La Chapelle de Saint Nicolas, un "legs" ...
La Chapelle de Saint Nicolas, un "legs" ...
La Chapelle de Saint Nicolas de Flue : un "legs" du tremblement de terre et des débordements de la Lienne
L’idée de remplacer l’oratoire du Pont située une quinzaine de mètres en amont du pont sur la Lienne et détruite en 1938 pour élargir le passage, court déjà dans les esprits depuis quelque temps, notamment parmi les rangs de la JAC et surtout dans la tête du curé Oggier, grand vénérateur de Nicolas de Flue, et qui se désole de ne pas voir son culte se développer en Suisse romande
C’est dans ce climat d’angoisse de 1946, où les gens se sentent tout petits par rapport à la puissance de la nature, que ce projet va prendre forme sous l’impulsion du curé. Et on peut faire confiance à ce dernier pour transmettre son ardeur à ses ouailles… Voici ce qu’il en dit, dans son « carnet de bord » :
« Le 16 juin [1946], partout des processions. Chez nous, nous passons par la gare, remontons le long de la Lienne qui, quelque temps auparavant avait menacé de sortir de son lit. Le soir à 20 heures, toute la paroisse, conseil communal en tête, rassemblée à l’église, fait le vœu solennel de bâtir une chapelle à St Nicolas de Flue « dans Beulet », pour être préservé à l’avenir de tels fléaux et inondations. »
Notes du curé Oggier, 16 juin 1946
Les choses vont alors bon train : la paroisse acquiert un terrain situé à « La Croix de Beulet », appartenant à Madame Judith Gillioz née Tamini et, le 11 octobre 1946, se voit accorder du Conseil bourgeoisial l’autorisation d’exploiter la pierre nécessaire pour la construction de la nouvelle chapelle.
« On commence la chapelle. Le travail se répartit en équipes. Joseph Gillioz s’occupe du bois à couper à Tracuit et part le dimanche avec une belle équipe en jeep jusqu’à la montagne. Joseph Studer fait les terrassements avec 15 à 20 ouvriers. Joseph Schwery fait le chef de carrière avec Jean-Marie Roulin. Adrien Rieille fera le chef de chantier. Tout est en route. On travaille le dimanche. Le Tiers-Ordre apporte le vin pour les ouvriers. C’est beau à voir travailler nos hommes. Avant l’hiver, la chapelle sort de terre. »
(…)
« Et l’on vit une chose qui ne s’était plus vue depuis le Moyen Age, l’âge de la foi agissante. Tous les hommes de la paroisse, tous les corps de métier se relayaient dimanche après dimanche, les carriers, les terrassiers, les maçons, tailleurs de pierres, menuisiers, charpentiers, couvreurs, peintres, électriciens. Spectacle inoubliable : toute la population oubliant ses divisions et ses préférences, s’unissant dans un effort commun, dans un esprit de foi magnifique. »
Notes du curé Oggier, 20 octobre 1946
L’élan du départ est cependant ralenti par les grands froids du début d’année 1947; la suggestion est même faite, puis écartée, de « réunir les fonds nécessaires pour faire achever les travaux par un entrepreneur » , afin que coïncident l’inauguration de la chapelle et le jour de la canonisation de Nicolas de Flue.
« Nous pensions arriver à la terminer pour le 15 mai [1947], jour de la canonisation. Hélas, impossible. Nous arriverons pour le 25 octobre. Le travail continue tous les dimanches. Architecte : Charles Zimmermann, St-Maurice. »
Notes du curé Oggier, janvier 1947
Jean-Baptiste Bétrisey rappelle dans un article de presse comment les Léonardins sont passés de l’intention à l’action :
« (…) Il existait autrefois la « Chapelle du Pont » à St-Léonard. Nos ancêtres l’avaient élevée pour préserver le village des inondations de la Lienne et du Rhône. Mais après l’endiguement de ces cours d’eau, les digues des ingénieurs remplaçaient avantageusement la chapelle ; on la négligea, elle devint une ruine ; bien plus, elle finit par gêner la circulation, l’édifice fut rasé, les âmes pieuses tranquillisées par la promesse d’un nouvel édifice, et la chose classée dans le grand dossier des oublis.
