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J. BRAHMS, Concerto pour piano No 2, Op. 83, R.CASADESUS, ONRDF, Carl SCHURICHT, mercredi 23 septembre 1956, Montreux

23 septembre 1956
Radio Suisse Romande
Radio Suisse Romande, R.Gagnaux, sources indiquées dans le texte

Johannes BRAHMS, Concerto pour piano et orchestre No 2 en si bémol majeur, Op. 83, Robert CASADESUS, Orchestre National de la RadioDiffusion Française, Carl SCHURICHT, 23 septembre 1956, Salle du Pavillon des Sports, Septembre Musical de Montreux

Johannes Brahms composa ses deux concertos pour piano avec près de 25 ans d'intervalle. La différence entre les deux oeuvres est grande, tant pour le fond que pour le style. Si le premier concerto est l'oeuvre d'un jeune révolutionnaire du «Sturm und Drang» - hésitant entre le «romantisme» et la musique «néoallemande», entre Schumann et Liszt -, le second, esquissé en 1870 et achevé pendant l'été de l'année 1881, porte tous les stigmates d'une maîtrise parvenue à sa maturité. La partie soliste, d'une grande aisance, met en lumière toutes les possibilités de l'instrument, d'une façon beaucoup plus concertante que dans le premier concerto. L'oeuvre fut donnée en première audition le 9 novembre 1881 à Budapest, par le compositeur au piano.

À l'inverse du premier concerto qui débute par une longue introduction orchestrale, le second concerto fait entrer le soliste dès la seconde mesure du premier thème, calme et majestueux, - énoncé par le cor:

"[...] Les trois phrases du thème (cor, puis bois et cordes) sont suivies d'une cadence du piano en arpèges brefs, rythmés et bondissants, en accords et larges oppositions de registres. Ce n'est qu'ensuite que vient l'exposition orchestrale complète. Le premier thème, au tutti, est suivi d'une mélodie aux cordes au lyrisme empreint d'une certaine tension interne; puis d'un troisième motif, soudainement impétueux. Un dernier et bref tutti précède la réapparition du soliste qui va revenir au premier thème, puis s'affirmer en accords puissants avant de marquer une évolution vers une technique plus fine, - cela dans un dialogue constant et étroit avec l'orchestre. De rapides et légères fusées d'arpèges divergents vont précéder la montée vers la culmination de la partie exposition; elle est marquée par un changement d'armure en fa mineur et des rafales de traits aboutissant à un martèlement d'accords rapides et vigoureux, d'une considérable difficulté. Au début du développement, le premier thème est repris en fa mineur. Dans le développement, la vigueur, tout en gardant ses droits, affichera moins sa carrure, - au profit de la poésie, à partir surtout de la modulation en rémajeur. Après le retour dans le ton initial , une série de fusées d'arpèges aboutit à un miroitement quasi-impressionniste qui précède la réexposition, assez fortement condensée. La coda - longue comme souvent chez Brahms - est une récapitulation variée de tous les éléments du premier thème, dans une opposition souvent antagonique du soliste et de l'orchestre.[...]" [1]

Dans le second mouvement "[...] Allegro appassionato, un scherzo en ré mineur avec trio, forme un violent contraste avec le monde expressif du mouvement initial. Le célèbre chirurgien et ami viennois de Brahms, Theodor Billroth, qui fut le premier à être admis à voir le manuscrit, pensait que ce mouvement, aussi beau et intéressant qu'il soit, devrait être écarté à cause de la longueur totale de l'oeuvre. Brahms était d'un tout autre avis: il tenait le premier mouvement, pourtant complexe sur le plan formel, pour «trop simple» et expliquait qu'il avait besoin de quelque chose de puissamment passionné avant l'Andante, également simple. Deux thèmes d'abord exposés puis développés servent de base à ce second mouvement. Le Trio en trois parties, en ré majeur, repose sur un thème unique, qui apparaît dans la partie médiane en une variation en mineur véritablement géniale. Le scherzo est ensuite très librement répété.[...]" [2]

Le troisième mouvement est un Andante: un second soliste apparaît, - un violoncelle auquel est confiée l'émouvante cantilène du thème principal, repris aussitôt par les violons. Cette composition est "[...] proche du style du lied. L'expressif thème principal, qui utilise déjà la mélodie du lied postérieur «Immer leiser wird mein Schlummer» op. 115 no 2, domine tout le mouvement à l'exception d'un bref passage central. Le motif initial, traité en forme de développement, donne par place des accents dramatiques à l'Andante. C'est la partie centrale en fa dièse majeur qui rend vraissembable l'idée que le compositeur était inspiré par une intention poétique: la clarinette fait là une citation du passage «Hör es, Vater in der Höhe, aus der Fremde fleht dein Kind» extrait du Lied «Todessehnen» opus 86 no 6 qui date de 1878 [...]" [2]

Le dernier mouvement - Allegretto grazioso - conclut le concerto dans un climat plutôt aimable et dans un esprit manifestement classique. "[...] Le Finale est un magnifique éventail de mélodies originales, attachantes et merveilleusement harmonisées. Pour ce qui est de la forme, le morceau est écrit selon les règles du mouvement sonate mais laisse également apparaître quelques éléments de rondo. [...]" [2]

(1) cité du Guide de la musique symphonique réalisé sous la direction de François-René Tranchefort, Fayard 1986, ISBN 978-2-213-64075-4

(2) cité d'un texte de Constantin Floros publié en 1977 au verso de la pochette du disque DG 2530 790 (avec ce concerto dans l'interprétation de Maurizio Pollini et Claudio Abbado)

..

