Sierre l'agréable, modeste vision subjective

28 mai 2012
Pierre-Marie Epiney

« Sierre (875 « âmes ») chef-lieu du district, dans un des sites les plus chauds et les plus fertiles du canton, doit à sa position heureuse la qualification d’agréable. » peut-on lire dans la « Géographie élémentaire à l’usage des écoles primaires », ouvrage publié en 1854.

« Agréable », je trouve le qualificatif très à propos ; ce n’est pas le soleil rieur et malicieux de l’étendard sierrois qui le démentirait. Déjà les Romains la nommèrent Sirrum Amoenum (Sierre l’agréable), séduits qu’ils étaient par le charme d’un paysage tissé de collines baignées par un Rhône facétieux.

Plus bas dans le même texte, on parle du "village" de Sierre, à peine plus populeux qu’Ayer (700 âmes).

Sierre : une ville bricolée

J’aime à savoir que ma ville a été bricolée à partir de quartiers peuplés par les communautés anniviardes et haut-valaisannes. Sierre est une ville de métissage.

A plus forte raison aujourd’hui encore où l’on croise des personnes venues de tous les horizons ; le tiers de la population n’a pas le passeport à croix blanche.

Presque rien d'historique sur quelques trouvailles

Un almanach valaisan de 1768 (Mozart avait 12 ans) m’apprend que la foire Ste-Catherine était déjà fixée le 25 novembre. Peut-être remonte-t-elle à la nuit des temps…

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Un certificat de congé militaire établi en 1789 par l’armée française libère le soldat Rever (Revey?) de ses obligations militaires. Au dos de ce document, on peut y suivre la route empruntée par ce natif d’Anniviers pour rentrer au pays. En attestent les signatures des cantonnements qui lui ont délivré de la subsistance.

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D’ailleurs, Sierre a partie liée avec la royauté française puisque, fortune faite, plusieurs officiers suisses, en particulier les « de Courten », reviendront à Sierre pour bâtir des « monuments » appréciés aujourd’hui encore.

Il y aura Jean-François, le bâtisseur de l’hôtel de ville. Il y aura Pancrace qui construira la magnifique « maison de Courten ».

Et puis le train arriva à Sierre

Une reproduction d’un journal de 1868 consacre l’arrivée du train à Sierre. On y avait organisé une fête somptueuse : telle un trophée, la locomotive est tout enrubannée. Sous un dais, comme à la fête Dieu, officiaient les autorités pour une cérémonie publique à laquelle était conviée toute la population endimanchée. La ligne du Simplon marquait son terminus provisoire à Sierre. Quelle stupeur les panaches de fumées et l’infernal travail des pistons ont-ils sans doute provoquée à l’époque !

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Des cartes postales évocatrices

J’aime à savoir que ma ville ne s’est pas faite en un jour. Au fil de ma collection de cartes postales et d’articles consacrés à ma ville, je trouve quelques témoins de son évolution :

Aux heures plus sombres de l’histoire, durant la grande guerre, Sierre et la région accueilleront des soldats français. Sur une carte postale, on peut y voir, remontant l’avenue de la gare toute pavoisée aux couleurs de la France, les internés français défiler, fanfares en tête, sous les regards curieux des Sierrois massés de part et d’autre de la rue.

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J’ai toujours été ému par ce monument de notre cimetière qui avait accueilli les corps de ces réfugiés morts loin de chez eux.

Sur une autre carte, on voit les internés français posant fièrement devant la villa Beaulieu un… 14 juillet 1918. La grande guerre touche bientôt à sa fin (armistice : 11 novembre 1918).

Une carte de février 1919 annonce que « nos patrons (usine de Chippis) cet hiver ont renvoyé plus de 1000 ouvriers ». Comme quoi les conflits sociaux ne datent pas d’aujourd’hui.

S'il y a un lieu qui réunit aujourd'hui encore les Sierrois, c'est bien la foire Ste-Catherine qui avait lieu sur le "champ de foire" aujourd'hui Avenue du Marché :

Quelques cartes plus loin, j’apprécie la colline de Pradegg avant son étêtement qui permettra d’y établir le somptueux château voulu par une famille bourgeoise richissime : les Mercier.

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Sierre peut compter sur de nombreux phares qui la veillent, telles les sentinelles d’un corps de garde.

Outre Mercier dont on a déjà parlé, il y a Goubing, fière et altière, gendarme tout empesé dans son costume de pierres. Il y a la tour de Rawyre, survivance du château de Bernona qui se pare d’une étoile géante, chaque année durant l’Avent.

Il y a Géronde, premier lieu de peuplement de la région, sa chapelle carolingienne, son couvent dont une carte postale m’apprend qu’il fut institut de sourds-muets.

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Et au pied de la colline, dans son écrin vert émeraude, le lac, transformée l’hiver en grande patinoire à ciel ouvert où sur une carte de la belle époque les femmes en longues robes sont accompagnées d’hommes à chapeaux.

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Tout droit issu du moyen âge, le château des Vidomnes. Une carte colorisée le présente dans la torpeur matinale où enfant, j’imaginais du haut des tours les fantômes verser de l’huile bouillante sur les habitants furieux qui avaient des récriminations contre leur évêque.

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La nouvelle avenue de Sierre (aujourd'hui Avenue Général Guisan), rue piétonne avant l’heure : de nombreux piétons foulent sa terre battue, rarement dérangés par un char à vendanges ou un vélo.

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Des souvenirs

Et puis, Sierre, ce sont aussi ces souvenirs d’autrefois :

L’ancien cimetière qu’on avait désaffecté et où, écoliers, on allait "guigner" les fosses ouvertes sur fonds de cercueils éventrés. Dans un coffre étaient collectés les crânes arrachés à la dormance de la terre. Dans le même registre un peu macabre, l’ossuaire sous l’église Sainte-Catherine où parfois on s’amusait à se faire peur en tirant furtivement le rideau rouge qui cachait des alignements de crânes nous regardant de leurs orbites étonnées.
Plus romantique peut-être, l’école primaire avec la stricte séparation filles et garçons. Durant la messe hebdomadaire, je n’avais d’yeux que pour une charmante demoiselle aux longs cheveux châtain sagement assise sur un banc réservé aux filles... La Béatrice de Dante !

Tout n’est pas également réussi dans notre ville : la décoration de Noël fait parfois mal aux yeux, les cahots et les encombrements de la circulation… mais les nombreux projets de mise en valeur de la ville me rendent confiants. A l'instar de la place de l’hôtel de ville où jouent des bambins entre les jets d’eau : une réussite.

Pierre-Marie Epiney, 28 mai 2012, revu le 13 octobre 2021

Paru sur le site de la commune de Sierre

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Pierre-Marie Epiney
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