Lettre sur le Valais
Lettre sur le Valais
Signée Joseph (Maradan Claude-François) Eschasseriaux (1753-1823), la Lettre sur le Valais a été publiée en 1806. C'est l'un des documents les plus précieux concernant le Valais de l'époque. J'ai eu la chance d'acquérir l'édition originale de cet opuscule qui compte 136 pages.
En bref
Cette lettre est une description du canton, de ses mœurs et de ses habitants. La seconde partie offre au lecteur une suite de "tableaux pittoresques du Valais". Suit une notice qui inventorie la plupart des végétaux, animaux et minéraux remarquables. Quelques notes terminent cet ouvrage.
Deux mots sur l'auteur
Chargé d'affaires dans la République du Valais (1804-1806), Eschasseriaux publie une "Lettre sur le Valais, sur les mœurs de ses habitants", dans laquelle il affirme qu'un gouvernement éclairé pourrait sortir ce pays de son isolement et de sa misère, par exemple en faisant endiguer le Rhône. [source]
Cette autre page dit encore ceci : "Le futur baron d’empire [Eschasseriaux] est un fidèle de Napoléon. Né en 1753 en Poitou-Charente dans une famille d’échevins, Joseph Échassériaux fait des études de droit et sera reçu en 1775 comme avocat au parlement de Bordeaux. Il sera une des figures de la Révolution en Charente-Inférieure. Il sera élu à l’Assemblée législative en 1791, puis à la Convention nationale en 1792. Il votera pour la mort du roi Louis XVI, puis pour la mort de Robespierre qu’il remplace au Comité de salut public.
Il soutiendra Bonaparte dans tous ses combats du consulat à l’empire. Il gérera les affaires valaisannes jusqu’en octobre 1806 lorsque Napoléon le nomme ministre plénipotentiaire dans la principauté de Lucques. Après son départ du Valais, il publie, à Paris, une Lettre sur le Valais et sur les mœurs de ses habitants. Il est remplacé par Claude-Joseph-Parfait Derville-Maléchard."
Des passages au vitriol
Ce livre contient quelques passages au vitriol qui égratignent les Valaisans, tel celui-ci [page 31 et ss, orthographe respectée] :
Mais il est, pour le Valaisan, une autre cause de son état présent, qui le presse, qui le domine, le plonge dans le découragement et l'inertie, c'est l'influence de son climat et l'affreuse maladie qu'elle produit, connue sous le nom de cretinisme , maladie terrible qui absorbe une partie de la population du Valais, et lui enlève les facultés productives du travail et de la pensée. Il y a dans le Valais deux sortes de populations et deux climats différents; la première de ces populations, habitant les montagnes et respirant un air pur, est, en général, plus saine et plus vigoureuse, mais un peu sauvage; l'autre, habitant la vallée et livrée à toutes les exhalaisons meurtrières des marais, est, en grande partie, l'espèce la plus dégradée et la plus disgraciée de la nature, et elle périroit bientôt si elle n'étoit régénérée par les alliances des étrangers et les hommes des régions supérieures.
Quel tableau, Monsieur ! il n'est point de voyageur qui, en traversant le Valais, n'ait le cœur navré à l'affligeant spectacle que présente cette population ! La tendre enfance, qui offre partout ailleurs un aspect si intéressant, si doux, fait ici reculer d'horreur ou attendrit de pitié; la vue de la vieillesse, aussi dégradée, dépouille l'imagination de tous les sentiments de respect dus à cet âge, et n'y laisse que les tristes idées de la brute; des traits hideux, informes, la stupidité, la morne tristesse signalent tous les âges de cette race infortunée; cent mille hommes dans moins d'un siècle sont frappés dans les vallées des Alpes par cette cruelle maladie, qu'aucun livre jusqu'ici n'a bien défini, que nul art n'a cherché à combattre. Non, je ne serai pas venu dans ces conditions sans jeter un cri de douleur en faveur de cette population malheureuse ! ce saint devoir m'est inspiré ; je sens que j'agrandis ma mission ! On cherche tous les jours à améliorer les races des animaux, et l'on abandonneroit ainsi les hommes ! ...
Un des premiers pas que l'Empereur des Français a fait, en montant sur le trône, a été de secourir l'humanité souffrante, de créer une commission d'hommes instruits pour détruire les contagions qui ravageoient le midi de l'Europe; n'est-ce pas aussi une espèce de contagion et un mal plus déplorable encore, que celui qui condamne pour toute la vie à la dégradation et à la nullité, tant de milliers d'hommes, dont le travail iroit accroître la prospérité générale, et le malheur que je décris ici, n'a-t-il pas droit d'intéresser aussi la puissance ...
Mais ce serait trahir l'auteur que de prétendre qu'il ne met en évidence que des aspects négatifs. En parcourant ces pages, on peut relever parfois un réel enthousiasme pour le Valais. Ce serait l'objet d'un autre article.
Contexte historique
De 1798 à 1815, le Valais vit une des époques les plus troublées de son histoire. Alors que la République des 7 dizains établie au XVIIe semblait durable, les soubresauts de la Révolution française rebattent les cartes et amènent la création de la République helvétique à laquelle sera rattaché le Valais de 1798 à 1802. Un nouveau découpage du Valais en dix dizains apparaît alors. S'ensuit une "République rhodanienne" de 1802 à 1810, à laquelle Napoléon accorde une autonomie contrôlée.
C'est durant cette période qu'Eschasseriaux écrit sa lettre.
En 1810, Napoléon, furieux du comportement des Valaisans qui ne lui obéissent pas au doigt et à l'œil, intègre le Valais dans son Empire sous le nom de Département du Simplon, avec un découpage en 13 cantons. Le Valais sera ainsi français jusqu’en 1813.
En écho
Son titre fait-il écho à la lettre du Valais écrite par Jean-Jacques Rousseau (lettre XXIII de la Nouvelle Héloïse) [voir ce document] ?
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