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W. A. MOZART, Concerto No 24 pour piano et orchestre, Robert CASADESUS, ONRDF, Pierre MONTEUX, 21.09.1958, Salle du Pavillon, Montreux

21 septembre 1958
Radio Suisse Romande
René Gagnaux

Wolfgang Amadeus MOZART, Concerto pour piano No 24 en ut mineur, KV 491, Robert CASADESUS, Orchestre National de la RadioDiffusion française (ONDRF), Pierre MONTEUX, 21 septembre 1958, Salle du Pavillon, Septembre Musical de Montreux

Mozart commence de composer ce concerto à Vienne durant l'hiver 1785-1786. La première audition fut donnée probablement le 7 avril 1786 au Burgtheater de Vienne, quelques deux semaines après que Mozart en eut terminé la composition: ce fut la dernière grande apparition publique du compositeur en tant que soliste. Le manuscrit du concerto est conservé au Royal College of Music (South Kensington, London, England) - voir cette page pour une description de ce manuscrit.

Ce concerto est une des oeuvres les plus importantes de Mozart, d'un style précurseur des grands concertos romantiques de Beethoven et Brahms. Pour une courte description quelques citations extraites des excellentes notes rédigées par Angela Hewitt en 2004 pour Hyperion:

"[...] En quoi cette oeuvre est-elle si différente des autres concertos pour piano mozartiens? D'abord, l'orchestre est imposant (c'est le seul concerto pour piano de Mozart avec et hautbois et clarinettes). Pour l'écrire, Mozart utilisa un type de papier rare, réglé à seize portées. [...] On y lit partout la nervosité que Mozart dut ressentir en le rédigeant: il n'est pas soigné comme à l'ordinaire et renferme tout, des premières esquisses aux dernières révisions, avec quantité de biffures et même de drôles de petits autoportraits qui guident vers les passages mal placés. Mozart nota la partie solo (parfois seulement en abrégé) après la pause et, à court de place, dut se rabattre sur les portées des trompettes et des timbales. [...]

Le thème d'ouverture du premier mouvement utilise les douze tons de la gamme. Le signe de la mesure à 3/4 est rare (on le retrouve dans K449, mais l'impression ne saurait être plus différente). Le rythme de la chaconne est, pour rejoindre Paul Badura-Skoda, prégnant. (Il doit exister un lien entre ut mineur et l'écriture à l'unisson. Car c'est à l'unisson que ce concerto démarre, comme la Sonate pour piano en ut mineur, K457, et la Fantaisie et ut mineur, K475, sans oublier le Concerto pour piano No 3 et le dernier mouvement de la Sonata pour piano, op. 10 No 1, de Beethoven.) Dans K491, les contours de la mélodie inaugurale nous plongent dans le désespoir. Tous les thèmes du premier mouvement sont, d'une manière ou d'une autre, affiliés à ce matériau liminaire. Aucun n'y échappe. Chose intéressante, pourtant, le piano n'énonce jamais ouvertement ce thème principal, mais entre avec sa propre lamentation (recourant, là encore, à de larges sauts). Le passage (ne serait-ce que dans la remarquable coda) n'est que tourbillon, signe de désespoir.

Mozart commença le deuxième mouvement mais il n'en avait pas écrit trois mesures qu'il se ravisa. Il est intéressant de regarder son premier jet - une mélodie plus enjolivée que la version finale. Il n'y a nulle part où se cacher dans cette mélodie d'une simplicité radicale, exposée au piano puis reprise, tel un choeur, par l'orchestre. Quand le piano poursuit son chant, escorté par l'orchestre, une immense émotion est tapie derrière les notes en apparence simples. Le mouvement est de forme rondo et les épisodes - le premier en ut mineur, le second en la bémol majeur - sont confiés aux vents avant d'être embellis par le piano et les cordes. Une splendide coda clôt le mouvement.

