Le Théâtre de la Croix d’Or
Le Théâtre de la Croix d’Or Repérage
Le Théâtre de la Croix d’Or à Vissoie à la salle des trois communes
Mon papa, Édouard Florey (1901-1985), a été membre fondateur de la société de la Croix d’Or à Vissoie en 1947. La Croix d’Or était un mouvement antialcoolique qui avait pour mission de motiver et soutenir les gens désirant s’abstenir de boire de l’alcool. En Valais cette organisation avait été créée par un marianiste qui enseignait à l’École Normale des Garçons à Sion, le professeur Gribling. Cette œuvre antialcoolique était d’obédience catholique alors que les protestants avaient la Croix Bleue.
Dès 1948 Édouard Florey organisait l’hiver sous les auspices de la Croix d’Or un théâtre à la salle des trois communes qui se situait au sommet du bâtiment en bois dans lequel se trouve actuellement la Banque cantonale du Valais. La partie supérieure dans laquelle se trouvait cette salle a été vendue en 1951 à un particulier pour être reconstruite à Montana. C’était évidemment en bois de mélèze très recherché à l’époque. En lieu et place on y a construit un appartement en bois de sapin. Pourquoi l’appelait-on la salle des trois communes ? Il faut remonter dans l’histoire du val d’Anniviers au temps où la commune de Vissoie était partagée entre les communes d’Ayer et de Grimentz de 1824 à 1904. La paroisse d’Anniviers se composait dès 1824 des communes d’Ayer-Vissoie, Grimentz-Vissoie et de St-Jean. Donc trois communes qui avaient certains biens à Vissoie, dont la salle en question, ou, comme par exemple, la forge des trois communes établie au rez-de-chaussée de l’ancienne maison du docteur, ou aussi des moulins au bord du torrent du même nom. Il y avait aussi l’institution : La justice des trois communes, car en ce temps-là il n’y avait qu’un seul juge, vice-juge et huissier pour les trois communes.
Au centre, la Maison des Trois Communes dans les années 1930. E.Gyger, collection Maurice Max Grun.
La salle permettait aux gens de Vissoie d’assister à des spectacles : théâtre, représentation de cinéma etc. Elle ne pouvait pas être chauffée et comme elle n’était pas isolée, l’hiver on souffrait terriblement du froid. Il fallait s’habiller très chaudement pour y passer un après-midi ou une soirée.
Donc en décembre 1948, Édouard Florey organisa un théâtre pour les enfants et les jeunes-gens. A l’intention des enfants il avait écrit une petite saynète mettant en exergue la Croix d’Or alors que les plus grands (jeunes-gens) interprétaient un drame et une comédie.
Les petits nains de la Croix d’Or :
Des petits garçons du village de Vissoie, âgés de 6 à 8 ans (je me souviens de quelques noms : Raymond Crettaz, Jean-Paul Florey, Nestor Epiney, Bernard Zufferey, Jean-Michel Theytaz etc.), étaient habillés en petits nains. Ils étaient équipés d’anciens instruments empruntés à la fanfare du village et « mimaient » une petite fanfare, faisant semblant de jouer d’un instrument de musique à vent, alors que cachés derrières les décors un groupe de vrais musiciens jouaient effectivement. Cela donnait vraiment l’impression que les petits nains interprétaient ces morceaux de musique. Il me souvient avoir entendu dire de la part de certaines vieilles personnes : Mon Dieu, comment Édouard a-t-il pu apprendre à ces petits enfants à jouer d’un instrument ! …
Le sujet de la saynète : Une immense, très grosse et vilaine dame représentant l’alcool louait les biens faits de la boisson. Un petit nain apparaît (c’était Bernard Zufferey) éclairé par une lanterne, il assiste à ce misérable spectacle et court effrayé chercher Blanche Neige (Marie-Noëlle Crettaz âgée de 14 ans). Celle-ci apparaît dans toute sa splendeur, maquillée avec beaucoup de finesse et de goût, vêtue d’une longue robe blanche immaculée, elle incarne la beauté, la noblesse et la sagesse. Elle était si belle ce qui fit dire à Marco Melly: Celle-ci à vingt ans elle fera des dégâts parmi les garçons du village !
La suite du récit : Blanche Neige fit immédiatement venir les 7 petits nains armés de pics (en bois, une contrefaçon) pour détruire ce monstre. Sous les coups de pic, il devint à chaque coup plus mince et finalement il s’effondra. Les nains le transportèrent hors de la scène.
Édouard avait imaginé ce personnage grand et laid de la manière suivante. Un parapluie déplié (ouvert) était recouvert d’un grand drap rouge, sur le sommet un masque au vilain visage joufflu, rougeâtre coiffé d’un foulard y était planté. Sous le parapluie, une jeune fille, (Irène Vianin), disait le texte, ventant les bienfaits de la boisson alcoolique, tout en se balançant de droite et de gauche. Lorsque les nains l’attaquaient avec leur pic, le parapluie se repliait (se refermait) petit à petit et au dernier moment avant de s’effondrer, la lumière était brusquement éteinte et Irène partait se réfugier derrière les décors et le mannequin s’affalait et s’étalait parterre.
Les nains sous la bienveillante présence de la superbe Blanche Neige, rendaient alors grâce à Dieu de la réussite de leur intervention en chantant à genoux le chant : Avant d’aller dormir sous les étoiles. Puis ils donnaient un concert avec leurs instruments de musique ! … au plus grand plaisir des spectateurs enthousiastes, parmi eux leurs parents et grands-parents.
Le papa de Marie-Noëlle (Blanche Neige) et de Raymond (un des nains), Ernest Crettaz, il travaillait pour la Crémière à Sierre (laiterie), offrit aux acteurs des Yoghourts et du lait pasteurisé. Ce geste fut fort apprécié !
Souvenir de Paul-André Florey (*1936), à l’intention de Michel Savioz, en souvenir de sa chère maman Marie-Noëlle, décédée dernièrement.
Dübendorf, le 6 août 2021
Comme je suis touché par ce beau témoignage Paul-André. Je ne connaissais pas cette histoire et mes soeurs non plus, un énorme merci. Je savais que maman avait joué le rôle de la Déesse des blés en été 1947 et maintenant je comprends mieux l'origine de son amour pour le théâtre populaire en Anniviers, avec les Compagnons de la Navizence.
Est-ce que les paroles du chant étaient:
Avant d’aller dormir, sous les étoiles, Doux Maître, humblement à genoux, Tes fils t’ouvrent leur cœur sans voile, Si nous avons péché, pardonne-nous !
Éloigne de ce camp le mal qui passe, Cherchant dans la nuit son butin. Sans toi, de toutes ces menaces, Qui nous protègera, Berger divin ?
Protège aussi, Seigneur, ceux qui nous aiment, Partout garde-les du péril. Pitié pour les méchants eux-mêmes Et paix à tous nos morts, ainsi soit-il.
D'après le lien que tu m'as envoyé, oui ! youtube.com/watch?v=s8ikEWswHK...