Assassinat au Col de Torrent

30 juillet 1863
Nouvelliste vaudois 31 juillet 1863
Yannik Plomb

VALAIS.

La Gazette du Valais confirme à peu de chose près les renseignements publiés hier sur le double et horrible assassinat commis sur le col du Torrent. Des informations données par le malheureux guide, transporté à Sierre le lendemain de l’attentat, il résulterait que c’est à la descente du col que retentit la première détonation d’arme feu ; le touriste se retourne et voit pâlir et chanceler le guide, qui son tour remarque que le premier est blessé la même balle après avoir traversé la poitrine du guide vers l’épaule avait atteint l’étranger. Celui-ci prend la fuite ; en même temps le guide reçoit un second coup de feu, tombe et voit son meurtrier s’élancer la poursuite du voyageur.

Etendu par terre et baigné dans son sang le guide Péter, après quelques instants, est rejoint par le bandit, qui le dépouille de la valise du touriste et menace d’abord de l’achever ; mais, touché par les supplications de la victime, l’assassin la soulève, la soutient, lui aide remonter le col et la conduit jusque sur le versant opposé où il lui offre de l’argent et se refuse aller plus loin. Le guide repousse cet argent en disant qu’il n’en pas besoin, vu qu’il va mourir, et se traîne aussi loin qu’il peut. Cependant, ses gémissements sont entendus par de petits bergers, qui courent avertir les habitants du village le plus voisin, et Péter est amené dans un chalet où il passe la nuit et reçoit les premiers soins.

Vendredi matin, une dizaine d’hommes armés sont partis d’un village d’Anniviers pour faire une première battue dans les montagnes et aller à la recherche de l’infortuné voyageur, qu’ils ont trouvé sans vie sur le territoire de la commune d’Evolène. Deux hommes restèrent auprès du corps, et le lendemain un membre du tribunal du district d’Hérens et un médecin se sont rendus sur les lieux pour procéder aux formalités d’usage.

On n’a trouvé sur le voyageur qu’une note d’hôtel, ses lunettes et deux bagues à une main. L’une de ces bagues porte l’effigie d’un souverain. Transporté à Vissoye, le principal village de la vallée d’Anniviers, il été inhumé dans le cimetière paroissial. Cet affreux événement, qui souillé les montagnes hospitalières d’Anniviers, plongé la population entière de cette vallée dans une douleur, une consternation profonde. Immédiatement après avoir reçu un premier rapport sur cette affaire, le gouvernement a expédié des ordres aux autorités des deux districts de Sierre et d’Hérens et le jour même des fonctionnaires et des agents de police se sont mis sur divers points, à la tête des bandes armées et se sont dirigés sur les montagnes.

Les autorités de la province voisine du Piémont ont été avisées par le télégraphe. Les soupçons se portent sur un individu d’une commune rurale du district de Sion, repris de justice, et qui été en dernier lieu condamné la maison de force au mois de mai de l’année dernière pour crime de faux. A la suite de ces condamnations il s’était deux fois réfugié l’étranger; revenu en Valais depuis quelque temps, comme il n’osait habiter son village, il séjournait habituellement dans les mayens de la petite vallée de Resche (entre les vallées d’Anniviers et d’Hérens), où il infestait les habitations éparses. Deux autres individus du même village, qui avaient des relations avec cet échappé des galères et qui ont été absents de chez eux pendant la journée de jeudi dernier, ont été arrêtés dans la nuit de samedi.

Le pauvre guide, père d’une nombreuse famille qu’il entretenait par son travail, est dans un état tel que l’on désespère presque de le sauver. Chose extraordinaire! s’il ne succombe pas, il devra son salut son propre assassin car, sans l’aide de celui-ci, sa voix n’aurait pas été entendue et il eut expiré sans témoin et sans secours sur ces rochers déserts. Pour nous, organe de l’indignation publique et exprimant des sentiments qui sont dans la bouche de tout le monde, nous conjurons les autorités supérieures et les autorités locales, au nom des pleurs et du désespoir de deux familles, de redoubler d’activité, de ne négliger aucune mesure afin que les meurtriers soient découverts et n’échappent pas la sévérité des lois. Le sang qui coulé demande aux tribunaux et aux habitants du canton, une satisfaction prompte et éclatante.

Nouvelliste vaudois 31 juillet 1863

Les protagonistes de ce récit

Un voyageur hanovrien, M. Hermann Quensell conseiller de justice à la cour supérieure c’est ainsi qu’il s’est inscrit le livre des voyageurs de l’auberge-chalet de Zinal, où il passé la dernière nuit de sa vie, quittait Zinal avant-hier, de grand matin, accompagné d’un guide du village d’Ayer, Baptiste Petre; il se rendait Evolène.

L’arrestation du nommé Barthélémy Balet, déjà condamné la maison de force, et soupçonné d’être l’auteur de l’assassinat du col de Torrent.

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Yannik Plomb
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31 mars 2023
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