la commission scolaire, donnera le cours de religion, dictera la présence des régents et des élèves à l’église. C’est encore le curé qui envoie les écoliers en punition à l’église s’ils ont osé jouer durant l’heure du chapelet communautaire.

Et voici ce que disait Rose Bünter-Salamin dans son blog

du 26 juin 2007 et retranscrit par sa petite-fille Ivana :

... ma maman Agnès, donc votre grand-mère, me racontait que l’instituteur de sa classe, à Saint-Jean, originaire de Saint-Martin, Val d’Hérens, pour punir un élève, lui infligeait « le tour de Suisse », qui consistait à faire trois fois le tour de la classe alors que l’instituteur le suivait en lui assénant coups de pied dans les fesses. Maman Agnès, la plus douée et appliquée, a été appelée pour le tour de Suisse….. de frayeur, elle s’évanouie… son père a dû intervenir auprès de la commission scolaire pour mettre un terme à cette pratique.

A l’improviste un inspecteur scolaire faisait visite. Grand, imposant, regardant par la fenêtre ouverte il fait remarquer… « Regardez-moi cette campagne, c’est tout vert de verdaille et jaune de fleurs de troeilles » fleurs jaunes de dents de lion. Maman riait en y repensant.

du 11 octobre 2007 :

Je revois mon carnet scolaire que nous devions faire signer par nos parents, chaque fin de mois. La page mensuelle était divisée en deux paragraphes. Le premier faisait mention de Exactitude---politesse---discipline---propreté---application. Le deuxième paragraphe évaluait mathématique, français, géographie, histoire, dessin, chant, gymnastique, travaux manuels. Les notes de 1 à 6, la meilleure naturellement la note 1. Mes parents exigeaient le 1 dans les branches du premier paragraphe, spécialement pour politesse et application. Les autres branches étaient moins importantes à leurs yeux contrairement à la façon d’évaluer aujourd’hui… Si une note 2 apparaissait dans le premier paragraphe, nous avions, mes frères et moi-même droit à une correction le soir, pas bien méchante, petite fessée de la part de mon père. Je n’ai jamais vu mon papa administrer une correction sous la colère, simplement il indiquait « on règlera la situation ce soir ». Certains mois, nous étions parfois trois enfants à mériter la dite correction, donc pleurs de mes petits frères que je calmais « arrêtez vos pleurs, on aura le temps de pleurer ce soir ». Vite au dodo, faisant semblant de dormir puis la voix chaude et affectueuse de notre père… « On a un compte à régler ». Petite correction et promesse de faire des efforts les prochains mois.

A l’époque de mon enfance les instituteurs pouvaient administrer la fessée aux élèves difficiles parfois même en descendant leur culotte. Mon père étant maître de la sixième primaire, je vous fais mention de cette anecdote. Un de ses élèves, arrogant, fort, méritait la fameuse correction. Mon père tient la tête de l’élève entre ses jambes et un collègue administre la correction. Pas de chance, l’élève mord la cuisse de mon père qui devient livide. Je le revois de retour à la maison, vraiment perturbé.

Dans le courant de l’année scolaire, une sœur visitante contrôlait la chevelure de chacun pour détecter s’il y avait des poux, dans l’affirmative, traitement de désinfection. Dans ma classe une élève que nous surnommions « Joséphine Backer », dont le père était employé à la voirie communale était appelée à subir le traitement. Dans le courant de la journée, la porte de la classe s’ouvre fortement, le père de notre Joséphine fait irruption, s’approche de la maîtresse et lui administre une bonne paire de gifles : « Je vous apprends à dire que ma fille à des poux » ! Autre époque, autres mœurs, mais belles époques.

voir aussi :

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  • Michel Savioz

    ... et un grand sportif! ?

  • Nicolas Perruchoud

    Ce que Philippe Theytaz dit de l'école de jadis, beaucoup parmi nous nés dans la décennie 1950 peuvent en témoigner. Certains instituteurs, surtout dans les dernières classes de l'école primaire, terrorisaient les élèves et recouraient aux châtiments corporels. Mais, d'autres faisaient preuve d'humanité et ont été des éveilleurs. Je pense à cet instituteur de 4ème année primaire qui commençait toutes les journées par la lecture d'un poème. "Salut bois couronnés d'un reste de verdure ! (...)" Le poème de Lamartine ne m'a plus quitté. C' est un don de cet instituteur qui trouvait que la poésie avait droit au meilleur moment de la journée. Merci M. Norbert Zuber !

    • Pierre-Marie Epiney

      Merci de ton commentaire au goût de madeleine de Proust. Me reviennent aussi en mémoire les vers de Victor Hugo (Oceano Nox) appris en sixième chez M. Joseph Vuignier :

      "Oh ! combien de marins, combien de capitaines Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines, Dans ce morne horizon se sont évanouis !..."

      Par contre, en écho au discours de Philippe Theytaz, je revois un maître hurlant - je ne pouvais m'empêcher d'avoir un rire nerveux - et un autre courant derrière un élève pour lui administrer la correction "méritée". Il y avait aussi cet autre qui tenait un arsenal de tuteurs de bambou à sa disposition. Le diamètre de ces bâtons était relatif à la faute à réprimer : le pire était "Martin bâton".

    • Philippe Theytaz

      Dans l'école d'autrefois, il y avait certes des enseignants qui "faisaient preuve d'humanité et qui ont été des éveilleurs". C'est vrai, je les avais presque oubliés, tant l'école de cette époque "meurtrissaient les corps et les cœurs pour (soi-disant) libérer les esprits". Cependant, lorsque la question m'a été posée, c'est la réponse qui m'est spontanément apparue pour décrire davantage une école de la répression et de la sélection que de la formation. Merci toutefois de rappeler à nos souvenirs ces enseignants d'une autre école.

  • Ursula Vianin

    Très intéressant ! Merci Pierre-Marie de la vidéo et Philippe pour ton témoignage. Quelle époque épique ! Ursula Vianin