Lors du Festival de Montreux 1956, Carl SCHURICHT dirigeait l'Orchestre National de la RadioDiffusion Française. Au programme du concert du dimanche 23 septembre 1956:

- le concerto pour piano et orchestre No 2 en si bémol majeur, Op. 83, de Johannes Brahms, avec Robert CASADESUS en soliste

- trois chorals pour choeurs et orchestre extraits des cantates BWV 103, 104 et 50 de Johann Sebastian Bach

- la symphonie No 5 de Ludwig van Beethoven

Le concert fut diffusé le mercredi 26 septembre 1956 sur l'émetteur de Sottens, à 20h30 dans l'émission du traditionnel concert du mercredi (ref.: Journal de Genève du 26 septembre 1956, page 7), et le lendemain - jeudi 27 septembre 1956 - sur France I, à 20h05 (ref.: Gazette de Lausanne du 27 septembre 1956, page 3).

Quelques extraits des compte-rendus de ce concert:

Journal De Genève, No 224, Mardi 25 septembre 1956, page 9, Le Septembre musical de Montreux, Franz Walter:

"[...] Grande soirée pour les habitués du Festival montreusien, puisque, avec le prestigieux Orchestre National de Paris, Carl Schuricht et Robert Casadesus occupaient l'estrade. L'admirable pianiste français interprétait le concerto en si bémol de Brahms. On se rappellera sans doute l'impression très forte que Casadesus avait laissée, il y a quatre ans lorsqu'il jouait cette même oeuvre dans un de nos concerts de l'abonnement. Nous avons retrouvé très vivace cette impression. Pour qui est habitué - comme nous le sommes ici, en général - aux interprétations des grands pianistes allemands, la confrontation presque inévitable est des plus captivantes. Casadesus interprète cette oeuvre selon son génie propre, lui conférant des lumières plus acusées, des contours plus nets, des accents plus mordants, bref offrant une traduction, en un sens, plus positive, plus matérialisée, de l'effusion et du rêve brahmsiens. Cette traduction prend sous les doigts de Casadesus une telle autorité, une telle force de pénétration, mais surtout une envolée si irrésistible qu'il ne vient pas à l'idée d'en discuter l'authenticité. Elle s'impose à vous avec une éloquence où se reconnaît non seulement le grand pianiste - et quel prodigieux pianiste! - mais aussi le grand interprète. [...]"

Gazette de Lausanne, Vendredi 28 septembre 1956, page 5, Onzième «Septembre musical» de Montreux, Huitième Concert, Ed.H.:

"[...] La conjugaison de Carl Schuricht, Robert Casadesus et de l'Orchestre National a été splendide d'autorité et de soumission, d'abandon à l'esprit, de respect pour la lettre merveilleusement ornée. Nous sommes encore tremblant d'admiration devant le rêve réalisé d'avoir pu écouter le chef d'oeuvre aimé sans que notre attention passionnée ait faibli, sans que le fulgurant départ ait compromis une seconde ses magnifiques promesses.

[...] Robert Casadesus apporte à l'interprétation de l'oeuvre monumentale toutes les ressources de sa technique claire et puissante et aussi son intelligence et sa lucidité latines, qui, plus que jamais, contribuent à la vraie majesté du chef-d'oeuvre. À croire que pour être réellement possédé, il faut posséder d'abord soi-même, et se trouver sur pied d'égalité olympienne avec le texte sacré pour réellement le consacrer. Carl Schuricht tient la balance égale dans l'admirable dialogue, ou préside à la fusion en toute autorité tranquille, en parfaite connaissance, et le bel orchestre n'a qu'à donner le meilleur de lui-même. Ce qu'il fait avec une générosité et un goût dont le violoncelle-solo a admirablement donné la mesure. [...]"

À souligner: ces compte-rendus sont rendus accessibles grâce à l'admirable banque de données du quotidien Le Temps permettant de rechercher dans les archives de la Gazette de Lausanne et du Journal de Genève, et ceci sur les 200 ans passés!!

L'enregistrement que vous écoutez:

Johannes Brahms, Concerto pour piano et orchestre No 2 en si bémol majeur, Op. 83, Robert Casadesus, Orchestre National de la RadioDiffusion Française, Carl Schuricht, 23 septembre 1956, Salle du Pavillon des Sports, Septembre Musical de Montreux

  1. Allegro non troppo 16:54 (-> 16:54)
  2. Allegro appassionato 08:30 (-> 25:24)
  3. Andante 10:47 (-> 36:11)
  4. Allegretto grazioso 09:11 (-> 45:22)

Provenance: Radiodiffusion, Archives Radio Suisse Romande (RSR)

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René Gagnaux
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23 octobre 2016
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