Jean Osouf, sculpteur, élève d'Aristide Maillol et militant durant la guerre
Enfants, lorsque nos parents nous emmenaient à Paris, nous logions souvent chez le sculpteur Jean Osouf.
Jean Osouf photographié en 1964 devant son atelier 9 rue de Bezout à Paris.
- La baigneuse bronze (0,48), d'après le modèle dont Ch. Despiau loua si hautement les qualités sculpturales et la grâce.
Mes parents ont fait la connaissance du sculpteur Jean Osouf en 1950, grâce à Robert Favarger peintre qui vivait à Paris, Robert Favarger avait rencontré Jean Osouf au musée de Cluny. Tout le monde apparait le sculpteur simplement "Osouf".
Robert et Jeanne-Marie Favarger, rue de Nevers à Paris. Les meilleurs amis de mes parents, pour moi ceux que j'aimais appeler" mes parents adoptifs vivant à Paris" tant enfant, j'aimais le peintre Robert Favarger, sa manière de vivre qui était si indépendante de ce que les Suisses étaient, si facile en contacts humains, si frôle...
Robert Favarger voir aussi http://www.notrehistoire.ch/article/view/1024/:
Osouf connaissait très bien la Suisse, plus particulièrement le Valais qu'il chérissait tant, qu'il avait acheté un chalet à St. Luc.
Lorsque nous l'avons connu il avait épousé en secondes noces Solveig, une jeune femme nordique, mannequin venu à Paris pour défiler pour le couturier Pierre Balmain. Elle était si belle, longue. fine avec des cheveux blonds qui lui tombaient sur les hanches. Ils ont eu 2 fils; Marc et Eric. A cette époque Osouf avait déjà 60 ans. Il avait été élève d'Aristide Maillol, ami proche du sculpteur Charles Despiau. Il était déjà très célèbre et reconnu internationalement. En 1950 Osouf avait acheté un chalet à St Luc, pour sa femme, le chalet porte le nom de sa femme "chalet Solveig". L'amitié qui est née entre mon père et le sculpteur a duré jusqu'à leur mort. Nos familles étaient très unies et se voyaient souvent aussi bien à Paris où vivait le sculpteur et sa famille à 19 rue Besout, qu'à St Luc au chalet Solveig dans le val d'Anniviers. Osouf venait souvent passer des séjours à Aran, il souffrait beaucoup d'artrite aux mains et se rendaient souvent en Tunisie ou en Italie pour faire des bains de boues pour ses mains; entre ces pays et Parie, il aimait venir passer quelques jours soit chez nos parents à Aran, soir chez les Favarger qui vivaient à Romanel sur Lausanne, où vit toujours leur fille Dominique, qui est une amie chère.
Jean Osouf est né le 15 juin 1898 à Vitry-le-François dans la Marne. La ruine de sa famille pendant la guerre ne lui permet pas de reprendre le négoce de vin de son père. Entreprenant et courageux, il monte alors une affaire prospère dans le commerce de toile de jute. Mais il l'abandonne rapidement pour acheter une petite librairie; qui était "La libraire d' Arthez", place de la Sorbonne, installée dans les locaux du "Crapouillot" ! Dans sa librairie place de la Sorbonne on pouvait s'instruire en lisant, avant d'acheter.
A cette période, il commence à modeler de petites figurines et, poussé par un client danois, il devient l'élève de Charles Despiau à l'Académie Scandinave. Puis, grâce à sa première femme catalane, il rencontre Aristide Maillol lors d'un séjour à Banyuls. Maillol voyant une petite terre modelée par Osouf lui dit; "..Mais, vous êtes sculpteur "
Extrait d'un article sur Maillol, Journal de Genève et Gazette de Lausanne, samedi 18, dimanche 19 mai 1996, lors d'une exposition Aristide Maillol au Musée des Beaux-Arts à Lausanne. 15 mai-22 septembre 1996. Nous y étions toute la famille Desarzens et nos amis les Favarger .
"Naiade"; terre cuite originale.
A l'âge de trente ans, il décide de se consacrer à la sculpture et cesse toute autre activité. Pour faire bouillir la marmite, Osouf enseigne à partir de 1940, remplaçant Maillol et Malfray à l'académie Ranson, située à Paris. fr.wikipedia.org/wiki/Acad%C3%...
