Hommages rendus par Genève à l'impératrice Elisabeth d'Autriche
Il est intéressant de se plonger dans le détail de la presse genevoise de l'époque. Dès l’annonce du décès de l’impératrice Elisabeth d'Autriche ("Sissi") à l’hôtel Beau-Rivage, la foule se masse devant l’édifice.
À 16h la circulation est devenue impossible. Les milliers de gens sont maintenus à distance par un cordon de gendarmerie. Dès 19h30, deux gendarmes en grande tenue et l’arme au pied montent la garde. Pendant la nuit, la foule stationne toujours devant l’hôtel : à 3 heures du matin, on compte encore 40 personnes.
À la demande de l’ambassadeur d’Autriche, il n’y a pas de drapeau en berne au Beau-Rivage, car l’impératrice y résidait incognito sous le nom de comtesse de Hohenems. Mais les hôtels voisins ont hissé le drapeau fédéral à mi-mât. Le gouvernement genevois offre une couronne décorée de rubans aux couleurs autrichiennes et genevoises, portant l’inscription "Hommage de douloureuse sympathie du peuple de Genève".
Le 12 septembre 1898, le Conseil d’État de Genève prie ses concitoyens de s’associer à une "manifestation de respectueuse sympathie envers la famille impériale et le peuple d’Autriche-Hongrie". Le cortège est composé du Conseil d’État, du Grand Conseil, des autorités judiciaires et municipales, du corps consulaire, du corps enseignant, suivis des citoyens. C'est digne et imposant.
La cloche "La Clémence" annonce le départ à 11h15 sur la place des Alpes.Toutes les cloches de la cathédrale sonnent durant le cortège. Il passe devant le Beau-Rivage par le quai du Mont-Blanc et se dirige sur la rue de Monthoux où il se dispersera.
En réalité, la masse de plusieurs milliers de personnes déborde les barrages et les forces de l’ordre doivent intervenir pour faire dégager le quai du Mont-Blanc.
Les magasins sont restés fermés et de nombreuses fenêtres arborent des drapeaux voilés de crêpe.
L’empereur François-Joseph envoie un télégramme pour témoigner sa reconnaissance : « profondément touché des sentiments de sincères condoléances exprimés de manière si chaleureuse de la part du Conseil fédéral et du peuple suisse, je les remercie du fond du cœur pour leur participation à la douleur amère dont m’abreuvent les décrets impénétrables de la Providence ».
Le 14 septembre 1898 à 8 heures a lieu la levée du corps par l’entreprise catholique de pompes funèbres, Murith Duparc & Fert établie à Genève. Le corbillard est attelé à quatre chevaux carapaçonnés de tissus brodés aux initiales d’Elisabeth, un double E entrelacé, et il est décoré aux angles de panaches de plumes noires et blanches.
Pour le trajet du cortège funèbre entre le Beau-Rivage et la gare de Cornavin, des mesures d’ordre exceptionnelles sont prises. Le quai du Mont-Blanc est évacué par la gendarmerie. Des barrières ferment toutes les rues qui y aboutissent. Une barrière est posée place de Cornavin et l’entrée de l’esplanade de la gare est interdite. Une foule estimée à 20'000 personnes se masse sur la place des Alpes et le pont du Mont-Blanc.
Le cortège composé de nombreuses voitures pour les autorités fédérales, cantonales et les dignitaires autrichiens, rejoint la gare par le quai et la rue du Mont-Blanc tandis que la Clémence et les cloches de la cathédrale sonnent à toute volée. L’attitude de la population est des plus dignes. La foule se découvre au passage du cortège funèbre. Celui-ci arrive à 8h35 à la gare de Cornavin, où l’attendent notamment les directeurs, chefs de gare et inspecteurs du Jura-Simplon. Le corbillard s’arrête devant l’entrée située entre la salle d’attente de première classe et le bureau du chef de gare, décorée de drapeaux autrichiens et genevois voilés de crêpe.
Le cercueil est porté jusqu’au quai à travers un passage spécialement aménagé par MM. Bouët et Vachoux, tapissier et fleuriste. Ce couloir garni de tentures donne accès à un portique décoré de l’aigle impérial, entouré des drapeaux autrichiens, fédéraux et genevois. Le passage est garni de nombreuses plantes vertes.
Le train spécial venu de Vienne attend sur le quai. Les membres de la cour austro-hongroise défilent devant le wagon funéraire avant de monter dans des wagons-salons accrochés au convoi. Le Conseil fédéral et les représentants des autorités genevoises se sont rangées sur le quai, tête découverte. A 9h01 le train démarre sans signal. Il traverse tout le pays jusqu'à la frontière à Buchs. Dans chaque ville, le train s'arrête brièvement, salué par les autorités qui offrent une couronne, et un membre du clergé qui bénit le cercueil. La troupe présente les armes.
Malgré l'embarras de l'assassinat d'une impératrice sur sol genevois par un anarchiste, Genève a su relever le défi d'hommages émouvants et dignes, ce qui ressort clairement des nombreux articles de presse, tant genevoise que suisse et française.
Les images de presse sont tirées de La Patrie suisse (supplément du 14 septembre 1898, Bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg) et du Monde Illustré du 17 septembre 1898 (Gallica/Bibliothèque nationale de France).
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