Wolfgang Amadeus MOZART, Concerto pour piano No 21, KV 467, Robert CASADESUS, ONRDF, Lovro von MATACIC, 1960, Montreux
Wolfgang Amadeus MOZART, Concerto pour piano No 21, KV 467, Robert CASADESUS, ONRDF, Lovro von MATACIC, 1960, Montreux
Mozart composa ce concerto en 1785. C'est un oeuvre pleine de calme et de majesté, très différente du concerto en ré mineur, KV 466, dont Mozart avait terminé la composition quelques semaines auparavant. Cette grande différence de style entre deux oeuvres de la même période n'est toutefois pas inhabituelle dans les oeuvres de Mozart. Le concerto KV 467 fut achevé le 9 mars 1785 (date à laquelle Mozart l’a inscrit dans le catalogue de ses oeuvres) et donné imédiatement en première audition: il existe une annonce pour un concert donné le 10 mars 1785, «où doit être exécuté un concerto pour le piano forte nouvellement achevé».
Une courte description citée d'un texte de Paul Badura-Skoda publié en 2015 dans le livret du CD Gramola 20638:
"[...] Ce concerto a la perfection du cristal. Le thème principal et le thème secondaire, le principe masculin et le principe féminin, s’accordent d’une façon éclatante, comme un couple idéal: le thème secondaire pourrait sans effort se combiner en contrepoint avec le thème principal! En laissant s’écouler près de quatre minutes avant l’entrée du thème secondaire, Mozart use d’un artifice qu’il a déjà employé dans des concertos précédents. Mais quand il introduit, avant ce second thème, deux sujets mélodiques distincts du thème principal et qui pourraient donc passer pour le thème secondaire, c´est presque une tentative de diversion. Le second de ces motifs, en mineur, est remarquable, son début préfigure le 3e Concerto pour piano de Beethoven, et son développement se retrouve note à note au début de la Symphonie en sol mineur composée trois ans plus tard. Pourquoi cette digression dans le domaine sombre, triste du mineur? Sans elle, sans ces corps apparemment étrangers, tout irait trop bien, tout serait trop lisse, mais avec ce fonds de sombre folie, le second thème tranche, dès son entrée, par sa clarté. C’est en même temps une justification interne pour l’épisode en mineur du développement. Nouvelle surprise: l’introduction dans le développement d’un nouveau motif mélodique en mineur, une plainte qui nous fait pressentir Chopin. Parachèvement formel: c’est le thème du début qui conclut le mouvement.
Le deuxième mouvement est devenu mondialement célèbre car il a servi de musique d’accompagnement au film Elvira Madigan; le succès de cette histoire d’amour fut tel que des spectateurs demandaient à acheter le disque du «Concerto Elvira Madigan»! Mais ce succès est à double tranchant: réjouissant bien sûr, mais aussi regrettable, car cet Andante qui doit s’écouler paisiblement était, dans la bande son du film, tiré en longueur d’une façon tellement désespérée, que si l’on s’avise maintenant de le jouer dans le tempo correct, on se voit le plus souvent qualifié de «froid et insensible». L’indication C barré (Alla breve), portée de la main même de Mozart, ne laisse pourtant guère de doute – tout comme ce qu’il déclare auparavant dans une lettre au sujet des mouvements centraux de ses Concertos – c’est une rêverie, une Träumerei, qui me fait l’effet d’une danse sereine, hors du temps. Ce mouvement semble avoir vibré avant même la première note et continue de résonner dans notre âme après sa dernière note, la pantomime inventée par le mime Marcel Marceau dans La Création du Monde est pour moi inoubliable! Les dissonances audacieuses, «douloureuses» du deuxième motif font l’effet d’une réminiscence du Quatuor en ut majeur KV 465, «les Dissonances», achevé deux mois avant.
Le troisième mouvement, un rondo-sonate pétillant, virtuose, retrouve l’humeur enjouée du premier mouvement en l’intensifiant jusqu’à une gaîté franchement exubérante que n’arrivent pas à troubler sérieusement les harmonies sous-jacentes en mineur – mais ce ne serait pas du Mozart s’il n’y en avait pas.
Il reste à signaler que l’orchestre a ici un rôle plus important que celui d’un simple accompagnateur: il existe un dialogue permanent entre le piano solo et les cordes ou les vents, qui eux aussi, souvent, dialoguent entre eux. Et n’oublions pas que, chez Mozart, se tisse naturellement entre les thèmes des trois mouvements un réseau de parenté plus ou moins manifeste ou dissimulée. [...]"
Le concert donné le 23 septembre 1960 au Festival de Montreux, avec Robert Casadesus en soliste, Lovro von Matacic dirigeant l'Orchestre National de la RadioDiffusion Française, fut diffusé sur France II le 26 septembre 1960, de 20h05 à 21h45 ; sur Sottens, il fut diffusé le 30 octobre 1960 de 17h à 18h25 (sans l'oeuvre de Vivaldi).
Le compte-rendu d'Henri Jaton publié le surlendemain dans la Tribune de Lausanne en page 17:
"[...] Au Septembre Musical de Montreux, Matacic et Casadesus triomphent.