Un autre rondo étant exclu, Mozart se tourna, pour le finale, vers la forme variation. Sans les notes d'agrément des sixième et septième mesures, la musique pourrait facilement verser dans une totale noirceur. La plupart des gens y voient une marche. Pour moi, elle part davantage comme une danse sinistre, avec son signe de la mesure alla breve. Il reste quelque chose de baroque dans l'inspiration mozartienne. Les deux premières variations s'animent toujours plus, avec de tourbillonnantes figures pianistiques. Celles-ci sont au premier plan dans la troisième variation (dans le caractère d'une marche, de fait), où les seconds violons ont leur moment. Dans la quatrième variation, avec le passage au la bémol majeur, le climat change du tout au tout. Cette partie m'a toujours fait l'impression de musiciens de rue surgissant dans le décor, défilant à la fenêtre, dans la plus parfaite ignorance de tout sentiment tragique. La cinquième variation est stupéfiante: au piano, un merveilleux contrepoint; puis les gammes à la main gauche, qu'on entend d'abord aux seconds violons, amalgamées au rythme alla marcia à la main droite. Ut majeur fait son entrée pour la sixième variation et nous fait accroire que la pièce pourrait connaître une fin heureuse. Il n'en est rien. Le thème original revient, avec des interruptions au piano et aux vents. L'épisode prend corps jusqu'à une pause et une courte cadence. Pour la dernière variation, Mozart passe à 6/8 - un signe de la mesure pour la danse, s'il en fut. Le piano part, hésitant. Puis l'orchestre le rejoint dans ce qui devient une tournoyante danse macabre, bourrelant l'âme jusqu'à la toute fin. [...]"

citations extraites des excellentes notes rédigées en 2004 par Angela Hewitt pour Hypérion.

Robert CASADESUS, portrait extrait d'une photo du site PARISENIMAGES, © Boris Lipnitzki / Roger-Viollet, utilisation autorisée dans le cadre de l'illustration de sites internet à vocation non commerciale: Numéro d'image: 71994-60, Numéro d'inventaire: LIP-2061-174.

Au Festival de Montreux de 1958, le dimanche 21 septembre, Pierre MONTEUX - alors âgé de 83 ans - dirigeait l'Orchestre National de la RadioDiffusion française. Au programme: l'Ouverture des Maîtres Chanteurs de Wagner, puis le Concerto en ut mineur de Mozart, avec Robert Casadesus en soliste, en deuxième partie la Symphonie de Franck et les Variations Enigma d'Elgar.

Quelques extraits des compte-rendus de l'époque:

a) Journal de Geneve, No 223, 24 septembre 1958, page 7, chronique de Franz Walter:

"[...] AU SEPTEMBRE MUSICAL DE MONTREUX

Pierre Monteux et Robert Casadesus

À quatre-vingt-trois ans, Pierre Monteux donne un des exemples les plus extraordinaires d'inaltérable jeunesse. Certes son geste est simplifié à l'extrême - il fut d'ailleurs toujours d'une grande sobriété - mais sa direction très carrée, presque sommaire d'apparence a gardé une certaine ampleur de mouvement. Quel est le secret de la vitalité de ses interprétations animées par de simples et larges temps de mesure sans aucune subtilité visible? C'est avant tout un sens constructif étonnant et qui s'exerce aussi bien dans le temps que dans l'espace sonore. En effet, quel art extraordinaire d'animer insensiblement un tempo, mieux encore de le faire bifurquer sans heurt, d'une seule indication du doigt, mais avec une détermination qui ne laisse prise à aucune équivoque! D'animer et faire rebondir ainsi une période, une phrase, de les charger toujours de dynamisme, sous cette apparence de planer au-dessus de la mêlée! Quel art, encore, de doser par quelques inflexions tous les volumes sonores, de mettre en relief, en quelques traits, toute la construction thématique interne!

[...]

