Souvenirs
HENRI CHEVALIER ET MICHEL PALTANI
Henri et Michel nous racontent de leurs souvenirs. Nous sommes au restaurant de la Gare de Croy en ce mois de février 2022.
Henri est né le 12 mars 1932 et Michel le 20 août 1936. Henri habite une grande maison au chemin de la Riette no 16 et Michel une villa assez récente au 39, rue des Fontaines. Il avait le magasin de l’époque qui se situait non loin, dans la même rue, au no35. Entre temps, il fut mon voisin quand il habitait au Pont de l’Etang 8. Henri n’a pas eu vraiment de métier. Il a travaillé « sur la voie » tout de suite. Michel a fait l’apprentissage de maçon, puis l’école de contremaître, maîtrise fédérale, chef de chantier chez Berthoud, puis 25 ans à l’EPFL comme maître d’enseignement en mécanique des roches. Beau parcours ! Henri a quatre filles et un garçon, 10 petits-enfants et 11 arrière-petits-enfants. Ils vont fêter Noël et seront quarante.
L’école.
L’école de l’époque avait été marquée par un régent particulièrement mal aimé, M. Sergy. Il y avait toutes les classes d’âge dans la même classe, soit depuis 6 à 16 ans. Henri raconte lui avoir envoyé un coup de pied dans le ventre alors qu’il avait 15 ans, son enseignant le menaçant et l’approchant. Il levait les filles en les prenant par les tresses. Georges Golaz lui avait arraché sa blouse en lui ôtant tous les boutons. Il justifiait alors le terme de roille-gosse, il courait après les gamins autour des tables avec un bâton de deux mètres. Michel lui avait aussi envoyé son poing dans la figure, alors que Gaston Rochat l’avait pris par le pantalon et le lui avait arraché au niveau de l’arrière-train. Un malabar avait été puni (Kuffer). Il avait été puni de sortie à ski. Pendant sa punition, en classe, il était allé tourner les aiguilles de l’horloge du collège qui n’arrêtait pas de sonner. Il se taupait avec le régent. Il s’était battu avec lui. Il jouait du violon et Jacques Benoît avait reçu des coups d’archet parce que le régent jouait du violon. Charly Mange l’aurait passé par la caisse à bois, ce qui était le destin de beaucoup d’autres profs de l’époque. Les Rochat l’avaient assis dans la corbeille. Une autre fois, ils devaient prendre la porte ; ils l’ont décrochée et sont partis avec. Quand ils avaient fait boucherie, ils avaient coupé la queue du cochon et l’avait collée dans le dos du régent sans qu’il s’en aperçoive. Angèle Magnenat, la femme de François le facteur du village, avait tenu la petite école avant que tous les élèves ne soient attribués à M. Sergy. Il était très bon en français, mais il n’aimait pas les maths. Il ne donnait jamais d’algèbre. Il récompensait ceux qui faisaient 10 en français, mais pas en math.
Les grands devaient s’occuper de « réciter » les petits, soit les interroger sur ce qu’ils devaient apprendre. Henri était allé en course d’école à la Vallée. Ils avaient dû prendre un bateau à rame pour aller sur le lac alors que le bateau fuyait. Ils devaient écoper, alors Henri n’avait pas été d’accord de continuer. Il les a suivis à pieds jusqu’au Pont. La deuxième fois, elle avait loué un bateau à moteur et les hélices s’étaient prises dans des algues avant de partir.
A l’époque, pas de sport, pas de travaux manuels. Il n’y avait pas de relâches à Croy alors qu’il y en avait partout ailleurs. Il y avait quatre semaines en automne pour aller garder les vaches. Les vacances étaient calquées sur les saisons dans le but d’aider les paysans. Au printemps, il fallait aller planter les pommes de terre et en été deux semaines pour aller faire les foins. Depuis un certain âge, on n’allait plus à l’école l’après-midi. Après l’école, Henri allait aider pour le bois ; il fallait le charrier avec l’aide de deux boeufs et scier à la scie à bras. On gardait le gros pour la vente et le petit pour brûler. Pendant la guerre, ils étaient contrôlés pour leur production de bois, il y avait des quotas respecter.
Pendant la guerre, ils se rappellent des avions qui passaient. Après la guerre, les soldats anglais et français occupaient l’Italie et y allaient par le train. Ils s’arrêtaient à la gare de Croy, alors le père de Michel allait échanger des biscuits contre des cigarettes. Les Américains donnaient des barres de chocolat. Un avion suisse avait dû atterrir dans un terrain qui appartenait à Marius Monnier ; il avait réclamé une réparation car c’est là-bas que le blé était le pus beau. En 1943, ils avaient lâché des bombes sur Renens et Daillens. A Daillens, ils avaient loupé le train et les bombes étaient arrivées sur le village.
Henri se rappelle avoir été à l’abattoir en Suisse allemande et les conditions terribles de l’abattage : pour économiser les balles, ils les abattaient au marteau.
Auparavant, il allait garder le vaches. Une fois, il avait dû les garder chez son cousin à Rances. Son père l’avait amené sur la barre du vélo. Les clôtures n’existaient pas encore et il fallait se veiller qu’elles n’aillent pas dans le champ voisin.
Les sorties étaient très rares. Il y avait bien deux bals par année, au battoir qui était sis au no 19 de la ruelle du Réservoir. Elle a servi ensuite de hangar pour l’entreprise en génie civil Ami Berthoud. La musique était assurée par une fanfare ou un orchestre et le bal avait lieu le dimanche soir. Ils allaient raccompagner l’orchestre la gare le matin et ils partaient travailler.
JEUX D’ENFANTS
Les gamins s’amusaient aux gnus dans la rue. On creusait un trou dans le sol de la rue qui n’était pas goudronnée. On jouait avec des agates qu’on envoyait d’une pichenette du pouce dans le « pot » depuis lequel on tirait sur les autres agates. Celui qui se faisait toucher devait donner un « gnu », bille en terre cuite, à celui par qui on avait été touché. Michel en a encore un bidon entier dans sa cave.
METIERS
Il y avait un charron, une forge et une scierie par la force du courant. Pendant la guerre, le père d’Henri allait chercher des sacs de 100 kilos de blé qu’il portait sur le dos pour les revendre au marché noir. Il y avait un cordonnier, un Chappuis qui habitait chez les Bovat. Comme syndic, il a eu Louis Cavat, François Magnenat, Henri Michot, père d’André, André Ogay, Michel Chevalier, Catherine Rochat.
LA JEUNESSE
Du temps d’Henri, ils n’étaient que cinq garçons. Ils avaient dû inviter des filles pour taper la grosse caisse et emporter la hotte. Du temps de Michel, ils n’étaient que quatre.
Un accident. Dans les années 50, un homme de Croy conduisait un camion qui a versé dans les contours. Le camion s’est enflammé, le conducteur s’en est sorti et est revenu à pieds jusqu’à Croy, mais il est mort quelques jours après de ses blessures. Il y avait un monde impressionnant à l’enterrement.
FARCES
Il était l'habitude de faire des farces. Un exemple : on mettait les brouettes les unes sur les autres de telle manière qu’on avait peur de les reprendre et de les faire déguiller. On mettait un sac mouillé sur la cheminée et ça forçait les gens de sortir de la maison quand ils faisaient le feu.
Cher monsieur Serge Goy, quelles histoires terribles que ces chers messieurs nous racontent et transportent avec eux. Oui submergé ainsi par la violence et la douleur, il est difficile à trouver encore de la place pour y loger les bons petits souvenirs. Merci d'avoir osé partager avec autrui.. émue Amicalement Renata