Rentrée dans l'église de Pregny
Rentrée dans l'église de Pregny
À la fin du XIXe siècle, un mouvement réformiste naît en Allemagne, prônant une séparation entre l'Église et l'État. L'Église catholique romaine, opposée à cette perte d'influence, réagit vivement, ce qui entraîne un conflit connu sous le nom de « Kulturkampf ».
En janvier 1873, le prêtre carougeois Gaspard Mermillod, qui avait joué un rôle majeur lors du premier concile œcuménique du Vatican, est nommé Vicaire apostolique de Genève par le Pape. Cette nomination, impliquant la création d’un évêché à Genève, se fait en violation des engagements solennels précédemment pris par la papauté. Antoine Carteret, président du Conseil d'État genevois depuis 1870, parvient à convaincre le Conseil fédéral de la nécessité de s'opposer à ce qu'il considère comme une ingérence étrangère dans les affaires suisses. Le 17 février 1873, Gaspard Mermillod est ainsi expulsé du territoire suisse.
Antoine Carteret s'inspire alors du « Kulturkampf » allemand pour appliquer des mesures similaires dans le canton de Genève. Le Conseil d'État genevois fait adopter par le Grand Conseil une loi réorganisant le culte catholique, impliquant la participation des laïcs dans le choix des curés. Le gouvernement de Carteret visait à instaurer une démocratie plus inclusive, avec des réformes touchant des domaines tels que le suffrage universel, la propriété foncière, le mariage civil et l'éducation. Dans ce contexte, la lutte contre la hiérarchie de l'Église catholique romaine était perçue comme une étape nécessaire pour renforcer cette nouvelle démocratie. Seuls le culte réformé et le culte catholique national sont alors reconnus dans la Constitution genevoise de l'époque. Par ailleurs, une loi interdit l'érection d'un siège épiscopal à Genève, et une Église catholique d'État, dite « Vieille Église catholique » ou « Église catholique nationale », est créée. Le 24 mars 1873, la loi sur l'organisation du culte catholique par l'État est adoptée par votation populaire. Cette loi, inspirée de la structure de l'Église protestante, oblige les curés catholiques romains, payés par l'État, à prêter serment d'allégeance aux lois de la République et déclare les églises propriétés communales, avec la création de conseils de paroisse. Cependant, les catholiques restés fidèles à Rome résistent, et le 28 août 1874, tous les prêtres du canton refusent de prêter serment au Conseil d'État genevois.
En moins de trois ans, trente-deux paroisses sont saisies de force, dix-huit maires et quatorze adjoints sont révoqués, et l'État suspend les traitements des curés. Les églises dont les curés refusent de prêter serment sont attribuées à l'Église catholique nationale.
Malgré cette législation, le Conseil municipal de Pregny, propriétaire de l'église, décide de maintenir l'édifice au culte catholique romain, conformément à la tradition en vigueur depuis 1685, d'autant que la majorité de la population de Pregny est de confession catholique romaine. Le 17 août 1875, Jean Bertrand, membre du Conseil de paroisse, se présente à la mairie pour réclamer les clés de l’église, mais essuie un refus formel. Le lendemain, 18 août 1875, à sept heures du matin, M. Comte, secrétaire du Département de l'Intérieur, accompagné de M. Duvillard, commissaire de police, et de M. Bertrand, se rendent chez le maire Jean-Marie Panissod pour exiger à nouveau les clés au nom du Conseil d'État genevois. Après un nouveau refus, les délégués se dirigent vers l'église avec des serruriers et des agents de police pour changer les serrures. Le 24 août 1875, Jean-Marie Panissod est révoqué de ses fonctions de maire par le Conseil d'État genevois, et l'église est finalement attribuée au culte catholique national.
Le Conseil municipal dépose donc un recours auprès du Tribunal fédéral, arguant une violation de la propriété privée. En 1876, le Tribunal fédéral rejette le recours et se prononce en faveur du Conseil d'État genevois. Refusant d'utiliser l'édifice par fidélité à leur commune, les habitants de Pregny célèbrent l’office catholique romain dans la grange de Michel Deville, qui est devenu maire entre-temps.
Plus tard, les offices se tiennent dans la grange de M. Panissod, puis dans un petit bâtiment adjacent à l’église. Le curé catholique national, quant à lui, assure le culte catholique national dans l'église pour un unique auditeur. Les curés de l'Église catholique nationale sont élus par la population de la commune où ils exercent. Dans le cas du curé national de Pregny, il ne reçoit qu'un seul vote lors de son élection. Trouvant cette situation ridicule, il omet de s’y rendre un dimanche, ce qui entraîne sa suspension par le conseil supérieur de la paroisse, qui décide de fermer définitivement l’église.
Le 4 février 1881, une pétition des habitants est remise au Conseil municipal, demandant la location du bâtiment de l'église, fermé depuis cinq ans, pour y célébrer le culte catholique romain. Le 2 octobre 1896, l'état de l'église est jugé déplorable, nécessitant une rénovation. Le Conseil municipal demande alors au Conseil d'État d'accorder aux citoyens catholiques romains de la commune l'usage de l'église, toujours propriété communale, pour la célébration de leur culte.
Le 10 août 1897, Gustave Ador, devenu président du gouvernement genevois entre-temps, répond favorablement à la demande du Conseil municipal, à la suite d'une loi adoptée le 29 mai 1897 par le Conseil d'État, qui annule les lois discriminatoires envers l'Église catholique romaine. Durant l'été et l'automne 1897, la commune de Pregny procède à une rénovation complète du bâtiment, permettant ainsi la réouverture de l'église au culte catholique romain le 17 octobre 1897.
Source : Église Sainte-Pétronille de Pregny-Chambésy, Jérémy Toma, sur Wikipédia (2015) d'après l'ouvrage Pregny, commune genevoise et coteau des altesses, Guillaume Fatio (1947).
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