Petite histoire du kiosque à musique de la ville de Sierre

Charly Arbellay
Charly Arbellay

Une enquête rétrospective de Charly Arbellay

Petit historique des kiosques à musique en Valais

En Valais, l'installation de kiosques à musique publics a commencé à la fin du 19e siècle. Ces structures sont principalement le résultat des initiatives des sociétés de développement. Le premier et le plus ancien est celui de Bouveret, construit sur le port marchand et le débarcadère en 1899.

Pierre-Marie Epiney
Bouveret : le kiosque à musique en 1902
Bouveret : le kiosque à musique en 1902

Puis vient celui de Sion en 1908, situé au cœur de son jardin public, derrière la statue de Catherine au nord de la Planta.

Martigny a érigé le sien en 1910 sur la place centrale, étant le premier à intégrer des toilettes publiques sous son plancher, ce qui a provoqué des plaintes des musiciens gênés par les odeurs. Il a été déplacé à la place du Manoir en 2012.

Pierre-Marie Epiney
Kiosque à musique de Martigny
Kiosque à musique de Martigny

Sierre a construit le sien en 1913 sur un terrain fourni par la Société générale des Hôtels de Sierre (Hôtel Bellevue), entraînant l'endettement de la société de développement, comme nous le verrons.

Concerts et lotos

Dès son inauguration, le kiosque à musique remporte un succès considérable grâce à son caractère innovant. Il devient un lieu social où l'on se réunit pour écouter de la musique, célébrer la fête nationale et participer au « loto du dimanche ». Une trentaine de bancs sont disposés à l'intérieur pour accueillir le public. La Gérondine organise fréquemment des concerts guinguettes ainsi que des aubades pour le Nouvel An et Pâques. Les musiciens jouent en tenue civile lors des agréables journées d'automne, parfois accompagnés par l'Echo de Chippis ou la fanfare militaire du Régiment 6 du colonel Schmidt, présente dans la région.

En 1919, une cérémonie émouvante a lieu. Tous les soldats du district de Sierre ayant servi pendant la MOB 14-18 sont décorés. Cette marque de reconnaissance patriotique, empreinte de sensibilité et d'émotion, se conclut par des libations interminables au Terminus, en face, pour la plus grande satisfaction de Louis Oggier, le propriétaire de l'hôtel.

Poisson frais

Le kiosque à musique sert également de point de rencontre lors des jours de marché. Chaque semaine, le lundi et le vendredi, un poissonnier itinérant y propose ses produits : cabillauds, colins, limandes, poissons d'eau douce... Cet homme n'est pas méticuleux. Il laisse souvent derrière lui ses emballages ou ses invendus. Cela exaspère les habitants de Gérondins qui disent : « Ce que le kiosque de Martigny et celui de Sierre ont en commun, c'est leur odeur ! » selon l'un d'entre eux.

Dette sans fin

Six ans après sa construction, la Société de développement sonne l'alarme. Contractant un emprunt pour ériger le kiosque à musique, elle peine à rembourser sa dette. L'état de guerre ayant grevé son budget, les fonds nécessaires n'ont pas été réunis. Toutefois, dans un élan de désespoir et de confusion, elle élabore une idée brillante. Le 19 septembre 1919, elle demande l'autorisation au Haut Conseil d'État du Valais d'organiser une loterie. Le succès est fulgurant : 4000 billets sont vendus et en 1920, la Feuille commerciale de Sierre annonce avec fierté que le kiosque est totalement financé.

Offert à la commune

Le pavillon octogonal continue son parcours. Cependant, confrontée à l'entretien et aux dégradations qui pèsent sur son budget, la Société de développement envisage de s'en séparer. Fatiguée de lutter, elle décide de « donner le kiosque à musique à la municipalité ». La cession se réalise en 1924. Parallèlement, le progrès technique de la radio (T.S.F.) progresse. L'érection d'un émetteur au Champ-de-l'air à Lausanne en 1923 rend possible l'écoute de la musique à la radio depuis chez soi, « car au kiosque, il fait torride en été et glacial en hiver », constate une auditrice.

