César FRANCK, Symphonie en ré mineur, ONRDF, Pierre MONTEUX, 21.09.1958, Salle du Pavillon, Montreux
César FRANCK, Symphonie en ré mineur, ONRDF, Pierre MONTEUX, 21.09.1958, Salle du Pavillon, Montreux
César FRANCK, Symphonie en ré mineur, Orchestre National de la RadioDiffusion française (ONDRF), Pierre MONTEUX, 21 septembre 1958, Salle du Pavillon, Septembre Musical de Montreux
La symphonie en ré mineur de César Franck est restée sa seule symphonie [*] et l'une de ses oeuvres les plus connues. Il la composa entre 1886 et 1888, il s'agit donc d'une de ses dernières oeuvres, dédié à son élève et ami Henri Duparc. La première audition eut lieu au Conservatoire de Paris le 17 février 1889, sous la direction de Jules Garcin.
(*) "[...] durant ses années d'études à Paris, Franck avait déjà composé une Symphonie en sol majeur, qui fut même jouée en privé en 1841. Elle se range cependant dans la série d'oeuvres composées à cette époque sous l'influence du Classicisme viennois et dans lesquelles on reconnaît les fruits de l'enseignement à orientation néoclassique dispensé au Conservatoire de Paris. [...]" Peter Jost, Buchloe, été 1998, publié dans la préface de l'édition de cette symphonie chez Breitkopf: voir cette préface pour plus de détails sur l'histoire de la composition de la symphonie en ré mineur.
Cette composition tardive de César Franck résume à elle seule ce qui fait son originalité dans la musique française de la fin d'un XIXe siècle plus tourné vers l'opéra que vers les symphonies - celles-ci étant alors encore considérées comme une spécialité germanique: un chromatisme exacerbé, un lyrisme rare, une orchestration rappelant l'orgue - il ne faut pas oublier que César Franck était titulaire de l'orgue de Sainte Clotilde.
La symphonie en ré mineur a trois mouvements, mais on y retrouve en fait les quatre parties traditionnelles. Franck s'en est expliqué lui-même: «C'est une symphonie classique... (Après le premier mouvement) viennent un andante et un scherzo, liés l'un à l'autre. Je les avais voulus de telle sorte que chaque temps de l'andante égalant une mesure du scherzo, celui-ci pût, après développement couplé des deux morceaux, se superposer au premier. J'ai réussi mon problème.» Ainsi le scherzo habituel se trouve-t-il encadré dans le deuxième mouvement - Allegretto - qui tient la place de l'andante et fait corps avec lui.
Le premier mouvement - «Lento; Allegro ma non troppo» - "[...] s'ouvre par une introduction lente bâtie sur un thème à 4/4, sombrement interrogateur, avec les cordes graves [...] À ce thème succède un bref chant des violons, mélancoliques, avant une seconde section du «Lento», plus vive, plus nerveuse. Puis voici la reprise textuelle de cette introduction à la tierce mineure supérieure (fa mineur): on y a vu un vice de forme. Or, le compositeur tenait essentiellement à cette répétition pour des raisons de tonalité (On sait que, chez Franck, le souci de l'équilibre tonal prime tout): les deux tonalités de base de la symphonie resteront en effet ré mineur et fa mineur. Le thème principal de l'«Allegro non troppo» prend énergiquement appui sur une dérivation du motif de départ, pour faire succéder un second groupe de thèmes passant au relatif fa majeur: l'un est mélodique, sur une note pivot répétitive (la),- procédé d'amplification typiquement franckiste; l'autre est vigoureusement syncopé. Le développement, fortement chromatisé, permettra la combinaison hardie du «Lento» et de l'«Allegro»: ainsi du canon construit sur la cellule initiale , ramenant le ton de ré mineur et annonçant la réexposition (évoluant à son tour de mi bémol mineur vers un lumineux ré majeur). Grand développement terminal, enfin, débouchant sur une brève coda dont l'ultime accord, en tutti, est bien ré majeur.[...]"
Dans le mouvement central - «Allegretto», tenant donc à la fois d'«Andante» et de «Scherzo» - "[...] C'est un chant du cor anglais, non moins mélancolique qu'aux mesures initiales de l'oeuvre, qui constitue le premier thème; des accords de la harpe et des cordes en pizzicato l'accompagnent sourdement, à la façon d'une marche funèbre (malgré l'indication à 3/4). Un thème adjacent paraît aux cordes dans le ton de si bémol majeur. L'épisode Scherzo se présente alors - sans changement de tempo toutefois - sur des trémolos des cordes, tandis qu'une autre idée secondaire fait son entrée en rythmes pointés avec la clarinette (cette fois en mi bémol majeur). [...] Au terme de l'Allegretto, les deux thèmes secondaires dialoguent pour faire éclore la poésie la plus prenante. [...]"
Sur le «Finale. Allegro non troppo» César Franck [**] a déclaré: «Le Finale, ainsi que dans la IXe, rappelle tous les thèmes; mais ils n'apparaissent pas comme des citations, j'en fais quelque chose, ils jouent le rôle d'éléments nouveaux».
