La Baignoire

1939
L'Auberson
Lily Schneider
Elisabeth Baudat

Souvenir de l’enfance de Lily Schneider à L’Auberson, dans La Grosse Maison.

Vers la fin des années trente, la baignoire de mon enfance est en zinc brut, grise à l’intérieur, avec quelques vieux restes de peinture rouge-brun à l’extérieur. Elle n’a pas de pied. Un rebord de métal replié comme un ourlet épouse son contour généreux, plus large côté tête qu’au pied. Le bord supérieur, également ourlé, remonte amplement pour soutenir le dos.

Le samedi, la baignoire, rangée à la verticale dans le corridor des caves, est transportée, par deux personnes, jusqu’au coulage. Elle fait un bruit d’enfer, énorme, lorsqu’on la pose sur le sol bétonné de la chambre à lessive. Au milieu de la pièce, entre le bassin de pierre et la chaudière, elle trône, tel un sarcophage.

Un puisoir à long manche sert à la remplir avec l’eau chaude tirée de la lessiveuse. Le feu a été allumé de bon matin par le premier utilisateur de cette chambre de bain improvisée.

Chacun remet un bois avant d’aller avertir son voisin que : C’est libre !

Ainsi cinq ou six familles passent à tour de rôle dans la baignoire. Deux ou trois gamins et gamines s’ébattent ensemble, s’éclaboussent joyeusement durant un bon moment, - toujours trop court !

Par temps chaud, maman nous lave les cheveux. Elle rince le savon de Marseille avec l’eau d’un pot à lait, descendu de la cuisine.

Le soir, deux hommes replacent la baignoire collective dans sa loge aux murs humides et froids.

Lily Schneider, Musée de Prangins, Août 2003

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  • Valérie Clerc

    En lisant ce souvenir, on prend vraiment conscience que le bain était un luxe. Avec le réchauffement climatique, l'eau et son usage impliquent de nouvelles responsabilités. Peut-être que faire baignoire commune reviendra au goût du jour?

    • Renata Roveretto

      Chère madame Valérie Clerc, les bains sont un luxe encore de nos jours puisque absolument non nécessaire à la survie. Mais quel soulagement musculaire cela peut être, sans oublier toutefois les petites corvées de nettoyages après usage. Drôlement pour ma part je ne sais pas prendre plaisir dans les baignoires dites aux normes de nos jours, bien que j'en use à volonté. Par contre, j'ai d'excellents souvenirs des bains que je prenais quasi journellement été comme hiver, ceci dans une vieille ferme après avoir chauffé le boiler au feux de bois gardant ainsi la chaleur avec l'odeur du bois cumulée dans la salle de bains même. Le vrai luxe je le trouvais là dedans comme nulle part ailleurs. Et je préfère même encore de nos jours à me trouver sur une terrasse ou mieux encore en plein air dans une bassine galvanisée qu'enfermée dans nos salles de bains exempte de tout naturel.

      Et juste pour rappel, le grand luxe à la base d'un bain reste toujours ( l'or bleu ) L'EAU

      Amicalement Renata

Elisabeth Baudat
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5 septembre 2023
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