La Tour d'Anniviers à Vissoie

mai, 1983
fondation pour la Tour d'Anniviers
Michel Savioz

APERÇU HISTORIQUE DE LA TOUR D'ANNIVIERS À VISSOIE

Les reliefs que nous ont laissés les historiens du Val d'Anniviers au moyen âge, conjugués aux connaissances pratiques des archéologues contemporains, permettent de retracer l'historique de la Tour à Vissoie, vieille complice de la vie seigneuriale et politique en Anniviers. Son érection s'inscrit dans la logique des bourgs fortifiés appelés "castrum", village construit de maisons contiguës dont les murs devaient former enceinte, et au centre duquel se trouvait une tour de guet. La technique appliquée à la construction de la Tour laisse supposer qu'elle fut érigée à la fin du 13e siècle, ou au tout début du 14e siècle, ce qui la consacre au chapitre de l'évêque de Sion, comte du Valais et maître souverain en Anniviers. Selon l'usage d'alors, l'évêque cédait l'administration de sa souveraineté à un vidomne à qui il offrait également la jouissance d'une partie de ses biens fonciers.

De son côté la vallée avait ses seigneurs au sein de la Noble famille d'Anniviers. Dès 1278, les Sieurs d'Anniviers avaient acquis les droits d'un office épiscopal à Vissoie, appelé la majorie. Ils exercèrent à titre provisoire, puis définitivement dès l'an 1311, la fonction de vidomnat. Rapporté à l'histoire, la Tour serait devenue propriété héréditaire de la Noble famiIle, et vraisemblablement pour la période citée, à Jacques d'Anniviers - fils de Guillaume - vidomne en ces lieux de 1269 à 1288, ou à Dame Guigone, sa veuve héritière.

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L'histoire dit encore qu'au 13e siècle, l'évêque cède la bâtisse de pierres, appelée dans certains documents Salle neuve, et se réserve pour lui-même et les siens l'usage de la tour de bois, située à proximité immédiate de la Tour d'Anniviers et portant le nom de Ballios.

Le vidomnat continua ainsi au travers de la famille de Rarogne, héritière des Seigneurs d'Anniviers, jusqu'au milieu du 15e siècle. A cette époque, l'évêque de Sion, Walter Supersaxo, s'assigne pour tâche la reconquête des droits attachés au siège épiscopal et profite du décès d'Hildebrand de Rarogne en 1467 pour reprendre possession de la seigneurie de Vissoie, qui sera dès lors administrée par un châtelain nommé à terme par l'évêché. C'est à cette période que se situe l'exhaussement de la Tour d'Anniviers.

À l'origine, la Tour de pierre était composée de 3 niveaux: les fondations s'enfonçaient dans la terre avec une pièce obscure (ou cave) accessible directement de l'extérieur. Le rez-de-chaussée formait une seule grande salle avec une porte au sud et des latrines au nord, et dans laquelle on retrouve trace d'un âtre. Sa fonction semble avoir été celle d'une vaste cuisine avec lieu de séjour et de réception. L'étage, accessible par un escalier extérieur en bois, était consacré au logement proprement dit. Ces trois niveaux étaient certainement recouverts d'une charpente et d'une toiture.

Dès la deuxième moitié du 15e siècle, la Tour est rehaussée de deux étages supplémentaires permettant l'aménagement de nouvelles unités de logement. Chaque étage était accessible de l'extérieur par un système de galeries et d' escaliers en bois appliqués contre la façade. De même, des latrines extérieures à la construction de pierre étaient incorporées aux galeries, et les façades extérieures de la partie surélevée étaient recouvertes d'un lambris en bois. Le tout étant couronné d'un crénelage en pierres supportant une nouvelle toiture.

Tour d'Anniviers, Cour Neuve (aula nova), Tour de l'Evêque, Tour du Château, les appellations sont diverses à travers les récits de l'histoire. L'observation archéologique démontre que la Tour servît essentiellement de logements et faisait partie de l'ensemble des bâtiments sur lesquels s'appuyait L'administration des seigneurs d'Anniviers, puis des officiers épiscopaux. Le crénelage du dernier niveau contribuait moins à la défense du bourg, qu'à l'observation du pays. On peut même admettre que cette demeure des notables devînt, après sa surélévation au 15e siècle, le siège de l'administration temporelle du Val d'Anniviers jusqu'à la fin de l'ancien régime. Les Sieurs d'Anniviers avaient au moyen âge leur propre château, sur les ruines duquel fut construit dès 1688 la Chapelle N.-D. de Compassion. Le régime féodal prit fin en Valais avec la révolution de 1798.

Une dizaine d'années plus tard, la Tour devînt la propriété privée d'un bouillant notable anniviard, le notaire et ex-commissaire Jean-Georges Roux, châtelain et procureur de Vissoie en 1817. Un voyageur relate que vers 1864-1868 la Tour à Vissoie était bien conservée. L'Abbé Erasme Zufferey - historien d'Anniviers s'il en fut un - se souvînt d'avoir encore vu dans son enfance, à la fin du 19e siècle: "en la Tour de Vissoye, le treuil de la question et à côté, au rez-de-chaussée, les cachots bas et sans fenêtre ... ". Il semble que le toit de la Tour fut endommagé par le feu en 1879, soit une année avant le grand incendie qui détruisit une partie du village de Vissoie dans la nuit du 20 au 21 septembre 1880 et qui ravagea entièrement le Ballios, dont il reste aujourd'hui encore la cave et les fondations. La toiture de la Tour fut finalement restaurée en 1906, mais les murs de l'édifice n'abritaient plus alors qu'un vaste et commode grenier à l'usage des héritiers de Jean-Georges Roux et de Marie-Madeleine Epiney, son épouse.

La Tour après l'incendie (© Ed. Burgy, St-Imier), vers 1900.

Ce n'est donc que justice si le souverain d'aujourd'hui, par la voix du Conseil communal de Vissoie, rachète aux ayants droits en 1975 la Tour d'Anniviers, la fait classer au rang de monument historique le 7 mars 1980, et décide de sa restauration. Les travaux ont commencé en automne 1982; ils sont exécutés en collaboration étroite avec le Service des monuments historiques du Canton et de la Confédération.

La Tour deviendra bientôt le musée-exposition de la vallée d' Anniviers, sur deux ou trois niveaux. Restaurée, elle abritera également en son niveau supérieur une salle de réception officielle, et dans ses fondations, la cave de la Bourgeoisie et de la Commune de Vissoie. Elle retrouvera ainsi, à l'aube du 21 e siècle, sa vocation historique de témoin fidèle de la vie anniviarde, du moyen âge à nos jours.

Plaquette éditée par la fondation pour la © Tour d'Anniviers à Vissoie, mai 1983.

Depuis le 1er janvier 2009, la Tour est propriété de la nouvelle Commune d'Anniviers, quant à la cave elle appartient à la Bourgeoisie de Vissoie. Aujourd'hui, la Tour d'Anniviers est gérée par l'Association culturelle ACTA. Elle accueille trois salles d'exposition et au dernier étage, sous une magnifique poutraison, « un petit théâtre » peut accueillir 60 personnes.

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  • David

    Bravo pour cet historique étayé qui remonte aux fondations, je vais bientôt proposer une série sur les Tours en Romandie, on parlera des tours d'architectes plutôt récentes au regard de cette tour d'Anniviers. Bonne journée David