Les nouvelles routes du Valais

octobre, 1937
J.-G. Martin
Yannik Plomb

Les nouvelles routes du Valais

Il n'y avait jusqu'ici dans le silence de cette montagne qu'un sentier muletier se pliant aux caprices du terrain. Il y avait le charme des flâneries à l'ombre des mélèzes, mais voici que la route s'impose à la porte, aux champs, au bois. Elle est taillée dans le sol et son avance est marqué par des cadavres d'arbres abattus, par les mines qui pulvérise le roc.

Un groupe d'ouvriers dans le désordre ordonné d'un petit chantier, indique la tête de ce serpent de route qui déjà déroule ses anneaux jusqu'à quelques 1000 m. Des jalons rouges et blancs se dressent sur le sol bouleversé.

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Un homme pioche, un autre pousse une brouette, un troisième taille la pierre. Les bruits de leur travail ne dépassent guère leur chantier sauf quand leurs mines font retentir toute la montagne. Derrière eux, le silence reprendra, une fois leurs travaux terminés et bientôt les blessures de la route ne se remarqueront plus : la voie nouvelle sera incorporée au paysage environnant.

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Des chantiers pareils à celui-ci, il y en eut des dizaines dans le canton du Valais, où le réseau des nouvelles routes prévues sera d'environ 300 km. Actuellement plusieurs de ses voies de communication sont achevées ; d'autres ne sont faites que partiellement ; sur d'autres encore à peine commencées, les travaux sont activement poussés, malgré certaines difficultés d'ordre financier.

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Enquêtant sur cette œuvre considérable dont Maurice Troillet chef du Département de l'Intérieur du canton du Valais est le promoteur, j'ai suivi quelques-unes de ces routes : celles qui complètent le réseau du Val de Bagnes, celle du Val d'Hérémence qui conduit au grand barrage de la Dixence, le ruban poudreux qui se déroule normalement de Vissoie à Saint-Luc, la route de Salvan qui passe sur les gorges du Trient, et d’autres encore, des hauteurs ensoleillées de Brigue, de Sierre ou de Sion.

La construction de ces nouvelles routes relève du programme général que le gouvernement réalise depuis plus de 20 ans pour le développement du Valais. Se rattachant à cet ensemble de mesures qui qui tentent toutes à donner aux paysans valaisans une situation meilleure, elles n'ont pas pour but le développement du tourisme mais sont considérées comme des améliorations foncières dans le sens plus large du mot.

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Cependant quelques-unes de ces routes nouvelles, celle de Salvan, de Verbier de Fionnay ou de Saint-Luc par exemple, celles aussi des vallées de Binn, de Saas, de Saint-Nicolas et de Loetschen, ouvrent au tourisme des régions difficilement accessible jusqu'ici. Leur but principal n'en reste pas moins de tirer les Montagnards de leur isolement. On peut craindre qu'avec la construction des voies d'accès le charme de certaines régions où les traditions locales s’étaient maintenues très vivantes ne disparaissent mais il faut bien se dire que si l'on s'efforce d'atteindre aujourd'hui par route le centre de chaque commune chaque village n'aura cependant pas sa voie carrossable.

Il y a longtemps que la commune d'Evolène, par exemple est relié à Sion, par la route d’Hérens et pourtant les villages de cette commune sont parmi ceux qui ont le mieux conservé leur charme pittoresque. Il suffit donc que le village principal soit relié à la plaine ; le gouvernement n'entend pas prolonger ses routes à grand frais jusqu'au moindre hameau, les mulets ne perdront pas leurs droits ; tout au plus céderont-ils la place sur les routes. Le peuple valaisan a d'ailleurs fort bien compris quel était son intérêt, quand il appuyait la nouvelle loi sur les routes.

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La dépense totale sera pourtant d'une vingtaine de millions environ les routes sont d'un coup élevé en pays montagneux. Les autorités valaisannes ont pu entreprendre leur programme grâce à l'appui de la Confédération. Il y a cependant encore un gros effort à fournir avant d'achever l’œuvre commencée.

Actuellement à côté des principales routes terminées que j'ai déjà citées, plusieurs autres ont été achevées récemment ou le seront bientôt. Celle du versant droit du Val d'Hérens dessert plusieurs villages de Bramois à Nax de Vernamiège Maze et elle arrive depuis l'an passé à Saint-Martin, la belle commune que porte un piédestal de seigles d'or des prés et d'élégants mélèzes.

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La route de la vallée de Saas est ouverte jusqu’à Saas-Balen et le sera prochainement jusqu’à Grund. Sur celles de Visperterminen de Zeneggen dans le district de Viège, on circule ainsi que sur la route qui unit à la plaine l’accueillant au village de Binn.

Ailleurs encore des chantiers s'installent et font œuvre durable : des voies nouvelles gagnent des villages haut perchés, Verbier, Vercorin, Saint-Nicolas Veysonnaz, Blatten et tant d'autres encore noms aimés de villages valaisans plus près de nous désormais.

J.-G. Martin

Sources : L’illustré du 31 octobre 1937

Photos : Kettel Genève, Stauder Zoffingue, Vaury Lausanne, Perrochet Lausanne

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  • Valérie Clerc

    Intéressante source qui montre un chantier énorme, dont nous sommes toujours aujourd'hui redevables. Pour la compléter, je recommande la lecture de l'article suivant "Constatations et réflexions d'un automobiliste, relatives à l'amélioration des routes de montagne" (1936) trouvé sur le portail E-Periodica. Voir doi.org/10.5169/seals-47598

    Longtemps, les routes de montagnes ont été le théâtre d'accidents meurtriers. Cet article du Bulletin technique de la Suisse romande, relève une année avant celui de L'Illustré une nécessité qui parraît aujourd'hui évidente: " (...) dans l'amélioration des routes de montagne il est (...) important de munir l'extérieur des courbes et tournants de barrières suffisamment hautes et bien visibles, qui ne sont certes pas très coûteuses (...). " La conquête des cimes par l'automobile va donc avoir pour répercussion une réflexion profonde sur l'aménagement des routes et leur ergonomie de conduite (barrière, revêtement de chaussée, etc.). C'est un nouveau champ qui s'ouvre dans l'ingénérie des transports.

    En regardant la photo de couverture de votre récit, on remarque, me semble-t-il l'absence de barrière dans les virages (il y en a ailleurs). Ce qui répond aux l'inquiétudes de R. GIANELLA, ingénieur cantonal du Tessin et signataire de l'article du Bulletin technique romand.

Yannik Plomb
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18 octobre 2023
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