Article de la revue du Club Alpin Suisse 1980 Origine de la race bovine d'Hérens
J'ai trouvé cet article dans mes archives (il était tiré du net et c'est certainement pour cela que le scan était mal corrigé, car le programme iris de l'époque n'était pas aussi performant que les actuels), et je voulait l'envoyer à Monsieur Jean-Yves Gabbud qui à écrit de beaux articles sur cette race de bovins, et je me suis dit que cela intéresserait peut-être d'autres personnes même s'il est très orienté " langage scientifique".
Je met le document tel-quel car je n'ai pas les connaissances nécessaires pour le corriger.
Origine de la race bovine d'Hérens
Max Liniger, La Chaux YD
Publiés dans la revue les alpes 1980 du club alpin suisse (CAS)
( Eringerrind - bos brachycephalus ) Parmi les études qui ont paru depuis plus de cent ans sur les diverses races bovines de Suisse, le cas de la brune de Schwytz et de la race noire d' Hérens mérite une attention particulière pour les passionnés de montagne et d' histoire. Toutes deux, ces races different nettement des tachetées du Plateau ( bos jrontosus ) ou du bétail de Frise et de Hollande descendant en ligne directe de l'Au ( bos primogenius ). La brune helvétique semble se rattacher à l' Urus ( bos brachyceros ), le « Torfrind » élevé par les populations dites lacustres. Le bovin noir d' Hérens ( Eringerrind ), localisé en Valais méridional, dans les environs de Chamonix et au val d' Abondance ( dépendance de l' Abbaye de St-Maurice jusqu' en 1108 ), aurait une origine distincte que nous allons tenter d' éclaircir.
En 1875, M. Wilkens baptisa la vache d' Hérens, bos brachycephalus Wilkens, par opposition au bos brachyceros qu' est la brune de Schwytz. C' est en 1884 que parut un curieux ouvrage du professeur Kaltenegger, intitulé Bétail à cornes ibérique dans les Alpes suisses et le Tyrol. Selon Kaltenegger, le cœur du pays de la race noire se situerait dans la région de Zermatt, alors qu' en Anniviers et au val d' Hérens il y aurait eu métissage avec les races savoyarde et piémontaise qui occupent le pourtour du Mont Blanc. La vache d' Hérens serait venue en Helvétie aux époques préhistoriques grâce aux ibéres. Wilkens, « Die Rindviehrassc des Walliser Eringerthales ». Landwirtschaftliches Wochenblatt, 47, 48, 50. Vienne, 1875; Kaltenegger, E., Iberisches Hornvieh in den Schweizeralpen und im Tyrol. Mitteilungen der Anthropologischen Gesellschaft, XVIII. Vienne, 1884. Cf. aussi Baumgartner, R., « Die Schweizerischen Rindviehrassen ». Schweizerischer Landwirt-schaftlicher Verein. Solcurc, 1872.
Les populations ibères, premières à avoir habité la région des Alpes occidentales.
Ces Ibères seraient en fait originaires de la région des sources du Nil, et leurs bovins auraient des formes proches de l' ancienne race égyptienne Apis que l'on rencontre en Andalousie ( taureaux de combat ), et selon Kaltenegger également au Cordofan, en Egypte méridionale. Ces assertions seront reprises en 1885 dans les Alpes, ( und Milchwirtschaftliche Monatsblätter ), ou le rédacteur en chef R. Schatzmann, tout en démarquant aveuglément Kaltenegger, ajoute les affirmations du professeur Rütimeyer, de Bâle, qui voit également une origine préhistorique et nord-africaine au bos brachyceros, soulignant que c' est avec plaisir que l'on suit les débats animés entre les divers savants. Dans une étude sur la race brune de Schwytz ( ou des Grisons ), W. Engeler donne le bos brachyceros comme originaire d' Asie occidentale, reprenant les dires d' auteurs anciens. C. Keller, à la suite de voyages en Afrique du Nord, verra chez le bos brachyceros une origine nubienne et somalienne ( comme chez le chat, le chien et l' âne ), mais sans rapport avec le zébu. De l' avis de Durst, on trouverait actuellement en Uganda des descendants du bos brachyceros, bœuf sans cornes des palafittes, mais quelque peu atrophié. Quant à Baumgartner, il devait affirmer, dès 1872, que la vache d' Hérens n' avait pas de rapport avec les autres races suisses, donc notamment avec le bos brachyceros.