L'orchestre était le «National» de Paris. Autant dire que les habitués auront retrouvé toutes les séductions des plus riches couleurs instrumentales que l'on puisse rêver. L'interprétation que Robert Casadesus donna dans ce même concert du Concerto en ut mineur de Mozart restera inoubliable. Un toucher miraculeux qui jusque dans les nuances les plus impalpables garde une expression pénétrante et qui reste chantant dans les forte les plus puissants, une clarté d'élocution sans défauts, telles sont quelques-unes des qualités qui permirent de donner au concerto la plus riche mobilité d'expression, de la plus pudique tendresse et du mystérieux enveloppement aux élans d'héroïsme et de fougue. Mais plus que ces qualités extérieures, c'est le merveilleux équilibre intérieur qu'il faut admirer chez cet artiste et qui conféra à l'oeuvre entière une unité dans la diversité, une tenue et un style d'une incomparable grandeur, mieux encore, une émotion infiniment prenante. Et l'on peut bien penser que l'aubaine qui échoit ce soir aux mélomanes genevois d'entendre cet artiste qui a offert généreusement son talent pour la cause de la Croix-Rouge verra accourir la grande foule. [...]"

b) Gazette de Lausanne, vendredi 26 septembre, page 10, chronique de Jean Balissat:

"[...] Soliste du concert, le grand pianiste Robert Casadesus jouait le «Concerto en ut mineur» de Mozart, que l'on pourrait presque taxer de «Symphonie concertante pour piano, instruments à vents et orchestre», tant est grand le rôle attribué ici aux souffleurs. On connaît la sûreté technique, la pureté du toucher et l'éclat du jeu de ce grand pianiste. Il montra en outre dans le «Concerto en ut mineur» un sens admirable de la ligne musicale et un extraordinaire rebondissement du rythme.

Soulignons encore la beauté et la précision quasi insurpassables des interventions de l'orchestre, des vents tout particulièrement.

Soliste, chef et instrumentistes furent l'objet, de la part du public, d'un véritable triomphe, parfaitement jusfifié d'ailleurs. [...]"

À souligner: ces compte-rendus et documents sont rendus accessibles grâce à l'admirable banque de données «LE TEMPS Archives Historiques».

La première diffusion du concert aurait du avoir lieu le lendemain - lundi 22 septembre 1958 - sur «France - Chaine Nationale (280 m.)» (Ref.: Journal de Genève du 22.09.1958, page 9, «À la radio»): à cause d'une grève elle fut renvoyée au 24 septembre suivant.

Certaines sources - dont l'INA! - indiquent que l'enregistrement aurait été fait à Paris le 24 septembre 1958, ce qui est erroné, aussi bien pour le lieu que pour la date. Les compte-rendus des concerts de cette époque le prouvent clairement: entre les 16 et 25 septembre l'Orchestre National a donné 5 concerts à Montreux (voir par exemple le programme général au bas de cette page), ne pouvait donc être à Paris un 24 septembre 1958. Cette date est en fait celle de la première diffusion à la radio française.

À la suite d'un court défaut d'enregistrement, quelques millisecondes manquent au début du 3e mouvement, qui commence un peu abruptement.

L'enregistrement que vous écoutez:

Wolfgang Amadeus Mozart, Concerto pour piano No 24 en do mineur (ut mineur), KV 491, Robert Casadesus, Orchestre National de la RadioDiffusion française, Pierre Monteux, 21 septembre 1958, Salle du Pavillon, Montreux

  1. Allegro maestoso 12:34 (-> 12:34)
  2. Larghetto 07:51 (-> 20:25)
  3. Allegretto 08:30 (-> 28:55)

Provenance: Radiodiffusion, Archives Radio Suisse Romande (RSR)

Mozart, une photographie de Fr. Bisson d'un portrait fait par Edouard-Jean-Conrad Hamman, Éditeur: Mouilleron, 6 rue de Seine (Paris), Date d'édition: 1856, Format: 1 photogr. pos.; 31 x 17 cm (im.), 55 x 40 cm (f.), Droits: domaine public, Identifiant: ark:/12148/btv1b84265629, Source: Bibliothèque nationale de France, département Musique, Est.MozartW.A.F3004.

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René Gagnaux
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18 novembre 2016
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