Il est remarqué dès 1937 lors de l'Exposition universelle où on lui commande une statue de pierre d'une hauteur de 2m50, "L'Eveil", placée devant le Musée d'Art moderne àParis. Osouf a exposé en 1938 avec Albert Marquet à Amsterdam. Ses oeuvres sont alors très demandées et il doit participer à plusieurs grandes expositions internationales si bien que ses créations sont aujourd'hui présentes dans de grands musées de par le monde: Oslo, Stockholm, Copenhague, Amsterdam, New-York, Tokyo. Son succès dans les pays scandinaves est incontestable. Son exposition à la Glyptothèque de Copenhague en 1946 reste un grand moment; aujourd'hui encore, sa "Venus", une oeuvre monumentale siège toujours devant l'université des sports d'Oslo. fr.wikipedia.org/wiki/Ny_Carls...
En France sa carrière n'est pas passée inaperçue. N'a-t-il pas reçu le prix Paul-Louis Weiller de l'Institut de France en 1974 et l'ensemble de son oeuvre a été exposée, aux côtés de tableaux de Gromaire en 1960, au Château de Saint-Ouen.
Sculpteur de renommée internationale au style classique, pur et poétique, Jean Osouf (1898-1995) a apporté énormément à la sculpture de ce siècle. Un artisan de l'art français qui a été inspiré toute sa vie par l'art médiéval et son admiration pour les Cathédrales de Reims et de Chartres, Jean Osouf s'est d'abord distingué pendant la Première Guerre mondiale et a été décoré de la croix de guerre pour sa bravoure au feu. Créateur, Jean Osouf n'a jamais manqué de courage et surtout pas pendant la Seconde Guerre mondiale où il intègre le réseau franco-britannique "Jade Amical". Il se distingue comme officier de liaison de Mère Jean, supérieure des Soeurs de sainte Agonie au couvent de la rue de la Santé à Parishttps://paris-promeneurs.com/la-maison-de-sante-des-soeurs-augustines/
et parvient aussi à infiltrer "l'abwehr", le contre-espionnage allemand. Les Marnais sont orphelins d'un talent qui a su rester un homme serviable, patriote et discret comme le sont les vrais artistes. Plus tard à Paris avec Solveig Osouf, j'ai souvent rendu visite à la Mère supérieur Jean de la sainte agonie au couvant de la rue de la Santé.
Solvei était une femme magnifique cultivée et généreuse ; ma mère Louky et elle s'aimaient beaucoup. Aujourd'hui je pense, qu'elles avaient un lien comme femmes d'artistes, vie pas souvent facile à l'ombre et au service d'un grand homme!
Jean Osouf n'aimait pas le musée de la Gare d'Orsay, le jour de l'inauguration, il était invité d'honneur, j'étais chez eux à Paris, jeune et écervelée; je pensais pouvoir me rendre en sa compagnie à cette immense inauguration, mais il a refusé de s'y rendre, et nous avons passé la journée au Musée de Cluny à St. Michel et au Musée Carnavalet dans le Marais; j'ai beaucoup appris en sa compagnie. J'aimais beaucoup Jean Osouf, ce Villard qui était un géant.
Vers les années 1930, Jean Osouf a vécu dans le village de Villeneuve- sur- Fère, petit village du Tardenois, lieu de naissance de Camille Claudel. Dans ce village vivait un garçons dont le prénom était Victor. Les gens du village disaient que Victor était un enfant "simplet"; il a posé pour Jean Osouf.
Le fait que cet enfant souffrait d'un handicap sans recevoir une aide pour son développement, me touche beaucoup. A l'époque c'était souvent le sort réservés aux enfants souffrant de handicap mental. Victor, prénom que j'aime, comme Victor Desarzens, mon père. Cette sculpture est restée en plâtre jusqu'en 2009.
Je ne sais pas pourquoi Jean Osouf ne l'avait pas fait en bronze. Pour un sculpteur il y a plusieurs raisons; perte de "son" fondeur, manque d'argent, oeuvre restée dans l'atelier de l'artiste et oubliée ou mécontentement de l'artiste de son propre travail, doute. En ce qui concerne cette tête d'enfant, je pencherai plutôt pour l'oubli de l'artiste, je sais que Osouf était très attaché à ce travail. L'atelier de Osouf était rempli d'oeuvre restées en plâtre, comme souvent chez des grands sculpteurs.