Dans son Histoire des animaux domestiques suisses 2 Schatzmann, R., « Zur Geschichte des Eringer Viehs im Kanton Wallis ». Alp und Milchwirtschaftliche Monatsbtälter, XIX, 5. Aarau, 8 mai 1885, pp. 65-70. Cf. encore Engeler, W., Das Schweizerische Braunvieh. Frauenfeld, 1947. pp. 15-17; Rütimeyer, Das Vieh Graubündens und seine Beziehung zur braehyce-phalen Urtasse. Berne, 1904, p. lo; Keller, C, « Les éléments africains parmi les animaux domestiques de I' Europe ». Archives des sciences physiques et naturelles. CHI. 5. Genève, 1898, pp. 54-67; Durst, J. U., « Note sur quelques bovidés préhistoriques ». L' anthropologie, XL Paris, igoo, pp. 129-158, 655-656; Vincke, Fr., Die Rinderzucht im alten Italien. Diss. Giessen, 1931, pp. 17-18, 25; Krämer, H., Die Haustierfunde von Vindonissa. Diss. Zurich. Genève, 1899. Pacher, Das Duxenrind im Tyrol und seine Beziehung zur Eringerrasse im Wallis. Diss. Graz, 1926.
( igig ), C. Keller fera de la vache d' Hérens ( bos brachycephalus ) une race hautement sélectionnée dans la région de Bologne à I' époque de l' âge du bronze, et qui serait venue dans les Alpes à la suite de la conquête de l' Helvétie par les Romains. La thèse de C. Keller est appuyée par Pacher qui, de plus, montre par ses recherches que les essais de métissage du Duxenrind du Tyrol ( qui est actuellement en extinction ) et de la race d' Hérens, les comparaisons des mesures aussi, prouvent qu' il s' agirait d' une seule et même race. Il est un fait qu' on a importé en Valais des taureaux d' élevage Duxer ( notamment à Châteauneuf ). Schlaginhaufen s' est rallié à cette opinion a qui fait descendre la race d' Hérens du bos brachycephalus apporté par les Romains, avis que l'on retrouve aussi sous la plume du linguiste Gauchat, qui se réfère à H. Krämer.
Les tenants de cette thèse se fondent sur le fait qu' on ne trouve de restes de bos brachycephalus que dans les gisements romains, ce qui confirmerait son origine italienne. En effet, alors qu' on commit naguère l' erreur de considérer la brachycéphalie bovine d' origine celtique, il semblerait certain aujourd' hui que le bos brachycephalus est une race originelle ( Wilkens ). Les recherches de H. Krämer ont montré dès la fin du siècle dernier que brachyceros et brachycephalus sont des races sélectionnées dans la péninsule italienne. La patrie de la vache brune est principalement la Campanie, la Ligurie et l' Apennin, tandis que pour la race noire d' Hé on signale l' Etrurie, l' Ombrie et le Latium ( notamment les monts Sabins ). De l' avis de Krämer, les Romains seraient responsables de la sélection du bos brachycephalus, mais il semble que cette race ait pénétré dans les Alpes avant les Romains et probablement même avant l' arrivée des Celtes, peut-être par les soins des Etrusques ou des Liguriens, Schlaginhaul' en, O., « Menschentypen und Rindrassen in ihrer geographischen Verteilung in der Schweiz ». Yìerteijah schrijt der .Naturjorscheriden ( ìesellsehajt in üneft, 104. Zuriet 27juin 1959, 275' 2 Gauchat, L. « Sprachgeschichte Alpenüberganges ( Furka-Oberalp ) ». Archiv für Studium dt neueren Sprachen. 1 1 7. Braunschweig, K)o(>, p..
Les recherches effectuées par Krämer à Avenches, où des restes de bos brachycephalus ont été mis à jour, permettent de tirer une série de conclusions:
1. on ne trouve pas de bos brachycephalus chez les palafittes anciens 4;
2. on rencontre le bos brachycephalus dans les dépôts de l' âge du bronze;
3. ces deux constatations font que l' arrivée des premiers bos brachycephalus doit se situer probablement avant celle des Celtes;
4. le fait que le bos brachycephalus ne peut pas être retrouvé avant l' âge du bronze montre qu' il a été importé, probablement du sud, car, explique Krämer:
5. la provenance italienne est attestée sans doute possible par la répartition des brachycéphales actuels. Tout comme la chèvre romaine à grandes cornes peut être trouvée le long des roules romaines principales, le Bos brachycephalus s' est répandu en Valais, dans les Alpes autrichiennes, via le Septimer et le Julier, par les cols rhétiques dans la vallée de l' Inn. Au val d' Hérens à l' ouest, dans les Duxertal et illertal à l'est, le vieux type romain s' est maintenu jusqu' à nos jours. Un regard sur la situation géographique de ces vallées confère à cette thèse le crédit de l' évidence ( p. 25 ).
Il est fort probable que les voies romaines citées par Krämer se sont implantées sur d' anciens tracés; dès avant l' expansion des Latins, ces routes ont permis des échanges de populations et d' espèces animales et végétales. La parenté des manifestations humaines, présente dans le gisement néolithique du Petit Chasseur, en Valais ( Sion ), avec des sites du Val d' Aoste et, plus loin, de Corse, de Sardaigne, voire du Caucase, témoigne de ces anciens contacts transalpins.