La mort du kiosque à musique

Le 18 septembre 1928, la Feuille commerciale de Sierre révèle que le commerçant sierrois Louis Tonossi propose un immeuble à la construction sur un terrain lui appartenant, situé à l'angle de l'Avenue de la Gare et de la rue du Bourg. L'ère du kiosque à musique touche à sa fin. Les travaux du projet Tonossi commencent en 1930.

Témoin privilégiée, Germaine Jaccard-Oggier (1920-2020), fille de Louis Oggier et sœur d'André Oggier (1923-2019), hôtelier et nouveau propriétaire du Terminus, relate dans son ouvrage "Mes chemins de mémoire" ses souvenirs de cette époque :« En face de l'hôtel (Terminus), obstruant la vue sur le Val d'Anniviers, s'élève l'imposante construction de Louis Tonossi ; une casquette plate ornant la tête de son propriétaire. Quel dommage ! Le charmant jardin et le kiosque à musique ont cédé leur place à cet édifice. Ce n'est là que le commencement, les années suivantes transformeront davantage le paysage. »

Sur les cartes de Swisstopo de 1932, le kiosque y est encore présent. Il a disparu en 1935.

Rideau !

Bibliographie :

  • 1908 Sierre, une ville, une usine un château – Médiathèque Valais – Monographic Sierre, 2008.
  • L’ami du peuple du 18 mars 1908, 11 août 1909.
  • L’écho de Sierre, du 14 septembre 1927, du 7 avril 1928, du 1er août 1928, du 2 mars 1929.
  • Feuille commerciale de Sierre du 21 mars 1919, du 11 septembre 1919, du 19 septembre 1919, du 28 mars 1920, du 19 juin 1926, du 18 septembre 1928
  • Journal de Sierre du 31 mai 1939. Feuille d’Avis du Valais du 5 août 1924.
  • Sierre l’agréable – reflets sur le passé de Sierre – W. Schoechli, éditeur, Sierre 1978.
  • Mes chemins de mémoire – Germaine Jaccard-Oggier, édition à la carte Sierre 2000.

Voir aussi :

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  • Yannik Plomb

    Un grand bonjour, Monsieur Charly Arbellay,

    C’est avec une immense admiration et une passion renouvelée que je dévore chacune de vos publications sur notre Histoire, que Pierre-Marie Epinay a l’honneur de partager. Votre travail exceptionnel illumine de manière magistrale l’Histoire riche et fascinante de notre beau Valais.

    Quelle joie de voir cette région si chère à nos cœurs mise en lumière avec une telle finesse et précision. Récemment, nous avons séjourné à Andermatt, à l’hôtel Bergidyll, et quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que la chambre voisine, la 21, portait fièrement l’inscription : "James Bond Sean Connery 21 Goldfinger". Votre dossier, "Sean Connery au glacier du Rhône," a réanimé en nous l’ambiance unique et légendaire de cette région majestueuse de la Furka.

    Chacune de vos publications est une source inépuisable de connaissances et de plaisir. J’attends avec impatience chaque nouvelle édition, avide d'enrichir mes connaissances sur ce canton magnifique où réside une partie de ma famille. Vos récits éveillent en moi de tendres souvenirs d’enfance, notamment ceux de mon cousin, courageux conducteur du car postal des Haudères à Sion, affrontant les virages vertigineux de l’époque où l’avant ou l’arrière du car se retrouvait suspendu au-dessus du vide. Ces souvenirs sont gravés dans ma mémoire et se parent désormais des détails historiques que vous avez si généreusement partagés.