Mais on avait oublié de compter avec les tremblements de terre de 1946 et la nouvelle menace d’inondation de la part de la Lienne. Dans ces conditions, M. le Révérend Curé de la paroisse n’a pas eu beaucoup de peine à amener les fidèles à passer de la bonne intention à l’action. Les Léonardins ont élevé un nouveau sanctuaire plus beau qu’avant. »
Le Nouvelliste Valaisan du 17 septembre 1947
Finalement, les fêtes de la bénédiction de la chapelle auront lieu, dans un grand retentissement, les 27 et 28 septembre 1947 ; voici le programme de ces journées, présenté par le Curé de la paroisse :
« Samedi : veillée auprès de la Relique à l’église avec prédication à 9 heures et minuit. Le Rd Père capucin Evariste dirigea la veillée. De 20 heures à 7 heures du matin, les soldats se relayèrent d’heure en heure et montèrent la garde devant l’autel de la Relique monté dans le chœur.
Dimanche à 9h45, première procession jusqu’à la Chapelle. Bénédiction par Mgr le Vicaire Général. Messe des paysans avec fanfare. La foule suivit avec émotion les rites commentés par le Père Rey-Mermet. Sermon de M. le Doyen Mayor.
Après-midi 14h : grande procession de la translation de la Relique portée sur un char de triomphe par Mgr Schwaller. Procession formidable avec délégation du Conseil d’Etat par MM. Pitteloud et Gard, invités par la commune de St-Léonard. Grand et petit séminaire, chanoines de la cathédrale… 4000 personnes du Valais central. Sermon de Mgr Grand, Vicaire général.
Puis, jeu liturgique sur le parvis de la Chapelle : « La Vocation de St Nicolas » dans une mise en scène de Maurice Deléglise. »
Il faut encore préciser qu’une souscription faite auprès des mamans de St-Léonard et d’Uvrier permet de payer une statue de Saint Nicolas en bois de tilleul, que l’on peut toujours admirer sous le porche de la chapelle."
L’année suivant cette inauguration, et plus précisément le 6 juin 1948 a lieu dans le même site de Beulet le premier pèlerinage valaisan des malades, dont nous relatons le début de la journée par l’intermédiaire du Nouvelliste Valaisan du 8 juin 1948 :
« Dès 9 heures environ, une file interminable d’automobilistes complaisants amenait les quelques 460 malades venus de tout le canton, Il y avait des paralytiques, des aveugles, des rescapés des sanas. Le spectacle était émouvant. La charité débordante de chacun : automobilistes, infirmières, sages-femmes, éclaireurs, sans compter celle des prêtres et religieuses de la plupart des congrégations du canton, s’était donné la main. (…) »
Suivent la confession des malades, la messe chantée par les scouts et la société de Chant « La Léonardine » sous la baguette du curé Oggier ; à l’offertoire, les scouts, accompagnés par plusieurs malades, amènent une grande croix qui est dressée sur le parvis de la chapelle.
« Le dîner, offert généreusement par les familles de St-Léonard, qui ont le cœur sur la main, était prévu pour environ deux cents personnes, mais un cantinier compléta le menu des autres, une quête faite par les scouts au cours de l’après-midi devant réunir les fonds nécessaires pour couvrir tous les frais et ce supplément de dîners. Ainsi les malades n’eurent aucun frais à supporter. »
L’après-midi voit encore se succéder la méditation des malades, l’imposition des mains, le chant des litanies, après quoi plusieurs hommes d’Eglise prennent successivement la parole pour encourager les malades à garder leur foi en Dieu et pour remercier tous les bénévoles pour l’aide apportée aux malades.
Depuis 1948, et pendant de longues années, le pèlerinage valaisan des malades et la fête annuelle des malades se déroulent dans le site de Beulet, avec la prise en charge des malades par les familles du village.
Crédit de la photo d'illustration : Perlmic [source]
voir aussi :
Une autre chapelle élevée à la force du poignet :
Voir aussi ce document mettant où les forces divines sont appelées à la rescousse pour contrer le tremblement de terre :
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