"[...] Fidèle à la forme cyclique, c'est donc un mouvement récapitulatif,- quoi que présentant encore une ou deux idées adjacentes. Il débute avec fougue, en un élan victorieux. Le thème principal, en ré majeur, se gonfle d'héroïsme,- tandis que succède un motif de choral, aux cuivres, dans la tonalité de si majeur. Un retour de la mélodie de cor anglais du second mouvement inaugure le développement: celui-ci, à son tour, fait paraître également des thèmes du mouvement antérieur, avec reprise du thème initial du finale, puis de celui du cor anglais s'épanouissant une dernière fois dans un glorieux tutti. Pour terminer, tous les thèmes du premier mouvement seront rappelés, en particulier la cellule d'origine et le motif syncopé du second groupe thématique. Mais c'est, enfin, le thème principal du finale qui apporte une conclusion grandiose, emplie d'une sorte de rayonnement mystique. [...]" Les citations ci-dessus non référenciées viennent du Guide de la musique symphonique réalisé sous la direction de François-René Tranchefort, Fayard 1986, ISBN 978-2-213-64075-4.
(**) Déclaration faite par César Franck à Pierre de Bréville et rapportée par Léon Vallas, La véritable histoire de César Franck, Paris, Flammarion, 1955, p. 267. La IXe à laquelle Franck fait référence est bien entendu celle de Beethoven.
Au Festival de Montreux de 1958, le dimanche 21 septembre, Pierre MONTEUX - alors âgé de 83 ans - dirigeait l'Orchestre National de la RadioDiffusion française. Au programme: l'Ouverture des Maîtres Chanteurs de Wagner, puis le Concerto en ut mineur de Mozart, avec Robert Casadesus en soliste, en deuxième partie la Symphonie de Franck et les Variations Enigma d'Elgar.
Quelques extraits des compte-rendus de l'époque:
a) Journal de Geneve, No 223, 24 septembre 1958, page 7, chronique de Franz Walter:
"[...] AU SEPTEMBRE MUSICAL DE MONTREUX
Pierre Monteux et Robert Casadesus
À quatre-vingt-trois ans, Pierre Monteux donne un des exemples les plus extraordinaires d'inaltérable jeunesse. Certes son geste est simplifié à l'extrême - il fut d'ailleurs toujours d'une grande sobriété - mais sa direction très carrée, presque sommaire d'apparence a gardé une certaine ampleur de mouvement. Quel est le secret de la vitalité de ses interprétations animées par de simples et larges temps de mesure sans aucune subtilité visible? C'est avant tout un sens constructif étonnant et qui s'exerce aussi bien dans le temps que dans l'espace sonore. En effet, quel art extraordinaire d'animer insensiblement un tempo, mieux encore de le faire bifurquer sans heurt, d'une seule indication du doigt, mais avec une détermination qui ne laisse prise à aucune équivoque! D'animer et faire rebondir ainsi une période, une phrase, de les charger toujours de dynamisme, sous cette apparence de planer au-dessus de la mêlée! Quel art, encore, de doser par quelques inflexions tous les volumes sonores, de mettre en relief, en quelques traits, toute la construction thématique interne!
[...]
L'orchestre était le «National» de Paris. Autant dire que les habitués auront retrouvé toutes les séductions des plus riches couleurs instrumentales que l'on puisse rêver. L'interprétation que Robert Casadesus donna dans ce même concert du Concerto en ut mineur de Mozart restera inoubliable. Un toucher miraculeux qui jusque dans les nuances les plus impalpables garde une expression pénétrante et qui reste chantant dans les forte les plus puissants, une clarté d'élocution sans défauts, telles sont quelques-unes des qualités qui permirent de donner au concerto la plus riche mobilité d'expression, de la plus pudique tendresse et du mystérieux enveloppement aux élans d'héroïsme et de fougue. Mais plus que ces qualités extérieures, c'est le merveilleux équilibre intérieur qu'il faut admirer chez cet artiste et qui conféra à l'oeuvre entière une unité dans la diversité, une tenue et un style d'une incomparable grandeur, mieux encore, une émotion infiniment prenante. Et l'on peut bien penser que l'aubaine qui échoit ce soir aux mélomanes genevois d'entendre cet artiste qui a offert généreusement son talent pour la cause de la Croix-Rouge verra accourir la grande foule. [...]"
