"J'ai une belle petite chambre en ville"
"J'ai une belle petite chambre en ville"
Carte postale expédiée de Sierre le 7 octobre 1917 et destinée à une personne habitant le Havre. Curieusement, cette carte est affranchie d'un timbre français de 5c.
Voici la transcription de la carte:
Sierre, le 7 octobre 1917
Chère tante, chers cousins,
Je me suis bien surpris de n'avoir point reçu de vos nouvelles depuis la lettre de Louis, lettre à laquelle j'ai répondu. Seriez-vous malade ? J'espère et souhaite que non. Je suis sans nouvelle d'Albine et de ma tante Julienne. Je compte sur une petite lettre bientôt chère tante.
De mon côté, je me porte très bien et suis maintenant interné libre, j'ai une belle petite chambre en ville, c'est le retour à la vie normale.
Bon Noël [nous sommes début octobre] et à bientôt.
Mille bons baisers à vous tous sans oublier cousin Louis.
Signature
Extrait de Edmond Bille : "le Carquois vide", éd La Baconnière, 1939:
On avait mis les plus malades dans des carrioles. Les autres, embarrassés d'invraisemblables bagages, avaient formé derrière la musique un cortège émouvant et lamentable et travaersé la rue entre deux haies de spectateurs enthousiastes. On les avait répartis adns les salles chauffées, devant une table mise, des fleurs, des cadeaux de tous genres. Comme des enfants trop souvent battus, méfiants, ils avaient surtout crainte d'être séparés de leurs colis, et restaient, les yeux perdus dans le vague, affalés, plutôt qu'assis devant des assiettes pleines, incapables de manger. - « Ce n'est pas de la tristesse », soupirait l'un, « c'est l'émotion ».
Un autre m'avait dit : « Vous ne savez pas ce que c'est : ne plus voir des fils de fer ».
- « Dans une heure vous serez arrivé », affirmait une dame.
- « Où ? » avait répondu le soldat, l'air accablé : « en France » ?
- « Non, ici c'est la Suisse. Vous irez à la montagne. A Montana : on vous soignera. Vous y serez très bien ».
Mais l'homme épuisé retombait dans son nirvana.
- Oh ! moi, voyez-vous, je ne sais plus où j'suis. Et puis, j'm'en fous !... »
Je n'ai rien oublié. Je revois la plupart de ces pauvres diables dont beaucoup sont morts et enterrés dans notre cimetière : le grand Sénégalais, un géant qui déjà n'en pouvait plus et que dorlotait une vieille dévote compatissante. Il n'a pas vécu longtemps. Et ce long maigre qui n'avait plus qu'un immense nez écarlate et qui s'en allait, tout voûté, sous ses châles. Un tout petit vêtu de feldgrau, avec des bottes jaunes de soldat boche. Et cet autre, avec sa minuscule tête rasée, grosse comme une noix, sur un cou de volaille déplumée, qui sortait de son col trop vaste.
Et encore le zouave, bourreur de crânes. Tout le mode le photographiait. Il racontait des histoire terribles aux jeunes filles qui remplissaient ses larges culottes de boîtes de cigarettes.
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