* Les études du professeur M.R. Sauter sur le néolithique valaisan montrent notamment que les stations de St-Léonard I et II étaient occupées par des éleveurs de petit bétail, probablement aussi agriculteurs, niais pas chasseurs. On n' y a pas découvert de traces de gros bétail. Sauter, M.R., « Le néolithique moyen du Valais et ses relations circum-alpincs ». Bulletin d' Etudes préhistoriques alpines. Numéro unique, 1968-1969. Aoste, 1969, pp. 46-54.
On a cependant voulu fournir encore une troisième théorie. En 1924, L. Adametz, dans un mensuel agricole suisse, dit que la race d' Hérens n' est pas une race à part, affirmant qu' il s' agit plutôt pour ce bos brachycephalus d' une race formée sur place en partant du bos brachyceros ( Schwytz ), la même idée étant défendue également par Rütimeyer et Studer\ On sait que le bovin brun de Schwytz est en sorte le prolongement de Y Urus dont les restes ont été retrouvés dans les gisements palafittes de l' Europe centrale, et notamment du Plateau suisse. Affirmant qu' Urus n' est pas une race à proprement parler ( à en croire Lavioso Zambotti ), les C. Keller, K. Gutzwiller et W. Engeler optent pour l' origine lacustre de la race d' Hérens, supposant un éventuel métissage avec le Bos primogenius, c'est-à-dire l' aurochs. Chose curieuse, les gisements lacustres ( en fait, de rives lacustres ) ne montrent que des os isolés, jamais de squelettes entiers. Sûrement que l'on élevait les bêtes dans des régions les plus élevées pour les utiliser ailleurs. Ces idées sont confirmées par K. Herscheler et E. Kuhn dans Urgeschichte der Schweiz, de 1946. Il s' agissait donc de bovins de montagne amenés en plaine pour la consommation. C'est là qu' intervient la thèse soutenue notamment par K. Gutzwiller: que les palafittes étaient en fait le séjour des nomades de montagne, ceux qu' Arbois de Joubainville disait être les Ligures. Les vestiges préhistoriques trouvés dans la s Adamilz, L., « l'ber das Kringer Rind in der Schweiz, seine Herkunft und seine Stellung zur sogenannten Brachycephahe f Kurzköpfigkeity ». Schweizerische Landwirtschaftliche Mona/she/le. 7, 8. Bümpliz, 1924, pp. 155-156, 180-184. Cf. encore Laviosa Zamboui, P., Les origines de la diffusion de la cirilisa-tmn. Paris. 194Q: Keller, C, Geschichte der Schweizerischen Haus-tierwell. Frauenfeld. 1919, p. 16; Gutzwiller, K., « Die Alpen-wirtsehaft il m der Urzeit ». Les Alpes. Revue du Club alpin suisse. XIII. Berne, 1937, p. 98; Gutzwiller, K.. « Wcidcrcvicr der Vorzeit. Alteste Besiedlung und Histeiikultur ». Let Alpes, XXIV. Berne, 1948, pp.436, 439.
. ' ' Hersehclcr, K., Kuhn, E., « Die Tierwelt », in l rgiciclite der Schweiz, de I Schumi, O., Frauenfeld. 1949, pp.298; Arbois de Joubainville, Les premiers habitants de l' Europe, I. Paris, 1889.
zone des mayens témoignent d'une occupation prolongée et valent bien ceux des stations de plaine. Mais il reste que ce bétail n'est pas né en Suisse même et qu' il a suivi les migrations humaines. Quant à l'origine exacte des populations ayant introduit le bos brachyceros ( Schwytz ), rien n' est encore sûr. Toujours est-il que le bps brachyceros a ses descendants surtout dans les Alpes centrales. En fait, en se fondant sur H.U. Rubel, on peut dire que la séparation entre la Schwytzoise et la vache d' Hérens s' est faite par la pénétration de la tachetée ( bos frontosus ), probablement d' origine burgonde, de sorte que l'on peut comparer limites linguistiques et frontières entre races bovines: la germanisation du Haut-Valais se situe sur la ligne Coblence - sud de Brigue, occupée par la vache brune, à l' ouest de cette ligne vivant la tachetée suisse, à l' exception du Valais, de Sierre à Martigny, où vit la race d' Hérens:
Le domaine valaisan de la race tachetée, domaine qui s'étend de la vallée de Lotschen à fermait, constitue une expansion, ancienne sans doute, du domaine occupé par cette race au nord des Alpes bernoises, expansion qui, au moment où elle s' est effectuée, à séparé si radicalement la zone propre à la race d' Hérens de celle de la race brune que, dans les siècles qui suivirent, la race d' Hérens en arriva à se distinguer somatiquement du groupe oriental. En d' au termes, ce domaine valaisan de la vache tachetée, qui ne peut provenir que du nord, a dû pénétrer en Valais par le col du Lötschen: d' où présomption que ce type de bétail a été amené par des colonisateurs qui suivirent le même chemin, un chemin axé sur une ligne Lotschenpass - Vïege - Zermatt - col du Théodule, qui constituait, antérieurement au XVIIe siècle, et antérieurement à l' utilisation du col du Simplon, une route commerciale unissant le nord des Alpes à la plaine du Pô.
