NOTRE BRAVE MULET
par Armin Pont, de St-Luc

Nous avions à la maison un quart de mulet. Par contre, chacun avait un char. Un bon mulet: brave, fort et sage. Le harnais, lui, était battant neuf.
Pour Lisa, nous étions quatre copropriétaires. Mais pour le travail, il y avait souvent des histoires. Les uns voulaient être les premiers. D'autres, par contre, jamais les derniers.

Certains lui donnaient assez à manger. D'autres le faisaient souvent jeûner. Quand au printemps, on manquait de foin, nous le menions paître dans les pâturages communaux.

Lisa portait tout, sans refuser. Herbes des talus, fumier, bois, gerbes de blé. Avec bissacs "achongs", cacolets, bât. Pour elle, je n'ai jamais employé le fouet. J'allais oublier de vous le dire: ma Lisette ne savait pas ruer.

Quand je montais par la Grand'Combe (chemin de Fang à St-Luc), Lisa n'a jamais fait tomber sa charge.

Lucquerand, je jetais les pierres. À Vissoie, vous pouvez me croire.
Mon mulet, ni bourrique, ni âne. En retour, portait les frênes vers le haut.

Pour la "mob", nous nous sommes sacrifiés. Lisa et moi, nous avons fait le service. À la fin, on m'a complimenté. Quant à la mule, elle ne fut même pas remerciée. Lisa ne savait ni lire, ni écrire, elle n'a jamais voulu apprendre le français. Je vous le dis, vous pouvez bien rire, Lisette comprenait le patois.

Refrain
Je disais Huh! elle partait; je disais Hoh! elle s'arrêtait; je disais Arrière! elle reculait; les fers en l'air; elle se vautrait. notrehistoire.ch/galleries/pat...

Avec l'aimable autorisation de © Jean-Claude Pont.

Photo: © Jean-Pierre Genoud