Pas si bête que ça !
Pas si bête que ça !
PAS SI BÊTE QUE ÇA
par Robert Rouvinez, de Grimentz
L'hôtel de Grimentz était déjà bâti. C'était aux environs de 1902-1903. Alors, bien entendu, l'hôtel n'était exploité que deux mois par an : en juillet et en août. Le reste du temps, il était fermé.
A ce moment-là, il y avait à Grimentz un homme encore jeune, que j'ai connu en fait sur le tard. C'était un immense gaillard. D'ailleurs, il ne trouvait pas de chaussures à son pied en fabrique; il devait s'en faire confectionner sur mesure.
Il avait des mains à peu près le double des mains ordinaires. Quant à son "rètz" il était presque deux fois plus grand que celui des gens normaux. Il vivait seul, célibataire, toujours sale, les vêtements jamais lavés. Il raccommodait lui-même ses habits de drap noir et les pièces étaient entassées les unes par-dessus les autres, de sorte qu'on ne pouvait plus voir le premier pantalon. Et avec cela, une énorme barbe rousse, une grande tête au visage allongé : tout ce que l'on pouvait trouver de plus vilain, pour effrayer les enfants.
Par-dessus le marché, l'air d'un idiot. Mais en réalité, il n'était pas si bête !
Une fois, il s'en venait avec une grande charge de bois, à peu près comme celle qu'on voit aux mulets. Il allait, s'appuyant sur un immense bâton, ainsi qu'à l'accoutumée. En passant devant l'hôtel, il rencontre un de ces messieurs qui se pavanait devant deux donzelles et qui leur dit :
- Nous allons rire !
Sur ce il accoste le vieux et lui dit :
- Bonjour, Monsieur!
- Bonjour, bonjour! fut la réponse.
- Est-ce vrai qu'il y a beaucoup d'idiots ici, à Grimentz?
- Parfaitement, mais pas durant toute l'année ; seulement pendant deux mois, lorsque l'hôtel est plein !
Patois d'Anniviers et d'ailleurs Avec l'aimable autorisation de © Jean-Claude Pont.
Cher monsieur Michel Savioz, ce patois s'entend comme un doux chant à mes oreilles. J'aime bien !