Pierre Favarger est l'auteur d'un "livre de raison", chronique familiale qui nous renseigne sur un grand nombre de familles dont il est issu. Parmi elles, les Daguet de Fribourg. Alexandre Daguet (1816-1894), historien radical, auteur de nombreux ouvrages, dont une "Histoire de la Confédération suisse" (1879), était le grand-père maternel de Pierre Favarger. Je citerai donc le "livre de raison" de son petit-fils afin de ressusciter ici la mémoire de Mme Alexandre Daguet, née Favrot, originaire de Porrentruy. Elle et son mari ont vécu des temps troublés, où conservateurs et libéraux se livraient en Suisse une guerre sans merci.

Pierre Favarger réussit à nous restituer un portrait vivant et intime de ses grands-parents. Il avait vécu avec eux, à Neuchâtel, entre 1890 et 1892, dans leur appartement de l'Hôtel Fauche, du nom de son premier propriétaire, Louis Fauche-Borel (1762-1829), agent de Louis XVIII sous la Révolution. Cette maison est actuellement la propriété des Frères des Écoles chrétiennes, l'actuelle École catholique.

Le portrait insiste sur le contraste entre les deux époux: Alexandre Daguet, "esprit parfois chimérique, nature éminemment romantique, ignorant des réalités de l'existence... mauvais administrateur, impulsif, fut admirablement complété par sa femme qui possédait à un degré rare les qualités qui manquaient à son mari."

"Rarement femme sut mieux tenir son rang. Ceux qui la connaissaient mal la jugeaient fière et aristocrate; le fait est qu'elle avait en horreur tout ce qui était vulgaire. Imbue des traditions de sa famille maternelle (Quiquerez), dont plusieurs membres avaient revêtu des charges à la Cour des Princes-Évêques, elle avait en piètre estime la médiocrité parvenue qui commençait son ascension."

"Elle avait pour son mari, dont elle admirait le talent et les moyens, une ambition profonde... Elle prenait sa large part des distinctions qui lui furent décernées; elle les déposait fièrement sur l'autel du foyer, bien en évidence, et ne se gênait pas pour attirer sur ces témoignages extérieurs l'attention de ses proches et de ses amis."

Peu avant de mourir, elle le fit venir à son chevet et lui fit des recommandations qu'il n'entendit pas en raison de sa surdité. Elle s'éteignit à Neuchâtel, le 21 août 1891, à l'âge de 66 ans, et fut enterrée au cimetière du Mail. LdW

Sources: Pierre Favarger, "Livre de raison", manuscrit (1905)