    J'ai également pris grand plaisir à lire "Petite histoire du kiosque à musique de la ville de Sierre." Vous y notez qu’en 1908, Sion a inauguré son kiosque au cœur du jardin public, derrière la statue de Catherine, au nord de la Planta. Cependant, permettez-moi de souligner un petit point d’histoire trouvé dans la Gazette du Valais, Volume 41, Numéro 42, du 25 mai 1895 :

    Sion. — Nous apprenons avec plaisir que la Société de chant le Rhonesängerbund donnera dimanche soir à 8 1/2 h. dans le kiosque du café-jardin de la Planta, un concert gratuit. En cas de mauvais temps, ce concert serait renvoyé à un autre jour qui serait ultérieurement fixé. Nous croyons savoir que parmi les productions qui seront exécutées ce soir-là figurera l'Hymne au Valais, le beau chant patriotique qui termine si bien l'opéra de Blanche de Mans, de M. Hænni, le sympathique maître de musique et directeur actuel du Rhonesängerbund et de la Sédunoise.

    Votre travail remarquable et votre contribution inestimable à la connaissance de notre canton sont des trésors que je tiens à saluer avec le plus grand respect. Vous apportez une nouvelle dimension à notre patrimoine, rendant vivant chaque détail, chaque souvenir, et faisant vibrer le cœur de chaque lecteur avec votre passion et votre savoir-faire.

    Merci infiniment pour cet incroyable travail d’archiviste et d’historien, qui résonne profondément en chacun de nous, Valaisans de cœur.

    Avec toute ma gratitude et mes salutations les plus cordiales, Yannik Plomb

    Merci à Pierre Marie pour son travail de publication

    • Pierre-Marie Epiney

      Un infini merci pour la reconnaissance du travail de fourmi et la contribution essentielle qu'offre à notre histoire Charly Arbellay. Merci Yannick de relever l'importance de ses contributions. Tu as fait allusion à ce document où Charly évoque le tournage du film « Golfinger » au col de Furka, à Réal et à Andermatt du 5 au 12 juillet 1964:

      notrehistoire.ch/entries/xXYq4...

      On espère bientôt voir ton retour sur ce site.

  • Charly-G. Arbellay

    Bonjour M. Yanick Plomb, C’est trop d’honneur que vous me faites. Je suis devenu tout rouge ! Merci beaucoup. Je lis tout ce que vous écrivez et j’apprécie votre érudition. Mais ces derniers temps vos contributions se font rares. Ne lâchez rien ! Partagez votre savoir. Vous aidez à la compréhension de ce monde qui change chaque jour. A propos du kiosque à musique de la Planta. Votre remarque est pertinente. Effectivement, un kiosque existait déjà en 1895. Mais on ne parlait pas de kiosque mais de "pavillon musical". Il se situait dans les jardins du Café de la Planta, établissement public tenu par M. et Mme Corbaz-Vollet jusqu'en 1914 et repris par M. et Mme A. Mutter-Cluser dès cette date. Il a probablement été déplacé lors du réaménagement du champ de foire-place de la Planta. La raison : la préparation de la célébration du centenaire de l’entrée du Valais dans la Confédération, (1815-1915) Un monument allait être édifié au nord de cette place. Sa réalisation a été confiée au sculpteur genevois James Vibert (né à Carouge 1872 – décédé à Plan-les-Ouates 1942) mais n’a finalement été inauguré à la fin de la guerre. Dès lors un kiosque à musique a été construit ou reconstruit au centre du jardin public, derrière la future statue de la Catherine. L’endroit était idéal pour les apéritifs, sans doute nombreux pour tous les visiteurs des vallées latérales. Mon père, née en 1917, affirmait que le prénom de Catherine avait été donné par les étudiants du collège. La Valaisanne à la corpulence généreuse ressemblait à la cantinière du collège. Une chanson humoristique a même été composée pour elle ! C’est l’un des rares monuments de la Suisse Romande dédiée à une femme et cela s’est passé en Valais en 1915 ! Autre découverte : sur une photo aérienne non datée de la ville de Sion, on remarque une forme octogonale à la Place du Midi. Elle se situait au-dessus de la Sionne, souterraine à cet endroit. Kiosque ? Toilettes ? Colonne Morris ? Cabanon de jardin ? On ne le sait pas ! On ne le saura jamais. Donc on oublie ! Amitiés. Merci à Pierre-Marie Epiney, mon excellent mentor, correcteur, metteur en page et inspirateur de mes contributions.

Pierre-Marie Epiney
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21 juillet 2024
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