Le téléphone à batterie locale et le « grognard »

1939
Paul-André Florey

En Anniviers, jusqu’en 1942, selon ma mémoire, il y avait le téléphone à batterie locale. L’appareil téléphonique était un coffret en bois, fixé à la paroi. A droite du boitier il y avait la manivelle (inducteur) pour appeler le central téléphonique desservi par Madame Crésence Monnier (1871-1960). A gauche, l’écouteur était suspendu à un crochet, et devant, en haut, la sonnerie en dessous de laquelle était placé le microphone dans lequel on devait parler.

C’était en 1939, j’avais trois ans et j’étais un enfant très actif et certainement très polisson, ce qui me valait parfois des désagréments. Il me souvient de mes expériences avec le téléphone à batterie locale. Parfois il m’arrivait de grimper sur un tabouret et de décrocher l’écouteur du téléphone, le laissant pendre le long de la paroi, puis de tourner la manivelle d’appel. Alors la charmante opératrice, Madame Monnier, répondait selon le code : Central de Vissoie ? Comme personne ne s’annonçait, Madame Monnier répétait à plusieurs reprises : Central de Vissoie, quel numéro désirez-vous ? L’interlocuteur restait muet. Heureusement que l’opératrice connaissait notre situation familiale et l’enfant terrible que j’étais, de suite elle savait bien que c’était le petit garçon d’Edouard et Martine qui s’amusait avec le téléphone. Alors pour me faire peur elle activait la sonnerie d’appel, mais comme l’écouteur était décroché les deux sonnettes étaient hors service par contre un son bruyant et effrayant sortait de l’écouteur ce qui faisait penser à une méchante bête qui grognait. Alertés par ce bruit mes parents accouraient et venaient s’excuser auprès de Madame Monnier pour mes polissonneries. Une fois l’opératrice demanda de pouvoir parler avec moi : Paul-André, me dit-elle, si tu t’amuses encore avec le téléphone je t’envoie la méchante bête, le « grognard » ! Et alors de l’écouteur sorti le vilain cri rauque du « grognard ». Dès lors je n’ai plus récidivé mon forfait. La méchante bête, le « grognard » m’avait tellement impressionné que j’en avais une terrible peur.

Devenu adulte, avec cette si sympathique et estimée personne qu’était Madame Monnier, nous nous remémorions les temps du téléphone à batterie locale. Il me souvient aussi, en ce temps-là, mon papa était commandant des sapeurs-pompiers, quand il y avait un incendie, et que l’on voulait alarmer le commandant du feu par téléphone, l’opératrice sonnait à plusieurs reprises et insistance. C’était le signal qu’il y avait quelque chose de grave. Alors, si c’était la nuit, ma maman se levait aussitôt et préparait l’uniforme des pompiers avant même de savoir ce de quoi il s’agissait.

Voilà un souvenir personnel du téléphone à batterie locale, que j’ai aussi bien connu plus tard au service militaire (en 1956) où il était encore en service dans les petits réseaux internes de l’armée.

Vissoie, 1939 : Paul-André (*1936).

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Photographie: Collection Jean-Paul Crisinel

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