Par la suite, lorsque j'ai reçu ce petit buste, je l'ai laissé en plâtre plusieurs années. Puis je l'ai fait couler en Bronze pas un ami, d'amis sculpteur...
Jean Osouf se rendait souvent en Italie pour soigner son arthrose aux mains dans les boues à Albano en Italie. Il s'arrêtait toujours quelques jours chez nous à Aran ou chez Jeanne- Marie et Robert Favarger peintre à Romanel.
- Cette photo a été prise chez les Favarger, derrière Osouf on voit la silhouette de Jeanne-Marie Favarger.
Nous nous réunissions à Aran ou chez les Favarger pour des repas très arrosés et animés autour de l'artiste qui parlait de ses amis artistes; Picasso, Matisse, Maillol, de ses engagements durant la guerre qui cachait des artistes juifs.
- photos chez Jeanne-Marie et Robert Favarger;
Coralie, petit buste, que j'ai reçu d' Osouf à la naissance de mon second fils en 1967.Ce petit buste est toujours chez moi; je le regarde avec bonheur.
En 1968, Jean Osouf a offert cette petite tête à mon père pour fêter ses 60 ans; à la mort de nos parents il a semblé normal à mes frères et soupers que cette sculpture vienne chez moi; elle est si belle.
J'ai reçu cette carte de Jean Osouf; "les diablotins" étaient mes fils Antoine et Guillaume, Isabelle ma jeune soeur et Paul mon mari.
En février 1996, âgé et malade Jean Osouf vivait à Nogent à quelques kilomètres de Paris dans une institution pour personnes âgées.
Cette institution était une ancienne maison de maître sublime pour accueillir des artistes, avec un très grand parc laissé à l'abandon comme l'intérieur de cette si belle bâtisse qui avait connu des temps meilleurs économiquement, donné par une grande famille, mais à cette époque sans plus de soutiens financiers tombée dans une extrême pauvreté et dans un état de délabrement avancé.
A cet époque, de passage à Paris, en visite chez Solveig Osouf, sa femme, je lui ai rendu visite quelques temps avant sa mort.
Lorsque je suis entrée dans sa chambre il dormait. Je me suis assise un moment, à son réveil, il m'a tout de suite reconnue et à récité des poèmes de Victor Hugo, d'Arthur Rimbaud et de Charles Baudelaire. C'est la dernière fois que j'au vu Jean Osouf.
Il n'existe aucun livre sur Jean Osouf en France, par contre les pays scandinaves ont beaucoup publié sur l'artiste. Jean Perrin, jeune historien de l'art a écrit une modeste brochure sur l'artiste en 1981, aux éditions de la Société d'Histoire et d'Art de la Brie et du Pays de Meaux, dans cet ouvrage il attribue ce fait à plusieurs facteurs ; que Osouf était indépendant de tous groupe, d'École et de salons mondains, à son obstination d'échapper aux conventions, à sa culture étrange, sortant des chemins établis par les artistes, sa conversation qui déroutait l'interlocuteur , facteurs considérés comme hors normes établis par « la chapelle » des auteurs et éditeurs d'arts de l'époque; mais tout ce que nous aimions chez ce sculpteur amis.
Cela s'explique également par la grande "humilité" de l'artiste. Jean Osouf vivait avec les siens au sens large, ses amis et les habitants du quartier de la Rue Bezout 19. Il allait chaque matin boire son café au zinc du coin.
Je choisis de mettre cet article du journal "Le Monde" sur Jean Osouf pour sa rareté. Cet article est annoté par Osouf, il me l'avait envoyé, (c'est moi qui ai écrit la date et le nom du journal en haut à droite)
A ma connaissance Jean Osouf n'a accordé que très peu d' interviews à la presse française. Artiste si célèbre et si modeste; c'est suffisamment rare pour que je vous fasse découvrir celui-ci.
Il est mort le 19 mars 1996 à l'âge de 99 ans.
Chère madame Martine Desarzens, c'est un plaisir enivrant de vous lire et de voir ces images qui elles aussi parlent... J'aime