Le chef qui intervenait, vendredi soir, pour la première fois au podium.de la grande salle des concerts montreusienne, n’était tout de même pas pour nous un inconnu. En effet, Lovro von Matacic, yougoslave de naissance, poursuit depuis de nombreuses années déjà, une brillante carrière. Il conduisait naguère, avec infiniment de succès, les représentations de «Lohengrin» à Bayreuth, tandis qu’en 1958, son interprétation de la «IXe Symphonie» d’Anton Bruckner, au Festival de Lucerne, fut unanimement remarquée. (Soulignons, en passant, que ce sera précisément une symphonie de Bruckner — la «IVe, dite la Romantique» —- que Matacic a inscrite au programme du concert qu’il dirigera cet hiver, à la tête de l’Orchestre de la Suisse romande).
S’il me. fallait définir l’art personnel de Lovro von Matacic, je serais contraint d’avouer qu’il échappe à l’orthodoxie traditionnelle de la direction d’orchestre. Sachant à qui il s’adresse - il s’agissait vendredi du «National» de Paris- Lovro von Matacic laisse une très grande liberté à l’orchestre, se bornant à désigner l’ordonnance d’une progression, la netteté des contrastes, et par-dessus tout les accents rythmiques d’une exécution qui, par ses soins, est animée d’une vie intense.
C’est en cela que me semble résider la manière authentique d’un chef qui, dès son apparition à l’estrade, exprima clairement ce qu’il voulait, sans pour autant céder à la contrainte d’une gestique trop rigoureusement établie.
Et cette façon de faire de Matacic nous amenait une fois de plus à cette certitude que le métier d’un chef ne saurait suppléer à cette conviction intérieure, à ce rayonnement indéfinissable qui est bien seul à pouvoir porter son influence sur un ensemble instrumental, dont on pourrait imaginer que la profusion des concerts auxquels il est associé émousse, à la longue, les ressources de sa sensibilité et neutralise les motifs de sa conviction.
Dans le cas du «National», il est vrai, toute garantie nous est donnée à ce sujet. À vrai dire, je n’ai jamais entendu de la belle formation symphonique parisienne, une exécution indifférente. Certaines de ses traductions, plus que d’autres peut-être, ont emporté notre adhésion totale. Mais, j’inscrirai au bénéfice des instrumentistes français cette faculté infiniment séduisante qu’ils détiennent d’oeuvrer toujours avec autant d’aisance que de musicalité, sans que leur comportement trahisse, de quelque manière que ce soit, qu’il s’agit là d’un service commandé...
«Ce fut notre plus grande joie, me disait l’un d’eux, de jouer à Montreux sous la direction de plusieurs grands chefs de notre époque. À leur contact, nous avons beaucoup appris...» Et dans le cours de cette conversation impromptue, les noms de Cluytens, de Krips, de Matacic... étaient tout naturellement évoqués...
L’intensité particulière que Lovro von Matacic communique au discours instrumental représentait la vertu indispensable que réclame un ouvrage de passion et de bravoure, tel que la «Ve Symphonie» de Tchaïkovsky. Visiblement désireux de ne point céder aux concessions faciles que peut susciter ce genre de musique, Matacic m’est apparu, raidissant volontairement son attitude, ainsi dans les mesures terminales du 1er mouvement de la symphonie, qu’il exposa sans consentir au moindre «ritardando», et en délaissant le «diminuendo» traditionnel et le «point d’orgue» sur lesquels la plupart des chefs portent l’accent.
Dans son ensemble, l’exécution de la «Ve Symphonie» de Tchaïkovsky eut vraiment grande allure, atteignant à son point culminant dans l’ultime exposé du thème du «final» dont je n’ai point souvenir de l’avoir jamais entendu déclamé avec autant de noblesse et de grandeur.
Tandis que les cordes de «l’Orchestre national» nous rappelaient leurs remarquables ressources sonores et leur remarquable fusion dans l’interprétation du «Concerto grosso en ré mineur» de Vivaldi, Robert Casadesus, de son côté, nous définissait sa notion parfaite du style mozartien dans une exécution admirable, à tous égards, du «Concerto en do majeur K.V. 467».
On connaît la transparence du jeu de Robert Casadesus et le raffinement de son toucher. Ces qualités qui lui sont propres nous valurent la traduction exemplaire que nous pouvions attendre de lui, et dans la réalisation de laquelle Lovro von. Matacic et l’Orchestre apportèrent une contribution toute de délicatesse et de netteté.
Reprenant la coutume instaurée au concert précédent, Matacic et Casadesus voulurent bien céder à d’unanimes sollicitations en rejouant .le «final» du «Concerto». Succès triomphal pour le chef et le soliste, en ce onzième concert... et brillante réussite du «National», dans laquelle seule une légère distraction du clarinettiste-solo nous procura un instant d’improvisation et de fantaisie
Je n’aurai garde d’oublier de mentionner les chefs de pupitre des 1er et 2e violons et des violoncelles, qui réalisèrent le «Concertino» du «Concerto grosso» de Vivaldi avec autant de maîtrise que de goût. [...]"
Wolfgang Amadeus Mozart, Concerto pour piano No 21 en ut majeur, KV 467, Robert Casadesus, Orchestre National de la RadioDiffusion française, Lovro von Matacic, 23 septembre 1960, Festival de Montreux
1. Allegro maestoso.........................................................13:57 (-> 13:57)
2. Andante.......................................................................07:19 (-> 21:16)
3. Allegro vivace assai.....................................................06:07 (-> 27:23)
Provenance: Radiodiffusion
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