Une femme avait perdu son mari, cordonnier de son état. Un soir, aux mayens, elle récitait son chapelet, comme de coutume, quand elle entendit frapper à la porte. Soupçonnant que le visiteur fût son époux, elle dit : « De la part de Dieu, dis-moi si c'est toi. » Une voix reprit: « C'est bien moi. Je suis très malheureux, parce que de mon vivant j'ai volé mes clients en réparant mal leurs souliers ou en ne les rendant pas. Tâche de restituer l'argent que j'ai ainsi gardé. Oui, je ferai bien tout mon possible pour te sauver. » L'homme s'en alla. Cette veuve travailla désormais beaucoup plus mais elle avait grand âge et mourut soudain sans avoir achevé son œuvre. Depuis le jour de sa mort, dans la maison, on entendit un grand tapage de revenants. Personne n'osait y habiter, encore moins dormir. Le curé de la paroisse résolut cependant de tirer au clair cette affaire étrange. Il prit avec lui un jeune homme décidé et entra dans la maison hantée, avec des bénits des capucins dans les poches. Ils se couchèrent. Le prêtre dit à son compagnon: « Si tu entends du bruit, ne t'inquiète pas et continue de prier. » Peu après, un squelette entra. « Que viens-tu faire ici ? » interrogea le curé. « Un autre me suit qui vous le dira » , répondit le revenant. Survint un deuxième squelette. « Que viens-tu faire ici ? Un autre me suit qui vous le dira. » Le troisième squelette parla: « Vendez cette propriété et, de cet argent, payez les clients que le cordonnier a volés. » Ainsi fut fait. Les revenants proches parents du défunt, expliquait le curé, ne se firent plus entendre dans la maison du cordonnier.

Contes de Grimentz, par Robert Loup, professeur. Archives du Nouvelliste valaisan du 4 août 1928. Extraits des cahiers valaisans de folklore de l'abbé Luyet.