Vevey, internés

Vevey, internés

16 août 1917
Vevey Imprimerie Lithographie Klausfelder
Yannik Plomb

L’internement en Suisse de soldats français et belges souleve un grave problème, la solution duquel s’intéressent non seulement l’initiative privée, mais aussi les autorités suisses et les gouvernements des deux nations. Il importe en effet de procurer de l’occupation aux convalescents, auxquels l’état de santé permet un travail plus ou moins suivi, car l’oisiveté dans laquelle ils vivent ne peut être que pernicieuse. En se prolongeant, elle risquerait de devenir nuisible leur entourage aussi bien qu’à eux-mêmes. La question du travail des internés est donc d’une importance capitale, mais elle n’est pas aussi simple qu’on serait tenté de le croire. Elle se heurte des difficultés nombreuses et, souvent, difficiles surmonter. Il faut donc savoir gré ceux qui cherchent les moyens de procurer de l’occupation des exilés qui l’oisiveté forcée pèse lourdement. Nous savions qu’à Vevey, dès le mois de mai, un de nos hôtes, M. le capitaine Galet- Lalande, avait conçu un plan qui lui laissait entrevoir la possibilité d’occuper un certain nombre d’internés. L’idée fait son chemin et, aujourd’hui, son promoteur, secondé et appuyé par diverses personnalités, la satisfaction de voir son projet mis exécution. L’œuvre en question trouvé large asile dans les anciens ateliers de la fabrique Peter, rue des Bosquets, locaux mis obligeamment la disposition d’un comité d’initiative par la propriétaire, la société Peter, Cailler, Kohler, qui ne perd pas une occasion de se montrer aimable et secourable vis-à-vis des internés. C’est la porte de ces ateliers que nous avons été frapper, hier, afin de nous rendre compte des résultats déjà acquis. C’est sous la raison sociale de „TIM” Association de bienfaisance, que l’entreprise été fondée. Un comité été constitué et des statuts élaborés. „Tim” est une fabrique de jouets et articles en bois. L’Association très louable, comme on le verra, pour triple but a) de procurer de l’occupation rétribuée ou non aux militaires français et belges internés en Suisse; b) d’améliorer le sort des prisonniers français et belges par les envois de vêtements, linge, aliments, etc., au moyen des bénéfices que pourra faire la Fabrique de jouets et articles en bois; c) dans la mesure du possible de doter d’un nouveau métier des internés qui ne pourront plus reprendre, après la guerre, celui qui les faisait vivre.

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Pour obtenir les résultats les plus favorables, l’Association „Tim” considéré que la meilleure manière d’y arriver était de s’organiser industriellement, comme une entreprise commerciale. Il résulte de cette organisation un avantage qui son importance, c’est la présence assidue de l’homme l’atelier, dont il reprend l’habitude et la discipline. Bien des travailleurs isolés ont pu, jusqu’à présent, écouler péniblement le produit de leur travail souvent ingénieux. Mais cet écoulement est forcément limité, car il ne pouvait se produire que grâce aux sentiments charitables du public, sentiments qui ne peuvent évidemment se prolonger l’infini. Nous nous permettons de témoigner notre guide notre étonnement de voir une association établie sur des bases aussi sérieuses, garantissant son développement, son succès, et formée dans le but unique de fabriquer ces charmantes inutilités que sont en somme les jouets. Tout de suite il nous rassure Il est certain qu’à nos débuts, nous n’avions envisagé que la fabrication des jouets. Mais devant l’importance des perspectives qu’on nous fait entrevoir, nous avons décidé de faire fabriquer nos soldats tous les articles ou objets en bois. Notre outillage perfectionné nous permet en effet d’envisager les exigences la possibilité de satisfaire à toutes les exigences de ce genre d’industrie. Au reste, ajoute-t-il, vous allez vous rendre compte par vous-même de la Variété de nos travaux. Nous pénétrons aussitôt dans la ruche bourdonnante. D’emblée nous sommes conquis par l’aspect attrayant de la grande salle spacieuse et gaie où un moteur électrique distribue l’énergie des machines qui grondent, crissent et palpitent sous la conduite d’habiles ouvriers. Nous ne pouvons nous empêcher de ressentir une certaine émotion en voyant, attachés ce labeur de paix, ces soldats attentifs leur travail, et accomplissant simplement leur tâche. Ces hommes ont vu les horreurs de la guerre, ont vécu les heures sanglantes des combats, subi les heures grises des hôpitaux, et celles plus sombres encore de la captivité.

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Ce sont les mêmes qui, aujourd’hui, renaissent la vie par le Travail, le labeur sain et fécond. Les uns travaillent aux machines. Ici, c’est une raboteuse, dont les couteaux unissent en un instant les rugosités des planches, lesquelles glissent progressivement dans un feu d’artifice de copeaux. A côté, une scie circulaire débite des pièces de bois ou les scie au degré voulu, avec une précision merveilleuse. Commande de Paris pour des manufactures de tissage », nous indique brièvement notre guide. Puis la grande scie ruban tranche les blocs de bois avec facilité. Enfin les tours, qui (évidemment) tournent des pièces détachées. Devant nous le soldat qui travaille son établi façonne un superbe canon... en bois. Ces redoutables engins, entre les mains d’artilleurs de dix ans, lanceront d’inoffensifs obus contre de fragiles villages. Image de la vraie guerre. Il ne faut rien faire, voyez-vous, devant les enfants... Bref, nous sommes séduits au plus haut point par l’animation laborieuse de ce superbe atelier. Tous les jours de nouveaux ouvriers viennent grossir la phalange déjà l’œuvre. Et nous comprenons maintenant quelle clairvoyance guidée les généreux donateurs qui ont permis de créer de toutes pièces une industrie qui donne nos internés une occupation rémunératrice. Les soldats-ouvriers devront garder une reconnaissance profonde tous ceux qui se sont ainsi intéressés eux. Les organisateurs nous prient d’exprimer toutes les personnes qui, divers degrés, ont témoigné ainsi leur intérêt ces soldats, leurs remerciements et leur gratitude. Nous nous faisons bien volontiers leur interprète. De cette visite nous avons remporté une excellente impression, et nous avons la certitude que les initiateurs auront lieu de se réjouir d’avoir créé une œuvre aussi utile. Ce sera là une juste récompense de leurs efforts persévérants et désintéressés. Ajoutons qu’inscrite aujourd’hui au Registre du commerce, l’Association „Tim” pour président M. Louis Buffat, maître- menuisier, Vevey; pour secrétaire, M. Jean Montet, La Tour-de-Peilz, et pour caissier, M. B. Howel-Thomas, la banque W. Cuénod C° Vevey.

Source: BCU Feuille d'avis de Vevey 11 juin 1917

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Yannik Plomb
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