b) Gazette de Lausanne, vendredi 26 septembre, page 10, chroniqueur: J.B. [3*]:
"[...] Intéressant programme que celui présenté lors du 9e concert de Montreux. Nous étions particulièrement heureux de pouvoir y entendre, dirigée par Pierre Monteux, la «Symphonie en ré mineur» de César Franck. Le cas de Franck est d'ailleurs assez curieux. En effet, le temps n'est pas loin où César Franck exerçait sur les jeunes musiciens une très forte emprise par le caractère envoûtant de son chromatisme, tant dans la ligne mélodique que dans l'enchaînement des harmonies. Maintenant, l'auteur des «Béatitudes» semble être un peu passé de mode. St l'on joue encore fréquemment les «Variations Symphoniques», la Symphonie en revanche, dont il existe pourtant de nombreux enregistrements, ne figure qu'assez rarement à l'affiche des concerts symphoniques. Certes, dans la construction générale de la «Symphonie en ré mineur» on ne trouve point les marques de cet équilibre, de cette perfection de la forme qui sont le fait d'un Brahms par exemple. Les ruptures de la ligne musicale y sont plus fréquentes. Comme Bruckner, dont il fut presque le contemporain, Franck était avant tout un organiste; son orchestration par plaques sonores, par registres, en témoigne nettement. Il est cependant indéniable qu'un souffle génial, d'une grande expression spirituelle, habite ces pages d'un homme simple et profondément convaincu de la valeur de son message.
La tâche de l'interprète n'y est d'ailleurs pas aisée: il est difficile de trouver le juste milieu entre la sécheresse et l'excès de suavité. A cet égard l'interprétation de Pierre Monteux fut en tous points remarquable.
On est en outre frappé par la vigueur, la clarté de pensée et l'extraordinaire résistance physique dont fit preuve le grand chef français tout au long d'un concert de vaste dimension.
[...]
Soliste du concert, le grand pianiste Robert Casadesus jouait le «Concerto en ut mineur» de Mozart, que l'on pourrait presque taxer de «Symphonie concertante pour piano, instruments à vents et orchestre», tant est grand le rôle attribué ici aux souffleurs. On connaît la sûreté technique, la pureté du toucher et l'éclat du jeu de ce grand pianiste. Il montra en outre dans le «Concerto en ut mineur» un sens admirable de la ligne musicale et un extraordinaire rebondissement du rythme.
Soulignons encore la beauté et la précision quasi insurpassables des interventions de l'orchestre, des vents tout particulièrement.
Soliste, chef et instrumentistes furent l'objet, de la part du public, d'un véritable triomphe, parfaitement jusfifié d'ailleurs. [...]"
(3*) Grâce à l'intuition de Sylvie Bazzanella - dans une discussion du Forum de Notre Histoire - il est possible de mettre un nom à ces initiales J.B.: il doit s'agir de Jean Balissat. J'ai trouvé confirmation dans la Gazette de Lausanne du 26 octobre 1959, page 6, dans un court article intitulé "Un concours de composition musicale à Lausanne":
"[...] Un deuxième prix de 500 francs à Jean Balissat, critique musical à la «Gazette de Lausanne», pour sa «Symphonie No 2». [...]"
À souligner: ces compte-rendus et documents sont rendus accessibles grâce à l'admirable banque de données du quotidien Le Temps permettant de rechercher dans les archives de la Gazette de Lausanne et du Journal de Genève, et ceci sur les 200 ans passés!!
La première diffusion du concert aurait du avoir lieu le lendemain - lundi 22 septembre 1958 - sur «France - Chaine Nationale (280 m.)» (Ref.: Journal de Genève du 22.09.1958, page 9, «À la radio»): à cause d'une grève elle fut renvoyée au 24 septembre suivant.
Certaines sources - dont l'INA! - indiquent que l'enregistrement aurait été fait à Paris le 24 septembre 1958, ce qui est erroné. Les compte-rendus des quotidiens suisses de cette époque le prouvent en effet clairement: entre les 16 et 25 septembre l'Orchestre National donnait 5 concerts à Montreux (voir par exemple le programme général du Festival de 1958), ne pouvait donc être à Paris ce 24 septembre 1958. Cette date du 24 septembre 1958 est en fait celle de la première diffusion à la radio française.
Sous la direction de Pierre Monteux, en plus de celui de Montreux, il en existe les enregistrements suivants:
- San Francisco, 22 avril 1941, OS San Francisco, parue sur 78 tours (Victor), puis sur 33 tours (RCA)
- 6 juin 1943, OP New York, concert
- San Francisco, 7 avril 1946, OS San Francisco, émission radio
- San Francisco, 27 février 1950, OS San Francisco, parue sur 33 tours (RCA, HMV)
- Paris, 24 septembre 1958, ON RDF: endroit et date erronées, en réalité Montreux, 21 septembre 1958
- Chicago, Orchestra-Hall, 7 janvier 1961, OS Chicago, parue sur 33 tours (RCA)
d'après cette page de la discographie du site de patachonf.free.fr.
L'enregistrement que vous écoutez:
César Franck, Symphonie en ré mineur, FWV 48, Orchestre National de la RadioDiffusion française, Pierre Monteux, 21 septembre 1958, Salle du Pavillon, Montreux
- Lento; Allegro ma non troppo 17:04 (-> 17:04)
- Allegretto 10:34 (-> 27:38)
- Finale. Allegro non troppo 10:26 (-> 38:04)
Provenance: Radiodiffusion, Archives Radio Suisse Romande (RSR)
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