Repérage
Le cor des Alpes d'Annvivers

Le cor des Alpes d'Annvivers

20 mars 1972
Edouard Florey, collection Paul-André Florey
Paul-André Florey

dit chez nous en patois « la touba ou la touta »

Cet instrument ne se jouait pas dans les villages du Val d’Anniviers. Il était strictement utilisé dans les mayens et surtout aux alpages. Ceux-ci se situaient de chaque côté de la vallée à une latitude qui varie entre 2000 et 2800.

L’instrument se déplaçait d’un chalet à l’autre avec tous les autres ustensiles de laiterie, mais il ne descendait jamais au village tout au plus jusqu’au mayen.

La vallée d’Anniviers, aux environs de 1964, comprenait encore 18 alpages avec 70 à 100 vaches laitières chacun. A cela s’ajoutaient encore les génisses, les moutons et des cochons. Chaque alpage était desservi par 9 à 10 bergers allant du mayo (gardien des porcs) au chef berger. Les alpages étaient constitués en consortage. Chaque paysan avait des droits : dits vache de fond. Les alpages étaient dirigés par trois chefs et deux procureurs. Aujourd’hui, il ne reste plus que six alpages de toute la vallée.

Pour revenir à nos cors des Alpes, tous les alpages n’en possédaient pas. Il y en avait à peu près 7 à 8 pièces en tout. Dans mon jeune âge, soit en 1912, j’étais à Zinal comme petit domestique et souvent à midi ou le soir, j’entendais résonner les cors des alpes dans les alpages environnants. Et comme en écho ils se répondaient. Un jour un vieux pâtre qui, vu son âge, ne pouvait plus monter à l’alpage, m’a expliqué, que selon la manière de jouer du cor, il pouvait annoncer aux alpages de l’autre versant de la vallée et même au village supérieur (comme Zinal), que tout allait très bien ! Par contre si la mélodie était triste et grave, cela signifiait que l’entente entre bergers n’était pas bonne, ou qu’il y avait des épidémies du bétail, tel le bélafô (maladie de la tétine) ou limachoula (maladie du sabot). Ainsi les chefs étaient renseignés et savaient qu’il y avait des problèmes à l’alpage. Le dimanche suivant ils montaient faire une visite.

Les cors des mayens étaient moins significatifs. On en jouait surtout pour le plaisir de faire de la musique. Or, il y a une trentaine d’années, on entendait tous les soirs à peu près à la même heure, des airs mélodieux et gais joués par un jeune homme. Il était au mayen pour s’occuper du troupeau de la famille. On était étonné de la ponctualité de ce concert. Ce ne fut que le jour de son mariage que l’on connu la raison. Le fiancé souhaitait le bonsoir à sa promise !

Selon mon avis, les plus anciens cors avaient la forme d’un porte cigare. Tandis que par la suite ils ont pris la forme d’une pipe, l’extrémité recourbée. Ils étaient en bois d’arole avec des cercles de mélèze. On choisissait un arbre que l’on évidait à la gouge.

C’est tout de même dommage que ces instruments ne sont plus que des articles de musée.

Edouard Florey Vissoie, le 20 mars 1972

Saisie sur ordinateur : Paul-André Florey, Juillet 2018

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Paul-André Florey
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25 septembre 2019
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