Collana, J., Contribution à l' élude des origines, de l' histoire et des caractères crâniens du bétail bovin tacheté suisse. Thèse. Polytechni-cum Zurich. Berne. 1928, p. 14; Rubel, H.I ., op.cit.
* Aebischer, P., « La christianisation du Valais à la lumière de quelques faits linguistiques ». Vallesia. XVII. Sion, 1962, pp.'205 206. L’intrusion de l' allemand au cœur du monde romain alpin n' a pas provoque seulement une différenciation entre bovins issus d' un même tronc, mais aussi la différenciation. Il est donc fort possible que, à l' origine, bos brachyceros et bos brachycephalus aient appartenu à un même tronc. Les différences ont très bien pu s'accentuer grâce à la sélection opérée par les moines du couvent bénédictin d' Einsiedeln. Il se fera au Moyen-Age un commerce important de bos brachyceros avec l' Italie du Nord. La brachycéphalie de ce bovin aurait été accentuée après apport tardif du bos brachycephalus par les Walser, au XIVe siècle. Il semble bien qu' à l' origine le bos brachyceros était le bovin des gens de race alpine. Alors qu' à l' âge du bronze il est encore présent dans la région de Genève ( couches gauloises ), voir à l' époque romaine, aujourd'hui ce bovin brun est localisé dans une zone où l'on trouve, selon Schlaginhaufen, une prédominance de personnes blondes, brachycéphales, à visage long. Bien que brachycéphales, il ne s' agit donc pas des mêmes gens qu' en Valais méridional où l'on rencontre surtout des bruns ( il est vrai mêlés de blonds ). Tant les bos bra- entre le franco-provençal du Valais et le romanche, avec pourtant des éléments communs, tel le phonème du son guttural final k.
.'Sauter, M.R.. Suisse préhistorique. Neuchâtel. 1977. p. 176; Dumont. R., « Le système pastoral du Val d' Anni ». Bulletin de la Murithienne, LXX. St-Maurice, 1953, pp. 62-76 ( repris de Economie agricole dans le monde. Etudes politiques, économiques et sociales, IX. Paris, 1954. Les Gaulois de l' époque de la Tene faisaient certainement appel à des bo- chycephalus que leurs propriétaires valaisans semblent constituer un monde à part. Que le bos brachycephalus soit parvenu dans ces régions avant les Romains ou par leurs soins, il est une certitude, c' est qu' avec leur départ la vache d' Hérens disparaît du Plateau helvétique, son seul repaire restant quelques vallées méridionales du Valais. Cette localisation restreinte semble coïncider avec la persistance celtique en Valais, plus longue que sur le Plateau, ainsi que l' a démontré récemment M.R. Sauter. Pourtant, l' agriculture anniviarde notamment, à en croire R. Dumont, s' opposerait nettement au système celtique9. Un point qui reste à éclaircir. Ce qui semble probable, c' est que les restes du bos brachycephalus trouvés sur le Plateau suisse provenaient des hauts pâturages alpins, où les populations locales les élevaient; au même titre que les Romains dans la péninsule italienne, on utilisait ces bovins de montagne pour l' amélioration du bétail de plaine.
vins autochtones. Preuve en est cette tête de taureau, élément d' une sculpture monumentale -datant du II siècle-déterrée dans la région de Martigny ( l' ancien Octodure ), et qui présente le type parfait de la race d' Hérens élevée actuellement, avec une forte ressemblance avec un crâne de bovin trouvé en Italie ( Marzobotto ), ainsi que toute une série de dessins figurant sur des vases étrusques. A signaler la découverte d' une tête de bison mentionnée par le Nouvelliste valaisan, XXXIX, 8. Sion, 11 janvier 1942, p. 2.
Eh oui, c'était Pierre Vaney, de Lausanne, qui était le rédacteur romand de la revue "Les Alpes", qui a fait passer cet article. En 1980-82 j'étais le prépose aux publications dans le Comité Central du CAS . Je devais donc vérifier et approuver les épreuves de toutes les publications dans "Les alpes" et donner le bon à tirer. Je ne me souviens pas des détails, mais je pourrais retrouver l'article. Qui se trouve toutefois dans mes archives aux Grisons et il faudra un certain temps pour le retrouver....