Mercenariat au XIXe siècle
Mercenariat du XIXe siècle
Au Canada, trois Valaisans font la guerre pour chasser les Français
Par Charly-G. Arbellay
Dans la longue tradition valaisanne du service mercenaire, on découvre des aventures passionnantes de quelques montagnards partis guerroyer à l’autre bout du monde. Pourquoi trois Valaisans se sont-ils engagés dans l’Armée britannique ? Pour une solde intéressante ? Pour voir du pays, trouver la gloire ? La réponse se trouve dans l’histoire du Québec. Les trois mercenaires ont aidé les Britanniques à combattre l’Armée française, colonisatrice du Québec. Par la suite, ils ont aussi affronté les Américains envahisseurs. Qui étaient ces aficionados, qui de 1813 à 1816, risquèrent leur vie ? Voici leurs noms :
- le major Armand Jean-Joseph de Courten, de Sierre,
- le capitaine Jean Christian Weissen (Wyssen), de Naters,
- le lieutenant Samuel Macognin de la Pierre, de St-Maurice.
Voir aussi :
Le consul Emile Henri Bovay nous apporte la réponse. Né en 1922 ce haut fonctionnaire vaudois a été en poste au Canada de 1967 à 1969, puis consul général à New-York. Il a réalisé une vaste étude sur le Canada et les Suisses de 1604 à 1974 (Edition universitaires Fribourg Suisse,1976). Le consul recense pratiquement tous les officiers suisses recrutés par Londres et qui formaient deux régiments helvétiques : celui de Louis de Watteville (1776-1826) et celui de Charles Daniel de Meuron (1781-1816). Intéressons-nous aux trois Valaisans qui faisaient partie du régiment de Watteville, en service au Canada de 1813 à 1816.
Major Armand Jean-Joseph de Courten.
Né à Sierre le 23 juin 1773, il entre, en 1801, au service de l’armée de Condé, du Piémont, d’Autriche, du régiment de Courten, puis, comme capitaine au régiment de Wattevile. En 1806 à Messine, il épouse Joséphine-Marie-Catherine Archidiacono. C’est le départ pour le Canada. Après l’attaque du Fort d’Oswego dans l’état de New-York en 1814, il est cité, à l’Ordre de l’armée. Une année plus tard, il est mis à la demi-solde pour raison de santé. En 1816, de Courten vit à Fort Pointe-Henry qui se situe sur la rive droite du fleuve St-Laurent en face de Kingston. Il assiste à la naissance de son fils Joseph-Armand Pancrace de Courten. C’est sans doute la raison pour laquelle, six mois plus tard, le 25 novembre 1816, il est de retour à Sierre avec sa femme et son enfant. Le capitaine de Courten décède le 8 mai 1851. Il avait 78 ans.
Capitaine Jean-Christian Weissen (Wyssen)
Le capitaine Jean-Christian Weissen (Wyssen), est originaire de Naters. En 1801, il entre au régiment de Watteville avec le grade d’enseigne (porte-drapeau). Cinq ans plus tard, Wyssen accède au grade de lieutenant, puis, dès 1814 à celui de capitaine. Après de graves blessures de guerre subies en 1817, il est mis au bénéfice d’une pension anglaise. Jean-Christian Wyssen revient en Valais en 1821 puis s’installe, en bon voisin, à Domodossola. Il meurt le 20 mars 1850 dans cette ville.
Lieutenant Samuel Macognin de la Pierre
Lieutenant Samuel Macognin de la Pierre est né à St-Maurice. En 1811, il a, comme Jean-Christian Weissen, le grade d’enseigne (porte-drapeau) - puis devient lieutenant l’année suivante. A Fort-Erié - une fortification britannique située en Ontario, près de Niagara, - il est blessé. Il revient en Suisse en 1821 et s’installe à Morges (VD) où il décède en 1827. Ce Macognin Delapierre était de la même famille que Maurice (1832-1907), officier au service de l’étranger, conseiller communal, conseiller d’Etat et président à trois reprises du gouvernement Valaisan, soit en 1885, 1890 et 1895. Les Macognin Delapierre n’ont pas laissé de descendant !
Mercenariat interdit
Après les nombreux massacres des soldats suisses à l’étranger, l’Etat fédéral Helvétique prononçait la dissolution des régiments suisses et l’interdiction du mercenariat. Dès lors, les veuves valaisannes eurent droit le porter un tablier de couleurs sur leur costume noir, signe d’incessants deuils familiaux !
Voir aussi
Bibliographie :
- Mélanges, société d’Histoire du Valais romand 1966 – page 310.
- Armorial Valaisan 1946, page 156.
- Le Canada et les Suisses 1604-1974 – Emile Henri Bovay, Edition universitaires Fribourg. Suisse.
Légende des photos
1. Costume de l’armée britannique lors du combat reconstitué à Fort Erié. Dr
2. Fort Erié où Samuel Macognin de la Pierre a été blessé. Dr.
3. Les blasons des trois Valaisans. Arbellay
4. Fort Oswego où Amand de Courten s’est illustré pour un fait d’arme. Dr.
5. Combat à Fort Oswego. dr
6. Fort de la Pointe Henry où Amand de Courten a vu la naissance de son fils. Dr
7. Bataille d’Oswego, évacuation d’un malade et blessé, était-ce de Courten ? Dr
8. Illustration des uniformes du régiment de Watteville. dr
Merci pour ce beau récit qui révèle toute l'étendue du mercenariat helvétique. Le Canada n'était pas la seule destination extra-européenne. Certains mercenaires sont aussi allés combattre en Asie et en Afrique, participant à la colonialisation pour le compte d'armées étrangères. En 2020, des chercheurs ont notamment retrouvés aux Archives fédérales des documents concernant le recours à des mercenaires suisses par l'armée coloniale néerlandaise.
Voici un extrait d'un article de Swiss Info: "Dans la seconde moitié du 19e siècle, l’engagement de mercenaires en Europe s’était étiolé – les jeunes Suisses combattaient désormais dans des colonies bien plus éloignées. Les Suisses étaient très appréciés par l’armée coloniale néerlandaise parce que la plupart d’entre eux disposaient déjà d’une instruction militaire de base et qu’ils étaient considérés comme de bons tireurs. Leur réputation s’est un peu ternie après une mutinerie suisse survenue en 1860 à Semarang pour protester contre les conditions de vie et de travail. Cependant, 8000 soldats suisses ont rejoint l’armée coloniale néerlandaise en Indonésie entre 1815 et la Première Guerre mondiale."
Source: swissinfo.ch/fre/culture/comme...
très intéressant ! Merci Valérie de votre réactivité.